La montée en puissance de l’industrie cinématographique chinoise n’en finit pas de décontenancer les spécialistes. Entre ceux qui prédisent à moyen terme l’invasion d’Hollywood par les firmes chinoises et les autres qui, au contraire, pensent que le marché chinois va s’écrouler sous le poids de la censure ou de ses mauvaises pratiques, on ne sait plus à quel saint se vouer. Wolf Warrior II va donner du grain à moudre aux pro-chinois. Enorme succès, il a accumulé plus de 5 milliards de RMB de recettes ! Mais, comme tout succès, la question de savoir si l’œuvre méritait une telle déferlante se pose.
Leng Feng (Jacky Wu Jing) est un ancien soldat des forces d’élite chinoises qui parcourt l’Afrique dans l’espoir de retrouver les auteurs du kidnapping de sa fiancée. Malheureusement, le pays où il se trouve est en proie à la guerre civile. Pris entre deux feux, Leng Feng aide à l’évacuation des ressortissants chinois. Mais quand il comprend que les responsables du kidnapping sont sur le point d’attaquer un hôpital chinois au centre du pays, il n’hésite pas une seconde à s’y rendre pour les confronter et sauver ses compatriotes.
Le succès de Wolf Warrior II peut s’expliquer par trois ingrédients notables : son nationalisme bon teint, son caractère contemporain et sa générosité en matière d’action.
Toujours prêt à se mettre au garde à vous, à respecter le drapeau chinois et à aider ceux qui l’entourent, Leng Feng est l’incarnation de la Chine triomphante tant mise en avant ces dernières années. Le charisme souriant de Jacky Wu aide à rendre sympathique le personnage. Mais le patriotisme du film ne s’incarne pas uniquement à travers lui. L’histoire joue elle aussi une part importante. La Chine y est décrite comme un acteur majeur sur la scène internationale, une superpuissance prête à intervenir là où les Etats-Unis ont préféré abandonner la partie. Signe des temps et de la crainte démesurée du pouvoir envers la déstabilisation des mouvements de la société civile (Printemps arabe, révolution orange…), le gouvernement chinois ne soutient plus les révolutions mais les régimes en place (les insurgés avec leurs foulards rouges font pourtant penser à certains guérilleros communistes que la RPC avait activement aidées pendant longtemps). Ce message politique a certainement dû faire plaisir. Il est heureusement tempéré par des touches bienvenues : les forces militaires chinoises respectent ainsi l’ordre international et attendent l’accord de l’ONU pour intervenir ou Leng Feng est prêt à aider la population locale même si certains protagonistes auraient tendance à privilégier seulement leurs compatriotes.
En raison de la censure très prégnante, une grande partie des productions chinoises sont des films d’époque, terrain moins à même d’attirer les foudres des autorités culturelles locales. Résultat, les « films en costume » inondent le marché et on peut comprendre que le public se sente rapidement lassé par ce genre. En s’inscrivant dans un contexte contemporain, où la chine s’affirme effectivement de plus en plus, Wolf Warrior II est une brise d’air frais pour les spectateurs du pays. Il s’inscrit également dans une mini-mode de films guerriers comme Opération Mékong pour lesquels les cinéastes Chinois montrent de plus en plus un savoir faire certain.
Ce savoir-faire est bien mis à contribution tout au long de Wolf Warrior II, très généreux en action. Infiltration à l’arbalète empoisonnée, guérilla en pleine ville, duels de tanks (!), poursuite dans un bidonville… Le spectateur en prend plein les yeux ! Tout cela tient plus du comic-book que de l’action guerrière réaliste. D’ailleurs, la galerie de personnages qui compose les méchants européens (joués quasi-uniquement par des acteurs américains…) et les caricatures d’africains laissent bien comprendre l’orientation en la matière. Au final, le spectacle est au rendez-vous même si on regrette que les affrontements à main nues ne soient pas mieux mis en scène.
Rappelant les grandes heures du cinéma d’action musclé Hollywoodien des 80s, Wolf Warrior II ressemble à une grosse série B d’action sympathique dont le succès démesuré s’explique probablement plus par le contexte dans lequel il a été produit et un timing de sortie chanceux.
Arnaud Lanuque