Années 60, 70 à Hong Kong, deux figures emblématiques des triades et de la police Hongkongaise grimpent dans les sommets du crime. Rencontre avec le réalisateur.
Quand le futur est incertain, rien de tel que de se tourner vers le passé pour trouver un peu de réconfort. C’est ce que s’est dit le réalisateur Wong Jing en signant Chasing the Dragon. Cette fresque gangsterienne à gros budget se concentre sur deux figures historiques majeures du Hong Kong des années 60/70. D’un côté, Ng Sik Ho (ou "Ho le boiteux"), le plus puissant parrain des triades durant la période. De l’autre, Lui Lok (également connu sous la version occidentalisée de Lee Rock), un des policier chinois les plus gradés, surtout connu pour son rôle de grand organisateur de la corruption généralisée au sein des forces de l’ordre.
Les deux hommes avaient déjà eu les honneurs d’adaptations filmiques de leurs exploits : Le Parrain de Hong Kong (1991) pour le premier et les biens nommés Lee Rock 1 et 2 (idem) pour le second. C’est d’ailleurs quand il avait travaillé sur ces deux derniers films que Wong Jing avait eu l’idée d’un long métrage centré sur les deux hommes. « C’est moi qui avait supervisé la production de Lee Rock en 1991 » se souvient Wong Jing. « Cela avait été une bonne expérience mais j’avais quelques regrets. Dans le Parrain de Hong Kong, Lee Rock était très peu présent. Et dans Lee Rock, on voyait encore moins Ho le boiteux ! A mon avis, quand on a deux personnages de cette envergure, un policier et un membre des triades qui grimpent au sommet du crime ensemble, il faut les faire interagir entre eux, il doit y avoir des étincelles à chaque fois qu’ils se rencontrent ! ».
Nostalgie et corruption
Il fallut presque 20 ans pour que Wong Jing concrétise cette idée. Mais, preuve que le réalisateur est authentiquement passionné par cette période de l’histoire de Hong Kong, il avait déjà signé plusieurs films situés durant les années 60/70 comme The HK Triad (1999) et I Corrupt All Cops (2009).
« C’était une période très particulière qui ne pouvait arriver qu’à Hong Kong » élabore le cinéaste.
« Comme les affaires décollaient pour la ville, cela a donné l’opportunité aux anglais de s’enrichir. Particulièrement ceux dans les hautes sphères. Vu qu’ils ne voulaient pas se salir les mains, ils ont délégués le travail aux chinois. C’est comme ça qu’a été créée la position d’inspecteur en chef. Ce n’était pas un grade élevé mais suffisant pour contrôler tous les gains liés à la corruption. Lee Rock a mis en place des règles que tout le monde, y compris les triades, respectait. Dans chaque quartier, vous aviez un nombre précis d’établissements louches et leurs responsables devaient s’assurer qu’il n’y ait pas de délinquance dans leur secteur. Tout le monde y trouvait son compte ».
Quand Ip Man joue les Don Corleone
Assurément, le réalisateur a mis les petits plats dans les grands. Chasing the Dragon affiche un budget de plus de 200 millions de HKD, le plus gros jamais manipulé par Wong Jing, un tournage qui s’est étalé sur près d’un an et deux stars majeurs à l’affiche.
Andy Lau endosse à nouveau la tenue de Lee Rock, 26 ans après l’avoir joué une première fois, c’est surtout la présence de la star du Kung Fu Donnie Yen dans le rôle de Ho qui surprend. « Quand vous faites du cinéma, vous devez faire des miracles » s’amuse Wong Jing.
« Vous devez surprendre le public. J’aurais pu reprendre Ray Lui [ndlr.Interprète de Ho dans Le Parrain de Hong Kong] mais cela aurait été trop prévisible. A partir du moment où j’avais décidé de conserver Andy Lau pour Lee Rock, il me fallait quelqu’un de surprenant en face de lui. Quelqu’un de célèbre, de talentueux et qui n’avait jamais joué ce genre de personnage. Donnie correspondait à ces critères. Les deux ont été travaillés très sérieusement. Régulièrement, quand j’arrivais sur le plateau, j’avais des pages de suggestions de leur part et je passais près d’une heure chaque jour à faire le tri pour intégrer les plus intéressantes dans le scénario ».
Le box-office avant tout
Le résultat est un film hautement distrayant. La reconstitution d’époque est soignée et convaincante, les séquences d’action longues et élaborées. Les grandes figures du film de gangster sont respectées à la lettre avec ce qu’il faut de trahison, d’humiliation et de revanche violente. Par contre, ceux qui espèrent de la rigueur historique ou une étude de personnages subtils en seront pour leur frais. Une orientation commerciale parfaitement assumée par son auteur. « J’ai rendu le personnage de Ho bien plus positif qu’il ne l’était dans la réalité » élabore Wong Jing.
« Quand je fais un film de ce genre, je n’hésite pas à dramatiser les choses. Et faire des anglais les méchants, ce qui N'était PAS à proprement parler une dramatisation puisqu’ils l’étaient vraiment, nous permettait de passer la censure plus aisément. Ce qui compte, c’est qu’aucun spectateur n’a objecté aux changements que j’ai faits. Ils ont tous bien aimé. Et je ne me préoccupe pas de ce que les critiques peuvent penser. Cela fait plus de 40 ans que je m’en fiche, ce qui compte pour moi, c’est que le public soit diverti et veuille voir mes films ».