Selon un sondage récent, 16% des jeunes hongkongais seulement se disent fiers d'être Chinois. Une étudiante de HKBU nous explique les raisons à ses yeux de ce désamour.
“Je ne suis pas Chinoise, je suis Hongkongaise.” Après avoir vécu un an en France, cette phrase est devenue ma devise et ce sentiment s’est renforcé à mon retour. Pourtant les deux ne devraient pas être incompatibles et la devise européenne "In varietate concordia" devrait servir de modèle.
Hong Kong est indéniablement une ville liée au territoire chinois. On peut se demander pourquoi ses citoyens sont tellement réticents à s’affirmer Chinois, pourquoi insistent-ils autant sur leur identité hongkongaise, quitte à provoquer le mécontentement de la Chine continentale?
Un territoire inséparable de la Chine: de la fierté à la révolte...
Les relations sino-hongkongaises n’ont pas toujours été si mauvaises. En 1997, lorsque Hong Kong a été rétrocédé à la Chine, de nombreux citoyens étaient fiers d’être enfin officiellement reliés à leur ancêtre et d’être réunis avec leur famille en Chine.
En 2008, pendant les Jeux olympiques de Pékin ou lors du désastreux tremblement de terre dans le Sichuan, un nombre record de Hongkongais se reconnaissaient comme Chinois. Selon une enquête menée par l'Université de Hong Kong en 2008, 39% des citoyens hongkongais se disaient avant tout Chinois et 29% "Chinois et Hongkongais".
Mais, ce sentiment a peu à peu évolué.
Bien que Hong Kong ait célébré le 20ème anniversaire de sa rétrocession à la Chine, les voix anti-gouvernementales s'entendent de plus en plus. Trois ans après la Révolution des Parapluies, trois des principaux défenseurs pro-démocratie (Joshua Wong, Nathan Law et Alex Chow) et treize manifestants contre le développement des Nouveaux Territoires ont été emprisonnés. Dans le même temps, de nombreux étudiants radicaux ont commencé à défendre l’indépendance de Hong Kong.
Ces manifestations hostiles à la Chine ont déclenché le mécontentement des citoyens pro-chinois. Le gouvernement a d'ailleurs ordonné à toutes les universités de Hong Kong de retirer tous les slogans et les affiches avec des messages prônant l'indépendance de Hong Kong.
Comment comprendre ce retournement dans l’opinion publique en à peine 10 ans?
Le délitement du principe "Un pays, deux systèmes"
En tant que centre financier et porte d'entrée de la Chine, Hong Kong était autrefois reconnue par elle-même sans qu’il soit besoin d’intervention chinoise. Avec ses lumières étourdissantes, elle était qualifiée de “Perle de l'Orient”.
Politiquement, sous influence de la couronne britannique, Hong Kong a développé un système gouvernemental inspiré "De l’esprit des lois" de Montesquieu. La ville a défendu une séparation des pouvoirs. La Commission Indépendante contre la Corruption (ICAC), établie sous le règne britannique, avait été instaurée pour empêcher le gouvernement anglo-hongkongais d’intervenir dans les affaires judiciaires.
A la fin de l’ère coloniale, cette indépendance des pouvoirs devait être maintenue avec la Chine promettant de conserver l’autonomie de Hong Kong avec le principe "Un pays, deux systèmes".
Plus facile à dire qu’à faire! Ces 20 dernières années, l’Assemblée Nationale Populaire de Chine a interprété à 5 reprises la Loi Fondamentale à son avantage. La dernière en date concerne l'invalidation des prestations de serment au conseil législatif. Cette intervention précédait celle de la Haute Cour de justice de Hong Kong saisie en premier pourtant pour trancher la question.
A cette controverse s’ajoutent pour n’en citer que quelques-unes: la victoire au poste de cheffe du gouvernement d’une candidate dont se méfient beaucoup de citoyens, les soupçons d'enlèvement du politicien Howard Lam en août dernier, l’emprisonnement de jeunes leaders pro-démocrates comme évoqué plus haut.
Ces éléments ont accru la division des Hongkongais. De nombreux citoyens ont vu ces affaires comme une perte de souveraineté de Hong Kong.
Le conflit entre deux cultures: Hongkongais vs. Chinois
Le flot de touristes chinois qui visite Hong Kong depuis quelques années et stimule l’économie a aussi apporté une série de clichés.
Ils sont vus comme vidant les étagères des magasins de leur lait en poudre ou faisant preuve d’incivilités. Ces différences ont été accentuées par la langue d’abord (cantonais vs mandarin), le mode de vie parfois résumé comme un conflit entre urbains et ruraux et enfin les idées (démocratie versus communisme, esprit critique vs. esprit patriotique). Ces représentations expliquent beaucoup de malentendus, d'incompréhensions de plus en plus grandes entre les Hongkongais et les Chinois.
"Mainlandisation" de l'économie
Sur le plan économique, les investissements chinois ont pris plus d'importance. Avant les années 2000, les grands investisseurs étaient étrangers ou locaux, comme la banque Morgan Stanley ou la Cheung Kong Holding de Lee Ka-Shing.
Aujourd’hui, les marchés financiers de Hong Kong ont été engloutis par les capitaux chinois comme ceux de China Bank. Cette rapide domination de l’investissement chinois a bouleversé l’économie hongkongaise et l’a rendue de plus en plus dépendante. Shanghai et Pékin remplacent peu à peu la position économique de Hong Kong dans le monde. Les pays étrangers peuvent considérer aujourd’hui Hong Kong comme une grande ville parmi d’autres en Chine et non comme une région uniquement autonome. Par conséquent, les entreprises occidentales installent de plus en plus leur siège dans ces grands marchés et non plus à Hong Kong.
La spécificité économique que détenait Hong Kong et qui constituait en quelque sorte sa dernière ligne de défense a elle aussi été brisée ; tout comme ce qui constituait sa spécificité politique, culturelle ou linguistique.
Le refus des Hongkongais de s’affirmer Chinois ne vient aucunement d’un sentiment de honte ni de haine envers ce pays mais de la perte de ce qui faisait l’originalité de cette ville. Hong-Kong et la Chine partagent bien le même sang et la même histoire. Cependant, maintenir les attributs qui marquent l’identité de Hongkong pendant cette période de transition est absolument nécessaire. La Chine devrait ainsi faire sienne cette devise: "Unie dans la diversité"…
Ngan Cheuk Shan Elyse