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PORTRAIT – Gérard Rancinan, témoin de notre temps

Écrit par Lepetitjournal Hong Kong
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 5 janvier 2018

 

Considéré comme l'un des plus grands photographes français vivants, Gérard Rancinan se définit lui-même comme "un témoin éveillé des métamorphoses de l'humanité". Il expose pour la première fois à Hong Kong, à l'Opera Gallery, jusqu'au 1er décembre

De passage à Hong Kong pour présenter ses ?uvres et notamment sa série « Métamorphoses », le Français Gérard Rancinan, qui a déjà exposé à la Triennale de Milan et au Palais de Tokyo de Paris, nous a livré son point de vue sur la photographie, sur son travail et a expliqué le pourquoi et le comment de certaines de ses ?uvres.

Pas photographe « par hasard »
Gérard Rancinan entre comme apprenti au laboratoire du service photographique du journal Sud Ouest et après trois ans de chambre noire, il devient à 18 ans, en 1971, le plus jeune photojournaliste de France. Passant par la toute jeune agence de presse Sygma, il couvre à partir de 1978 l'actualité et le sport dans le monde entier et participe à quelques tournages de film à l'instar de Ran d'Akira Kurosawa ou de 37°2 le matin de Jean-Jacques Beineix. Il quitte Sygma et redevient indépendant en 1989.

Notamment connu pour ses portraits de personnalités - du Pape Jean Paul II à Yasser Arafat en passant par Monica Bellucci ? et pour ses sagas photographiques régulièrement publiées en couverture de grands magazines, Rancinan est venu à la photographie via son travail dans les chambres noires. Assis à la place du passager dans une voiture, il était chargé avec un collègue de suivre des événements locaux. "J'étais alors en possession d'un polaroid. Une Harley Davidson montée par deux personnes se porte au niveau de notre voiture et nous dépasse, je la prends en photo. La Harley continue son chemin et disparaît lentement, au loin. Elle s'imprime alors dans mes mains de jeune photographe". Un instant hors du temps, teinté de magie, qui va marquer Gérard Rancinan. Son travail est depuis lors imprégné de ce moment où le temps s'est arrêté.


"Le radeau de la méduse" vu par l'oeil acéré de Rancinan.

Rancinan ose, peut et veut tout faire
Considérant la photographie comme un miroir de la société actuelle mais aussi "de vous et moi", le Français a revisité à travers sa dernière série les chefs-d'?uvre de l'histoire de l'art signés Le Caravage, Matisse, Vinci, Bosch, Velasquez, Delacroix ou encore Géricault. « Métamorphoses »  s'inspire donc des grands peintres de la Renaissance avec un résultat surprenant, mêlant actualisation d'anciennes compositions et vision personnelle du monde moderne. Ces réinterprétations mettent en scène les maux de notre société : l'immigration et ses terribles désillusions avec une nouvelle version du « Radeau de la méduse », la malbouffe à partir de « La Cène » qui fait de Jésus un serveur de fast-food entouré d'apôtres obèses et obsédés par la « junk food » qui traîne sur la table. La pièce maîtresse, intitulée « Décadence », a nécessité trois mois de préparation. "Une performance technique" affirme son auteur qui a réalisé ce tirage grandeur nature en une seule pièce et avec 23 figurants.

L'Opera Gallery expose également plusieurs autres séries du photographe comme ces quelques clichés de presse pris lorsque Rancinan suivait la rétrocession hongkongaise pour le Sunday Times ou encore la série « Eulogy to being different » dans laquelle Rancinan propose des portraits respectueux mais sans compromis. L'occasion également d'admirer les portraits de stars dont le très réussi triptyque de Yan Pei Ming posant en artiste samouraï devant ses toiles. Enfin, la galerie expose les premières pièces de la série que le photographe est en train de terminer : « A wonderful world » livre le regard parfois inquiet du Français sur l'évolution de la société actuelle, notamment américaine, et de l'uniformatisation généralisée liée à la globalisation.

"Ming in Grey", le samouraî artiste, partie d'un triptyque de portrait du peintre chinois.

Un témoin du présent
Quand on lui demande si son travail ressemble à celui d'un réalisateur, le Français affirme en toute humilité que son travail est plus difficile, voire plus méticuleux. "À la manière d'un metteur en scène avec ses comédiens, le photographe dirige ses figurants. Le photographe, quant à lui, ?stoppe le temps', il doit donc tenir compte du fait que l'action ne pourra masquer les défauts de l'?uvre. Celle-ci doit être parfaite, jusqu'à ces moindres détails". Pour Gérard Rancinan, stopper le temps donne au photographe un pouvoir incroyable mais qui implique également des responsabilités. Dans un monde où des millions de personnes prennent des photos, être témoin et immortaliser un événement n'est pas anodin.

Rappelant que "certaines photos ne prennent pas", il insiste aussi sur l'importance de l'échange entre le photographe et le photographié. Selon lui, tout se joue dans cette alchimie, réussite ou ratée, cette "performance artistique entre deux artistes". Le choix des figurants de certaines ?uvres revêt alors un aspect primordial. Ainsi la plupart des figurants du « Radeau de la méduse » sont des immigrés.

Le prochain projet du photographe est de prendre cinq photos très grand format de paysages un peu partout dans le monde. Un challenge pour l'homme qui a l'habitude de placer l'humain et ses émotions au centre de son travail.

Roman Fruitier (www.lepetitjournal.com/hongkong.html), mardi 15 novembre 2011

L'exposition de Gérard Rancinan se tient à l'Opera Gallery, 2-8 Wellington Street, du 11 novembre au 1er décembre.

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Publié le 15 novembre 2011, mis à jour le 5 janvier 2018

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