Quinze pays d’Asie ont signé le 15 novembre un accord commercial, le RCEP (Regional Comprehensive Economic Partnership), sans l’Inde qui s'était retirée des négociations en novembre 2019. Le RCEP a cependant laissé l’option à l'Inde d’y adhérer dans le futur. Quelles sont les raisons du gouvernement indien pour ne pas s’associer au RCEP et quels seront les impacts pour l’Inde ?
L'Inde à l'origine du RCEP
Avant d’abandonner la table des négociations, l’Inde avait été un des premiers pays à la source de l’accord RCEP. Le retrait de l’Inde a été motivé par la potentielle arrivée massive des produits chinois sur le marché intérieur une fois que les droits de douane seraient réduits sur environ 80% des importations. Selon l' Economic Times of India, le déficit commercial entre la Chine et l’Inde atteint 60 milliards de dollars en faveur de la Chine. Une baisse des tarifs douaniers aggraverait également les déficits commerciaux de l'Inde avec 11 des 15 pays. Enfin, une autre raison avancée concernait les produits agricoles. Hors ceux-ci sont pour l’instant exclus de l’accord.
Un retrait justifié ?
Selon The Hindu, ces raisons étaient à première vue justifiées à l’époque et ont été bien accueillies par l’industrie, le commerce et les groupes d’agriculteurs. Cependant, 12 mois plus tard, le retrait de l’Inde semble beaucoup plus discutable sur le plan économique. Avec la contraction du commerce mondial suite à la pandémie de Covid-19, les pays signataires du RCEP qui font preuve aujourd’hui d’une bonne santé économique et de résistance face au virus peuvent redynamiser l’activité économique mondiale. Le RCEP représente déjà environ 30% de la production économique mondiale et un tiers de la population mondiale. Deborah Elms, directrice de l'Asian Trade Center, estime ainsi que l'Inde a beaucoup perdu. Dorénavant, le pays ne se trouve plus à un même niveau de concurrence sur les 15 marchés asiatiques signataires de l’accord que ces derniers. “Tout le monde paiera des tarifs inférieurs, tandis que les entreprises indiennes devront toujours payer le taux normal plus élevé”, a-t-elle déclaré.
Pas de contrepoint pour la Chine
Le RCEP renforcera le poids de la Chine dans la région Asie-Pacifique. Le partenariat transpacifique que les États-Unis avaient préparé avec 10 des pays sous l'administration Obama pour contrer le RCEP, a été abandonné sous l'administration Trump. L'Australie et le Japon, auxquels les États-Unis et l'Inde se sont associés dans le cadre du Quad pour contrer la Chine dans la région, font également partie du RCEP. L'absence de l'Inde peut donc avoir un impact important pour les pays du RCEP hormis la Chine, car elle aurait été la troisième économie du RCEP, apportant ainsi un grand marché et un contrepoids à la Chine.
Une entrée ultérieure ?
Même si l’accord inclut la possibilité pour l’Inde d'adhérer plus tard, Amitendu Palit, chercheur à l'Institut d'études sud-asiatiques de l'Université nationale de Singapour, a déclaré à The Hindu “qu'il y avait « un certain degré de cynisme » parmi les représentants commerciaux de la région après l'issue des négociations. On a le sentiment que l'Inde se replie de plus en plus vers l'intérieur et ne se tourne pas vers sa région alors que les pays voisins cherchent à se rassembler, sauf dans le cas de l’Australie et du Japon avec lesquels l’Inde participe au Quad".
Cependant, lors du sommet de l’ASEAN, la semaine dernière, l’Inde et les pays de l’ASEAN ont déclaré qu’ils allaient travailler sur les moyens d’accroître les relations commerciales entre eux malgré le retrait de l’Inde du RCEP. "Nous n'avons pas rejoint le RCEP car il ne répond pas aux questions et aux préoccupations de notre pays. Cependant, nous restons déterminés à approfondir nos relations commerciales avec l'ASEAN", a déclaré le secrétaire du Ministère des Affaires Étrangères, Riva Ganguly Das.
Pour en savoir plus sur le RCEP : 15 pays asiatiques signent un accord commercial majeur et sur le retrait de l’Inde en novembre 2019 : L’Inde se retire de l’accord commercial asiatique RCEP.