Eric Berti, Consul général de France à Hong Kong et Macao, a reçu la rédaction du site lepetitjournal.com. L'occasion pour lui de faire un bilan de son action, un an et demi après sa prise de fonction au Consulat. Quelles mesures ont été prises? Quels partenariats créés? Quelle image de la France à Hong Kong? L'ancien consul de Sydney répond à nos questions.
Vous avez pris votre poste en septembre 2015, quels ont été les domaines dans lesquels vous avez oeuvré le plus à Hong Kong?
Le consulat intervient dans trois grands domaines : économique, culturel et celui de la coopération. Il n'y a pas d'intention d'en mettre un avant l'autre. Bien sûr, le secteur économique est très important, et le gouvernement donne comme mission aux consulats d'aider au développement des relations économiques, de la présence française dans le monde des affaires et en même temps des investissements à destination de la France.
Nous avons la chance d'avoir à Hong Kong une coopération très large et équilibrée dans ces trois domaines. La situation que j'ai trouvée en arrivant était exceptionnelle. J'ai donc essayé avec l'équipe de maintenir et faire prospérer cet élan.
Au niveau culturel, comment votre action s'est-elle traduite par exemple?
Nous avons plusieurs grands évènements. Le French May bien sûr, où notre rôle est de s'assurer qu'il puisse continuer avec cette qualité. Cela implique un travail avec l'équipe du French May, avec les sponsors et de maintenir de bonnes relations avec les autorités pour obtenir des lieux, et, financièrement parlant d'avoir l'organisation adéquate. Il faut parfois intervenir auprès des bonnes personnes pour faciliter les choses. C'est un gros travail et le maître-mot, c'est que rien n'est jamais acquis. Il y a aussi le mois de la Francophonie qui est très dense en mars.
Tout nouveau cette année, il y aura le festival Lumières à Hong Kong profitant de la synergie entre les 20 ans de la rétrocession et les 25 ans du French May. Nous avons suivi le modèle de la fête des Lumières de Lyon. Les spectacles de lumières vont mettre en valeur le patrimoine hongkongais. Autour de la fête, il y aura des événements et de la gastronomie en pleine rue, ce qui est relativement nouveau, ici.
L'intérêt est que l'on apporte quelque chose de la France, tiré de son expérience, de son savoir-faire, et que cela profite à Hong Kong.
Nous avons pu voir que l'innovation française était également mise en avant, qu'en est-il concrètement?
Avec la French Tech, lancée l'année dernière à Hong Kong, l'idée était d'aider les startups à trouver des partenariats ou des parrainages, et de communiquer sur le savoir-faire français. Il y a une cinquantaine de startups dorénavant. Nous avons le programme Acceleratech aussi où l'on assiste les entreprises locales à venir se développer en France, via des incubateurs ou des programmes français.
Le salon « So French, So Innovative » est un forum qui montre le visage innovant de la France, alors que Hong Kong veut favoriser l'innovation, et qui vient compléter l'image plus traditionnelle du pays, associée à la gastronomie, la culture, le tourisme.
Le troisième volet concerne les universités. Avec CityU, des conférences (« Distinguished Lecture ») sont organisées en présence d'anciens prix Nobel français. Le Consulat et Hong Kong University of Science and Technology ont mis en place récemment HKUST - France Innovation Hub pour faciliter les échanges entre les étudiants et les entreprises françaises. Nous avons renouvelé aussi le partenariat entre Hong Kong University et l'Institut Pasteur, cette fois-ci pour 10 ans. Il y a une vrai communauté scientifique que nous souhaitons dynamiser.
Enfin, nous lançons un programme «cluster maritime» pour promouvoir l'expertise de la France dans ce domaine. Démarré à Hong Kong, il a vocation à couvrir toute la Chine pour mettre en relation les entreprises du secteur maritime (plaisanciers, fret, logisticiens, banques, assurances...) et leur donner plus de visibilité à eux ainsi qu'à nos ports.
En dehors de cette animation de la communauté scientifique, il y a-t'il aussi des actions autour des étudiants?
Oui il y a une centaine d'accords entre des universités françaises et hongkongaises. Il y a les partenariats d'innovation dont j'ai parlé. Et nous avons aussi lancé la plateforme French Alumni en novembre 2015 pour rassembler les étudiants hongkongais qui sont partis en France. Nous souhaitons valoriser ce réseau, notamment pour les recherches d'emploi, en les reliant à la Chambre de Commerce par exemple.
Dans l'enseignement, nous sommes très fiers de la construction d'un nouvel établissement du Lycée Français International à Tseung Kwan O que nous souhaitons mener à bien.
La présence française à Hong Kong est plutôt inédite?
La particularité de la présence française est triple. Elle est très ancienne (plus de 150 ans). C'est une présence qu'on peut qualifier "d'excellence". Dans tous les domaines, il y a un très bon niveau. On a la première chambre de commerce, le premier lycée français en Asie, le premier festival culturel en dehors des frontières. Par rapport à la taille réduite de la région, c'est exceptionnel. Enfin, la communauté a la volonté d'apporter quelque chose à Hong Kong, au niveau de la qualité de vie, du style, de l'innovation, de la gastronomie ou même de l'environnement, la France est sûrement le pays qui apporte le plus à Hong Kong. Donc oui, l'antériorité, l'excellence et cette volonté de contribuer à la vie locale, font l'unicité de la présence française ici.
Il y a aussi une attractivité dans les deux sens. Hong Kong est le 2ème excédent commercial pour la France et il y a eu 20% d'augmentation des investissements hongkongais en France l'an dernier.
Sur l'attractivité ou l'image de la France, vous avez certainement dû rencontrer des acteurs locaux avec des interrogations ou une vision particulière sur la France, pouvez-vous nous dire ce qui revient le plus souvent?
Ce qu'on sent, c'est un questionnement. Quand ils voient une communauté jeune, dynamique, décomplexée et qui réussit, les Hongkongais se demandent comment la France peut être aussi "déprimée", comment les français peuvent se tourner vers des partis qui favorisent parfois l'exclusion, alors qu'ici, ce n'est pas du tout l'image que l'on donne. Ici, les Français forment une communauté très ouverte, accueillante, solidaire. Comme on a souvent ici des nouvelles de la France via le prisme anglo-saxon, qui met en avant les aspects un peu négatifs, ça peut donner des images négatives sur le pays. Le contraste entre les deux, étonne les Hongkongais. Il y a notamment beaucoup de questions qui arrivent sur les élections, ça les surprend.
Propos recueillis le 18 avril 2017 par Antoine Vergnaud et Marc Schildt