Derrière ce titre volontairement provocateur se cache la plus grosse déception cinéma de 2017. Déception parce que ce retour au polar par un des maîtres du genre avait tout pour réussir sur le papier :
- un tournage au japon à même de contourner la censure chinoise,
- une base scénaristique également nippone (la nouvelle de Juko Nishimura Dangerous Chase, déjà adaptée au grand écran en 1976 par Junya Sato) permettant au cinéaste de rendre hommage aux multiples influences qu’a exercé le cinéma de l’archipel sur lui,
- la présence de certains des meilleurs scénaristes de l’âge d’or de l’industrie cinématographique hongkongaise déjà associé à Woo durant sa période de gloire (Gordon Chan et Chan Hing Kar)
- ou encore un casting pan-asiatique à même d’attirer les foules dans toute la région.
Et pourtant, à l’image d’autres grand maîtres de sa génération, comme Ringo Lam, le résultat final frise plus la parodie que le chef d’œuvre attendu.
Du Qiu (Zhang Hanyu) est un brillant avocat associé à une puissante compagnie pharmaceutique japonaise, la Tenjin. Le lendemain de l’annonce de son départ de la firme, il se réveille dans sa chambre d’hôtel, une jeune femme morte à ses côtés. Il ne tarde pas à comprendre qu’il s’agit d’un piège auquel certains membres de la police d’Osaka sont associés. Du Qiu parvient à s’échapper mais il a constamment sur ses talons l’obstiné inspecteur Yamura (Masaharu Fukuyama).
Les débuts du film parviennent pourtant à faire illusion. La belle gueule de Zhang Hanyu, les élégants panoramiques sur Osaka, les quelques tics de réalisation (ralentis) et thématiques (une longue séquence de danse chorégraphiée) propres au cinéaste laisse à penser que l’on aura bien droit au thriller sophistiqué et énergique que l’on était en droit d’attendre.
Las, très vite les masques tombent et la médiocrité s’installe. Les dialogues sonnent comme une mauvaise série B américaine, souvent massacrés par l’anglais approximatif des acteurs. Les performances de ces derniers oscillent constamment entre le sur-jeu et l’absence de jeu. Pire encore, le mystère derrière le coup monté pour se débarrasser de Diu Qizu est aussi prévisible que digne d’une série Z de vidéo club. Que 7 scénaristes, dont certains ayant signés parmi les meilleurs films de l’âge d’or du cinéma de Hong Kong, soient crédités pour un tel résultat est tout bonnement incompréhensible !
Le problème fondamental qui se fait jour dans Manhunt, c’est surtout l’impossibilité qu’a John Woo de se réinventer dans un nouveau contexte géographique et temporel. Ainsi, la manière dont il introduit le personnage de Yamura n’aurait pas dépareillé dans un polar hong kongais des années 80 mais semble totalement en porte à faux dans le Japon de 2017. D’autant plus que le cinéaste ne semble pas avoir grand chose de neuf à dire dans le domaine du polar. Il se contente de revisiter les séquences d’action les plus marquantes de sa carrière ou les thèmes qu’il avait déjà explorés dans ses œuvres précédentes… en moins bien. L’amitié qui se forme entre Du Qiu et Yamura fait ainsi évidemment penser à celle qui unit Chow Yun Fat et Danny Lee dans The Killer. La première séquence d’action s’inspire de celle où Chow Yun Fat fait parler la poudre dans Le Syndicat du Crime, la horde de motards tout de noir vêtus évoque A Toute Epreuve et la tentative d’assassinat qui se transforme en course poursuite aquatique rappelle, à nouveau, un concept similaire de The Killer.
John Woo a toujours été un réalisateur inégal. Sa filmographie comporte autant de chef d’œuvre que de navets. Et après chaque échec, il a toujours su rebondir et se réinventer. C’est tout le mal qu’on lui souhaite après ce bien triste Manhunt.