Contraintes sanitaires, droits de l’Homme, neige artificielle… Les polémiques liées à ces Jeux olympiques, organisés pour la seconde fois dans la capitale chinoise, ne manquent pas. La question est sur toutes les lèvres : fallait-il vraiment accorder les JO d’hiver 2022 à la Chine ?
Enthousiasme des Chinois pour les Jeux Olympiques
Un bref retour sur image s’impose. Nous sommes le 31 juillet 2015 à Kuala Lumpur. Le Comité international olympique (CIO) s’apprête à annoncer qui d’Almaty ou de Pékin, accueillera les XXIVèmes Jeux d’hiver. C’est finalement « l’expérience » chinoise qui prévaudra sur « la poudreuse » kazakhe. « Un choix sûr et historique », s’est félicité son président Thomas Bach, sans se douter que sept ans plus tard, de violentes émeutes secoueront l’ex-capitale du Kazakhstan un mois avant les JO…
Mais si Pékin a « hérité » de ces Jeux d’hiver, c’est surtout parce que plusieurs villes européennes n’en voulaient pas : trop chers, trop impopulaires. Oslo, Stockholm, Cracovie, Munich et Saint Moritz (Suisse) ont toutes retiré leur candidature…
En Chine en revanche, l’enthousiasme du gouvernement et de la population pour les Olympiades est resté intact depuis les précédents Jeux d’été de 2008, qui avaient marqué la réémergence de la Chine sur la scène internationale. À l’époque, il ne faisait aucun doute pour le CIO que de choisir Pékin mènerait à davantage de convergence avec l’Occident, notamment sur des questions sensibles telles que celles des droits de l’Homme.
L'affirmation du nationalisme chinois
C’est exactement l’inverse qui s’est produit. Après avoir triplé son PIB en l’espace de 14 ans et être devenue la deuxième puissance économique mondiale derrière les États-Unis, la Chine entretient des relations quasi « glaciales » avec bon nombre de pays occidentaux et estime n’avoir à recevoir de leçon de personne, ni sur sa manière de « combattre l’extrémisme » au Xinjiang, ni sur sa gouvernance de la région administrative spéciale hongkongaise… Lors du relais de la flamme olympique, elle a d’ailleurs choisi comme porteurs un officier de l’APL, blessé dans un affrontement avec des soldats indiens et une jeune skieuse de fond ouïghoure.
Pour autant, la Chine n’est pas si imperméable aux critiques qu’elle voudrait le faire croire. Comme tout pays, elle tient à sa réputation internationale. Malgré des succès éclatants dans bien des domaines, la Chine n’a jamais cessé d’aspirer à être reconnue comme une égale, voire supérieure, par les autres grandes puissances. À travers ces Jeux d’hiver, il s’agit donc avant tout de se présenter comme l’une des rares nations au monde capable d’organiser des Jeux d’été comme des Jeux d’hiver, qui plus est en pleine pandémie de Covid-19. L’ennemi historique japonais a dû repousser ses Jeux d’été à 2021 et vider ses tribunes. Pas la Chine, qui a tenu son calendrier et rempli à moitié ses gradins. Les autorités sont si confiantes en leur cordon sanitaire qu’ils envisagent même d’autoriser davantage de spectateurs – toujours sur invitation – à assister aux épreuves.
Une vitrine internationale pour la Chine
Le Président Xi Jinping lui-même a tout intérêt à ce que ces Jeux soient un succès. Une organisation irréprochable, sans fuite du virus en dehors des bulles sanitaires, lui permettrait de consolider son pouvoir à quelques mois du XXème Congrès du Parti qui devrait le maintenir à la tête du pays, en rupture avec toutes les règles préétablies. « Ces Jeux d’hiver sont en fait une célébration de la décennie de Xi Jinping au pouvoir, analyse Geremie R. Barmé, éminent sinologue australien, c’est une sorte de fête nationale, sous couvert d’un évènement international ».
Alors que le boycott diplomatique intenté par les États-Unis et plusieurs pays occidentaux avait pour objectif d’isoler la Chine, le Président Xi Jinping s’est prêté à un véritable « défilé » diplomatique en recevant pour la première fois en deux ans, une trentaine de dirigeants (Pakistan, Kazakhstan, Arabie Saoudite, Serbie…), essentiellement des autocrates, et des représentants d’organisations internationales (ONU, OMS…) dans le sillage de la cérémonie d’ouverture. Au programme : banquet de l’amitié au Grand Palais du Peuple (cf photo), signatures d’adhésion à l’initiative BRI et contrats en milliards de $, notamment pour un réacteur nucléaire Hualong avec l’Argentine. Preuve que l’attrait commercial de la Chine n’a rien perdu de sa superbe depuis le début de la pandémie.
Mais l’invité d’honneur était sans aucun doute Vladimir Poutine, personnellement convié par Xi Jinping, puisque la Russie a été privée de représentation officielle pour cause de dopage. Seul le comité olympique russe, dont les athlètes sont systématiquement applaudis lors des épreuves sportives par le public chinois, est présent. Le front uni affiché par les deux leaders est tout aussi significatif que les Jeux en eux-mêmes. La déclaration conjointe de seize pages évoque une « nouvelle ère des relations internationales » et équivaut à une prise de position inédite de la Chine sur la sécurité européenne, alors que près de 115 000 soldats russes s’amassent à la frontière ukrainienne. Une pente bien plus dangereuse que celles de Zhangjiakou.