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Alma Brami: "je veux me concentrer sur la chaleur des corps"

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Alma Brami
Écrit par Marc Schildt
Publié le 27 septembre 2018

Peu après la sortie de Qui ne dit mot consent, la romancière Alma Brami nous racontait l'écriture de son septième roman à Hong Kong et son personnage d'Émilie, une héroïne qui se soumet progressivement à l'emprise de son mari. 

Elle rencontrera mercredi 3 octobre à 19h le public à la médiathèque de l'Alliance française de Hong Kong pour une présentation suivie d'une séance de dédicaces.
 

Lepetitjournal.com: Sans elle, était votre premier roman, d'ailleurs révélation du public, vous l'écriviez à l'âge de 22 ans. Aujourd'hui vous en êtes à votre septième roman, comment faîtes-vous?

Alan Brami: Tous mes romans partent d'une phrase. En général, il s'agira de la première phrase du livre.

Elle a une teinte, une sonorité, il y a quelque chose de particulier. Je m'arrête dessus et je ne peux plus la lâcher. Après, je déroule, j'ai une deuxième phrase, puis une troisième et je ne peux plus arrêter… c'est un peu à l'image de ce magicien qui tire un bout de tissu et où l'on a l'impression que ça ne se terminera jamais. 

C'est seulement après coup que je découvre tout le pouvoir de cette phrase. Quand je termine le livre, je me rends compte que dans la première phrase, il y avait déjà tout le roman. 


Et pour ce roman, quelle était la phrase? 

"Il faut beaucoup d'amour pour devenir une ombre". Il y a dans cette phrase l'idée de devenir une ombre, de ne plus avoir d'existence propre, celle qu'un amour puisse être mal utilisé. Si on la décortique, il y a toute l'histoire.

À partir de là, j'ai su très vite que ce roman allait être dans la peau d'une femme. Mon précédent roman était avec un homme et il m'avait beaucoup trop marqué, je ne voulais pas qu'il revienne. Ça ne pouvait pas être un enfant non plus, l'idée de l'ombre ne convenait pas.
 

Vous vous concentrez sur le couple et la soumission de cette femme jusqu'à son isolement.

Je voulais que le lecteur lise avec la même colère et la même douleur que j'ai ressenties quand je me suis mise dans la tête de l'héroïne. Je travaille alors en arrachant la matière, je ne veux pas qu'il y ait un temps plus lent où l'on pourrait reprendre son souffle. On est avec Émilie et on est un peu à côté en même temps, comme un ami. On a envie de la secourir, mais on ne peut pas, mon personnage n'a pas la capacité de réagir. 

 

Alma Brami librairie parenthèses
Alma Brami à la librairie Parenthèses de Hong Kong - septembre 2017



Les plonger dans un huis clos permet-il de mieux se concentrer sur leur relation?

Le cadre est une maison de campagne, j'aurai pu en parler pendant cinquante pages, mais pour moi c'était suffisant de mentionner simplement des tommettes rouges, des vignes autour de la maison… On a alors une image et je préfère me concentrer sur les mouvements, qu'est-ce qu'on fait dans cette maison ? Quelle est cette chambre d'ami ? Qui sont ces amies?… Je veux me concentrer sur la chaleur des corps et pourquoi ils sont là. 


Emprise, humiliation, soumission… comment faites-vous pour décrire si précisément cette descente aux enfers?

Ça fait des années que j'absorbe cela, pas dans ma vie personnelle je précise. Mais, on regarde la télévision, on voit des faits divers, on lit des journaux, il y a des témoignages, ça a peut-être stagné en moi… et je n'ai pas su quoi en faire, je n'ai pas su le digérer. Tous mes romans, sont comme ça. Le travail de fouille a été plus en amont et ça a été intégré au fond de moi. Pour l'expliquer je cite souvent cette phrase du peintre Auguste Renoir "Ce dessin m'a pris cinq minutes, mais j'ai mis soixante ans pour y arriver"


La psychologie a une place centrale dans vos romans, pourquoi?

Ce qui me plait c'est la couleur de chaque personne, leur construction. J'essaie de les comprendre, de savoir comment on arrive à être telle ou telle personne. Je suis totalement passionnée par l'humanité. Et je ne veux pas être manichéen, je n'y crois pas d'ailleurs, même pour le pire des personnages, chaque être est très complexe. Il y a des accrocs, ça aurait pu être résolu, ça ne l'a pas été, et ainsi de suite… Nous sommes comme des patchworks.
 

Est-ce que Hong Kong vous a inspiré d'une manière ou d'une autre ? Vivre dans cette ville a-t-il modifié votre écriture?

Ça s'est peut-être infiltré… mais les thèmes dont je parle sont plutôt universels. Quand je décris Emilie, cette femme qui est sous emprise, dans une relation abominable, cela parle à tout le monde, aux femmes, aux hommes, en Chine ou ailleurs... Ce sont ces thèmes universels qui m'intéressent.

Je dois avouer par contre que c'était important de placer l'histoire à la campagne, peut-être parce que ça me manquait. Cela n'a pas été vraiment délibéré, plutôt de l'ordre de l'instinctif. Ici étrangement, j'ai un besoin de retourner à la nature, parce que la ville est très verticale, parce que je suis à l'étranger…. mais ce sont des hypothèses. 

Sinon, j'ai l'impression que dans mon rapport à l'écriture, quelque chose s'est libéré. J'essayais toujours de protéger tous mes personnages. Mais dans ce roman, je ne protège pas le mari de l'héroïne, je ne l'aime pas, et c'est la première fois que cela m'arrive. Je ne me suis pas soucié qu'il soit aimé ou détesté. Avant, je n'aurai jamais accepté cela. Je ne suis plus sur mes gardes.

 

Bibliographie

  • Sans elle, éd. Mercure de France, 2008
  • Ils l’ont laissée là, éd. Mercure de France, 2009
  • Sans elle, éd. Folio n°5022, 2010
  • Tant que tu es heureuse, éd. Mercure de France, 2010
  • Moi j’aime pas comme je suis, Ill. Amélie Graux, album jeunesse éd. Albin Michel, 2011
  • C’est pour ton bien, éd. Mercure de France, 2012
  • Lolo, éd. Plon, coll. Miroir dirigée par Amanda Sthers, 2013
  • J’aurais dû apporter des fleurs, éd. Mercure de France, 2014
  • J’aurais dû apporter des fleurs, éd. Folio n°6147, 2016
  • Qui ne dit mot consent, éd. Mercure de France, 2017

 

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