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 "Echoes of the Rainbow", le film qui nous fait revivre les années 60

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Les dilemmes de la société hongkongaise se retrouvent dans Echoes of the rainbow.
Écrit par Regards hongkongais de HKBU European Studies - French Stream
Publié le 29 octobre 2018, mis à jour le 30 octobre 2018

Souvent un film est le meilleur moyen pour revivre le Hong Kong des années 1960 et mieux comprendre l'esprit de la ville. Lequel faut-il aller dénicher dans les vidéoclubs? Scarlet Ho, étudiante hongkongaise, nous conseille de voir Echoes of the rainbow, film d’Alex Law Kai Yui, sorti en 2010, qui a connu un grand succès. Celui-ci nous éclaire sur la société hongkongaise de l’époque – à la fois si loin si proche – de celle que nous connaissons aujourd’hui.  

Née en 1996, six mois avant la rétrocession de Hong Kong à la Chine, je me suis toujours demandée à quoi ressemblait la vie des Hongkongais sous domination britannique. A l’heure où la société hongkongaise semble vivre une profonde crise identitaire, le "c’était mieux avant" est une formule qui revient souvent dans la bouche de mes concitoyens. Qu’en est-il vraiment? Le film Echoes of the Rainbow qui parle de l’histoire de la famille Law, propriétaire d’un magasin de chaussures - Law Kee Shoes -, à Sham Shui Po à la fin des années 60, nous apporte certains éléments de réponse. A travers ce beau film, on replonge dans un Hong Kong dont le paysage – tant urbain que social – parait à cent lieues de notre société actuelle. Différentes opinions - sur l’Angleterre, sur la Chine continentale et même sur la future rétrocession – se font écho et il me parait intéressant de prendre le temps, a posteriori, d’y réfléchir pour comprendre que tout n’était pas si rose. 

Un lien social fort entre voisins…

Dans la ruelle, où le magasin de chaussures se situe, se trouve aussi un magasin de qipao (vêtement traditionnel chinois) et un casino. Chaque magasin appartient à une famille et fait office de lieu de travail et de lieu de vie. Il règne parmi cette communauté une forte solidarité. Ils se réunissent pour dîner chaque soir en déplaçant leurs tables et leurs chaises dans cette petite rue. Quand le patron du casino ne comprend pas une lettre du tribunal, Desmond Law, le grand frère de la famille, interprété par Aarif Lee, l’aide à la traduire. Le patron partage sa cuisine avec la famille de Desmond en retour. Ou encore le propriétaire du magasin de qipao prête toujours son téléphone à ses voisins.

Mais une société élitiste et corrompue …

Desmond, sait clairement que lorsque l’on vient d’un milieu populaire comme c’est le cas de sa famille, la seule manière de monter dans une société monopolisée par une classe supérieure anglaise, est d’intégrer une école d’élite. Il réussit ainsi à entrer à la Diocesan Boys’ School (DBS), une des écoles traditionnelles les plus célèbres où le médium d’instruction est l’anglais (et où l’on peut même prendre des cours français). Lors de la compétition sportive organisée entre les écoles les plus réputées de Hong Kong, DBS, St’ Steven et King George V, Desmond déploiera tous ses efforts pour gagner ! Bien plus qu’une simple victoire sportive, il s’agit avant tout pour lui de montrer qu’il peut parvenir au même rang que ses camarades même s’il n’est pas né dans une famille riche et ainsi briser cet écart de classe qui prédominait à Hong Kong à ce moment-là.  

Par ailleurs, dans les années 60, comme dans la France des ‘Trente Glorieuses’, Hongkong connait un boom économique sans précédent. Cependant le gouvernement a maintenu les salaires de la fonction publique très bas. Dès lors, tous les fonctionnaires, que ce soit dans la police ou à l’hôpital, ont profité de leur position pour arrondir leur fin de mois grâce à des pots de vin euphémiquement appelés "argent du thé" ou "argent de la chance". Ainsi, dans une des scènes du film, on voit un policier demander au père, Monsieur Law (joué par Simon Yam) d’augmenter son "argent du thé" pendant le nouvel an chinois sous peine de se voir retirer l’autorisation d’ouvrir son magasin dans cette ruelle. Dans une autre scène, c’est la corruption dans le milieu hospitalier qui est pointée du doigt : alors que Desmond est hospitalisé, les infirmières demandent à sa mère (Sandra Ng), de leur donner de l’argent pour l’eau!

