Le 23 septembre 2018 a marqué l’ouverture officielle de la ligne connectant Canton, Shenzhen-Futian et Hong Kong. Selon Frank Chan Fan, le secrétaire aux transports et au logement, la construction du train express Canton-Shenzhen-Hong Kong (XRL) marque un moment historique important, car il s’agit d’un nouveau mode de transport transfrontalier rapide et pratique. Une étudiante hongkongaise nous explique les enjeux.
La nouvelle ligne de train à grande vitesse est-elle une formidable connexion à la Chine ou un "éléphant blanc"? Le débat ne s’est pas refermé avec l’ouverture de la gare. Ce projet d’infrastructure de classe mondiale, proposé par le gouvernement de Hong Kong à la fin des années 1990 et visant à renforcer le rôle de Hong Kong comme centre logistique international, a été discuté longuement et a évolué jusqu’en janvier 2010 où le budget pour sa construction a finalement été voté par le Conseil législatif de Hong Kong, marquant le début des travaux qui auront pris huit ans! Revenons sur les vives controverses que cela a suscitées.
Un budget faramineux et un coût environnemental
Ce projet aura au final coûté 84,4 milliards de Hong Kong dollars (9,2 milliards d’euros) aux contribuables. Presque 20 milliards de plus que le budget initial, ce qui en fait une des liaisons ferroviaires les plus chères au monde! Au vu de ce budget colossal, de nombreuses voix se sont élevées critiquant l’inutilité de ce grand plan de transport. En effet, de nombreux autres moyens existaient déjà pour se rendre de l'autre côté de la frontière: l’avion, la ligne du Réseau Est du Métro et les bus transfrontaliers qui coûtent en général moins chers et peuvent même être parfois plus rapides que le XRL. Sans compter les impacts irréversibles que cette ligne aura pour l’environnement et la vie des gens. Ordonné par le gouvernement de Hong Kong, le village de Tsoi Yuen Tsuen a par exemple dû être démoli forçant les habitants à déménager. Et les quartiers de Yung Long et de Shek Kong notamment verront leur pollution sonore et leur pollution de l’air empirer considérablement.
Un débat politique
Autre polémique: la transmission à la Chine du contrôle d’une portion de la nouvelle gare de West Kowloon afin de faciliter les contrôles d’immigration et la gestion des frontières. Dans cette zone spéciale placée sous l’autorité de Pékin, ce seront les lois chinoises qui seront en vigueur. Ce "co-operation Arrangement" est en place depuis le 4 septembre 2018. La passation de pouvoir aux autorités chinoises, qui s’est faite le 3 septembre dans la nuit sans qu'aucun média n’ait été invité, a été particulièrement critiquée et inquiète fortement. Il faut rappeler que sous le principe "un pays, deux systèmes", la constitution de Hong Kong est différente de celle de la Chine et la ville bénéficie d’un plus grand niveau de liberté que sur le continent.
Les Hongkongais craignent que les autorités chinoises abusent de cette zone portuaire pour affirmer son emprise sur la ville et pour arrêter des dissidents en plein cœur de la ville comme cela s’était déjà vu lors de l’affaire de la disparition de cinq employés d’une librairie à Causeway Bay dont les publications contre le pouvoir du gouvernement chinois avaient déplu.
A qui profite le XRL?
Malgré ces problèmes, une frange de la population affirme que le XRL est bénéfique, notamment pour le secteur du tourisme puisque ces trains facilitent les déplacements des Chinois à Hong Kong, stimulant ainsi l’économie. Comment expliquer alors que ce sont les Hongkongais qui ont eu à charge de payer cette ligne ferroviaire qui profitera bien plus aux Chinois du continent? D’autant plus que cette présence massive de touristes chinois (3,66 millions en 2018) est souvent l'objet de critiques de la part des Hongkongais.
On le voit cette petite ligne longue de 26km n’en finit pas de faire grincer des dents. Elle devrait être rentabilisée dans 50 ans, si on en croit une estimation du secrétaire aux Transports et au Logement. Cela mettra-t-il fin au mécontentement des Hongkongais? Affaire à suivre.
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Kitson LEE est une étudiante hongkongaise en quatrième année de licence d’Études Européennes à l’Université Baptiste de Hong Kong. Elle a passé un an (2017/18) en échange à Sciences Po Bordeaux. Intéressée par la culture française, elle se prépare à faire un master en France. |