Fanny Godara a apporté la fraîcheur bretonne dans les assiettes des Pondichériens et des touristes de passage depuis 2016 et ça fait du bien ! Lepetitjournal de Chennai l’a rencontrée, elle nous partage son histoire.
[Après un excellent repas chez Crêpe in Touch], Bonjour Fanny, lepetitjournal est ravi de faire votre connaissance et aimerait beaucoup faire partager votre aventure personnelle et professionnelle.
Bonjour lepetitjournal, avec plaisir ! J’habitais à Paris avant d’arriver ici ; Avec mon mari, qui vient du nord de l’Inde, nous avions toujours eu envie de vivre une expérience indienne, pas forcément dans une grande ville d’ailleurs car cela nous effrayait un peu. En 2013, envie d’une nouvelle parenthèse donc, nous avons choisi Pondichéry, car en tant que professeur de français, c’était un peu plus facile pour moi de trouver du travail. Nous venions au début pour une année. Et là ça fait 7 ans que nous sommes ici ! En fait, je ne connaissais pas du tout l’Inde avant de rencontrer mon mari. Je me sentais en déséquilibre, lui qui connaissait très bien la France ; j’avais donc envie d’avoir moi aussi un « vécu » dans son pays d’origine. Je voulais tenter !
En fait votre métier de restauratrice n’est pas votre formation d’origine ?
En effet, quand je suis arrivée ici j’étais professeur de français. En étant mariée avec un Indien, je possède une carte spéciale qui permet d’être exemptée de visa et surtout de travailler partout ; J’ai donc les mêmes droits qu’un Indien si ce n’est que je n’ai pas le droit de vote et l’acquisition de terres agricoles. Une situation très pratique pour cette idée dans un coin de ma tête depuis un moment : ouvrir un commerce.
Au fil de discussions autour de moi, je me suis rendue compte qu’il n’y avait pas de crêperie à Pondi. Or, c’est un concept qui s’exporte très bien partout dans le monde et, comme je suis bretonne, cela facilite l’aventure. Du coup, je me suis lancée en 2016 ! J’ai d’abord été formée par ma tante, puis par la personne qui tient la crêperie de mon village – La crêperie des fougères à Pleyber-Christ – Elle m’a conseillé, donné du matériel, appris ses recettes etc… De retour ici, je me suis entraînée, et avec moi l’équipe que j’embauchais petit à petit. Les personnes qui m’entourent sont surtout des locaux, d’abord car il est difficile d’embaucher des occidentaux pour des raisons de visas, mais aussi parce que j’avais envie de transmettre un certain savoir-faire français localement. L’entreprise s’inscrit dans le paysage pondichérien et ces personnes sont tout aussi capables d’apprendre la restauration. Après il faut savoir qu’il y a un vrai turnover ici, les indiens ne se ferment pas à un seul métier, ils sont de nature très polyvalents dans leur vie professionnelle. J’essaye toutefois de les garder.
D’ailleurs travailler en Inde, avec des Indiens, c’est comment ?
Je dois avouer que je n’aurai jamais eu la chance et l’opportunité de monter un projet comme celui-ci en France avec un investissement pas très important. L’Inde est connue pour être le pays des possibles ! Après c’est vrai que l’on s’adapte, on s’ajuste en permanence, on explique pourquoi la ponctualité est importante, pourquoi on travaille comme ci ou comme ça, pourquoi le client est roi etc…Je trouve que la prise de risque ici est beaucoup moins importante dans le sens où c’est un pays qui explose en termes de pouvoir d’achat ou de tourisme. Parmi nos clients, je vois bien sûr des européens, mais aussi de plus en plus d’Indiens de classe aisée qui voyagent et consomment.
Si on persévère dans son idée, si on arrive à occuper un secteur qui n’est pas surchargé (réussir à être unique), et si on est sait où on veut aller, tout est possible. Alors oui, la différence culturelle, je la sens tous les jours mais si on est clair avec ses objectifs, on peut emmener les gens loin. Prendre son temps, être très présent sur le long terme. Pour moi, cela a duré un peu plus longtemps que prévu d’ailleurs : pendant 2 ans, je ne suis pas sortie de la cuisine ! Je formais mon équipe, je les regardais travailler, je les faisais goûter, j’ai écouté leurs idées de recettes (à l’image de la carte des jus par exemple). Aujourd’hui, j’ai 2 serveurs et 4 personnes en cuisine ; je peux m’absenter, je sais que ça roulera.
Est-ce important pour vous de transmettre la culture et le savoir-faire français ?
Oui, cela fait partie de ce que j’ai trouvé chouette ici : le partage à travers la nourriture, rendre les gens heureux à travers le savoir-faire français. Mais encore plus intéressant pour moi, ce sont les rencontres. Je suis très heureuse d’avoir pu rencontrer par exemple « la famille sac à dos » ravie de déguster une bonne galette française et qui raconte son voyage itinérant, ou encore des clients indiens très curieux de nos recettes … Toutes ces rencontres rendent mon expérience ici très très riche. Finalement, mon plus gros défi ici a été de travailler avec une équipe en Inde. J’étais salariée en France, j’ai donc appris à gérer des gens, à me positionner en leader. Je ne suis pas sûre aujourd’hui d’avoir tout cerné mais je pense que nous sommes arrivés à une certaine maturité de travail et de transmission.
Une anecdote à nous raconter sur votre expérience ?
Un jour, 6 mois après l’ouverture, Akkineni Nagarjuna, super star du cinéma, est venu dans la crêperie. Moi, il ne me disait absolument rien mais j’ai vu l’équipe en cuisine littéralement s’évanouir devant lui ! C’était un moment sympa, nous avons discuté ensemble, il a posé beaucoup de questions et il a même voulu recruter ma fille pour un film !
Quels sont les projets de Crêpe in Touch ?
Notre projet est de quitter Pondichéry dans l’année pour aller à la Réunion. J’ai beaucoup hésité sur l’avenir de la crêperie ici. Mais en fait je me suis trop impliquée pour accepter de fermer ce lieu, faire perdre le boulot à mon équipe etc… Donc je garde. Vendre ? Oui j’ai rencontré des gens mais je pense que je ne suis pas prête à voir dénaturer mon projet. Donc j’ai décidé de revenir tous les 2-3 mois et je resterai à distance présente avec mon équipe comme je le peux, avec des craintes bien sûr (comment gérer les périodes de rush à distance ? Comment l’équipe va-t-elle rester motivée … ?) 2020, je passe la main donc, tout en restant à la tête de ce projet et on verra comme cela évolue ! Quant à la Réunion, je ne sais pas encore si je me lance dans une crêperie là-bas.
Le mot de la fin ?
Venez, venez, venez ! Je suis preneuse de tout retour, remarque, message, commentaire et partage d’expérience. A noter que nous avons un espace de jeux pour les enfants, de quoi les occuper pendant le repas des parents. Et depuis le 19 janvier, nous sommes ouverts le dimanche midi (et fermés le mardi ndlr), pratique si vous venez passer le weekend à Pondichéry : Crêpe in Touch - 29 Needarajapayer Street, Puducherry