Quelle identité pour Hong Kong? 

Monsieur et Madame Law sont les deux personnages qui envisagent le retour de Hong Kong dans le giron chinois comme allant de soi. 
Le père de Desmond, Monsieur Law, comme beaucoup de Hongkongais, a fui la situation politique en Chine avec sa mère pour trouver asile à Hong Kong. Pourtant malgré les terribles troubles qui ont secoué le continent et qui l’ont obligé à prendre la fuite, il se sent profondément Chinois. Une chose est sûre : il n’aime pas le gouvernement colonial. Hong Kong n’est pour lui qu’un endroit pour gagner sa vie, certainement pas sa patrie. Il répète que "protéger le toit de son magasin est la chose la plus importante". Le toit est ce qui, selon moi, symbolise son identité chinoise. Ceci est fort bien perçu dans la scène du film où le Typhon Wanda, l’un des plus puissants typhons dans l’histoire de Hong Kong, s’abat sur la ville. Le père s’écrie: "il faut protéger le toit!", il défie alors les éléments et saisit le toit pour tenter de l’empêcher de s’envoler. 

Madame Law, elle, représente l’esprit du "Lion Rock" très cher à Hong Kong : travailler dur, persévérer, espérer pour faire advenir le succès. Ces phrases qu’elle prononce à plusieurs reprises dans le film - "un homme doit toujours avoir une conviction" ou encore "derrière chaque obstacle, il y a un beau paysage" - se veulent prémonitoires. On se doit de regarder avec optimisme vers le futur. Elle semble vouloir nous dire que malgré les difficultés et les incertitudes, il faut aller de l’avant et garder l’espoir que l’avenir et par là-même la rétrocession apportera la prospérité à Hong Kong.

 

echoes of the rainbow
Les voisins se serrent les coudes. @DR

 

Quant à Desmond, comme son père, le gouvernement britannique est, pour lui, synonyme de contrainte qui l’empêche de prendre son envol. La chanson qui passe en boucle à la radio "I wanna be free" par The Monkees, traduit bien ce sentiment: 

"I wanna be free (Je veux être libre)
Like the bluebirds flying by me (Comme les merles qui volent au-dessus de moi)
Like the waves out on the blue sea (Comme les vagues sur la mer bleue)
If your love has to tie me (Si ton amour doit m’attacher)
Don’t try me, say good-bye (Ne m’essaye pas, dis-moi au revoir)
I wanna be free (je veux être libre)"

Desmond est victime de cette société élitiste et de ce système de classe qui ne lui permet pas de vivre pleinement son amour pour Flora (jouée par Evelyn Choi),  issue d’une famille cultivée et riche. Pourtant à la différence de ses parents, il n’a pas confiance en la Chine non plus. On le voit bien lors de son séjour à Pékin où il est allé pour trouver un docteur qui pourrait traiter son cancer du sang. Il y est témoin de la brutalité de la Révolution culturelle imposée par le gouvernement chinois. A cette oppression, il ne veut pas s’identifier non plus. Et donc cette chanson peut aussi être entendue comme le signe que la rétrocession de Hong Kong à la Chine n’est pas vue d’un si bon œil. De nombreux Hongkongais quitteront ainsi la ville par peur de subir la mainmise de Pékin. C’est ce qu’évoque le départ de la famille de Flora qui choisit d’immigrer à San-Francisco avant que la situation ne se gâte pour elle. 

Ce film fait résonner de nombreux sentiments contradictoires actuellement à l’oeuvre dans la société hongkongaise. On s’aperçoit que la quête de l’identité hongkongaise n’est pas aussi récente qu’on l’imagine et que toujours prise dans l’étau de puissances qui la dépassent, elle n’en a pas fini de se chercher.   

 

Ho Hung Hung Scarlet étudiante HKBU

 

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