Dans Bon à rien, la romancière Natalie David-Weill emmène le lecteur dans une famille parisienne aisée que l’entrée en sixième du cadet va chambouler. Félix est mauvais en classe. L’échec scolaire mine le foyer, au bord de se déchirer. L’auteure sera présente à la librairie Parenthèses le 22 novembre.
-Le Petit Journal: D’où est venue cette idée de pousser un cri afin qu’on fiche la paix aux enfants?
-Natalie David-Weill: Il y a plusieurs facteurs. Le facteur déclencheur est que je suis prof dans une école pour enfants déscolarisés. Je vois des adolescents qui, souvent, ne vont pas si mal. Je me suis dit: “que s’est-il passé pour qu’ils soient jetés du système traditionnel?” Il ne faut pas grand chose. Par ailleurs, j’ai moi-même trois enfants et j’ai été très mauvaise élève. Puis j’ai eu un PhD, j’ai été prof. Tout va bien maintenant, comme mon héroïne. Mais il y a l’idée qu’on ne s’en sort jamais. La stigmatisation -on répète à l’enfant: “tu es un bon-à-rien, tu es nul, tu n’y arriveras jamais”- nous poursuit à vie.
-Le roman se passe dans un milieu favorisé...
-Ce n’est pas un hasard. Dans mon école, les enfants sont descolarisés, mais pas forcément défavorisés. Les parents peuvent trop enfermer leur enfant, ou être trop protecteurs. Les familles sont souvent défavorisées mais pas toujours. Ce n’est pas lié. On peut être très bien élevé et mauvais élève. Dans mon roman, les parents, a priori, font tout bien… sauf qu’ils font tout mal. C’est pourtant la famille formidable, sans histoire.
-Comment se fait-il qu’en voulant tout faire bien, on peut faire tout mal?
-J’ai choisi deux parents qui font les choses mal avec les meilleures intentions. Le père en étant un peu trop sévère. La mère, en voulant être cool, est en fait super angoissée et transmet cette angoisse, donc ce n’est pas tellement mieux.
- Les enfants n’ont-ils pas besoin d’un peu de pression pour travailler?
Je n’ai pas la réponse. Je pose des questions. Quand on a un enfant qui ne veut pas travailler, c’est très désarmant. On essaie absolument tout: on punit, on donne des bons points, on met la pression.
-Avez-vous l’impression que les parents laissent moins respirer les enfants aujourd’hui qu’autrefois?
-Oui. Il y va de leur réputation à eux. Ils ne s’agit pas de l’enfant, il s’agit des parents. Ils parlent d’eux-mêmes quand ils disent “mon enfant est brillant”, ils sous-entendent “parce que j’ai réussi”. Je ne veux pas généraliser. Il y a des parents formidables.
-Y a-t-il aussi une obsession aujourd’hui à vouloir mettre un nom ou une pathologie sur le moindre petit dérèglement? C’est ce que vous décrivez dans le parcours de tous les spécialistes.
-On s’affole un peu vite. C’est mettre un nom, aller voir tous les spécialistes. C’est un roman. J’ai forcé le trait pour faire rire.
-Vos spécialistes font penser aux médecins de Molière. Sont-ils des charlatans qui pratiquent des tests comme les médecins de Molière les saignées?
-Pas les bons. Les bons trouvent tout de suite et ont raison d’exister. Mais il y a forcément dans le tas des charlatans. Il y a une telle demande et un tel besoin d’être rassuré. Si les enfants ne sont pas très heureux, extatiques en permanence, on s’inquiète et on se sent coupable. Il y a cette culpabilité des parents, qui souvent aussi travaillent beaucoup. C’est très difficile d’être parent.
-Il faut donc déculpabiliser enfants et parents.
-Voilà. Les enfants qui ont de mauvaises notes et les parents qui ne font pas ce qu’il faut. Au fond c’est très bien, car ainsi les enfants pourront partir et en vouloir un petit peu à leurs parents, sinon ce n’est pas sain.
-Vous parlez de beaucoup de cancres célèbres. Quel est votre cancre préféré?
-Darwin. Son père l’a très mal traité. Il ne croyait pas du tout en lui. Il regardait la nature, il était distrait. Et il en a fait une théorie immense.
Natalie David-Weill sera à la librairie Parenthèses le 22 novembre de midi à 13 heures, puis le 26 novembre pour un brunch de 10 heures à midi à La Galerie 10 Chancery Lane.