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Dao Van Hoang: un peintre naturaliste engagé pour la biodiversité

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Écrit par Amélie Huynh Le Maux
Publié le 1 janvier 2021, mis à jour le 5 janvier 2021

Dao Van Hoang, artiste autodidacte, nous a reçus à son studio galerie dans Le Petit Musée. Entouré d’aquarelles de plantes exotiques et de peintures d’espèces sauvages, il nous a conté son histoire. Ou comment il est tombé amoureux de la nature depuis son plus jeune âge et s’est continuellement formé pour enfin devenir artiste animalier. Aujourd’hui, il travaille avec des ONG et des parcs nationaux, afin d’éduquer la jeunesse et sensibiliser à la conservation des espèces.

 

Pouvez-vous nous raconter votre parcours de vie avant de devenir peintre animalier ?

Je suis originaire de Saïgon. A 15 ans, en 1979, je suis devenu un boat people, laissant ma mère au Vietnam. Après 10 jours en mer, j’ai passé plus d’un mois dans un camp de réfugiés en Indonésie avant d'être recueilli en France dans un foyer pour réfugiés à Créteil. On était très bien traité et c’est là-bas, que, pour les fêtes de Noël, j’ai reçu mon premier livre d’anatomie comme cadeau. Mon arrivée en France m’a ouvert de nouveaux horizons et plongé dans un nouvel environnement culturel. Un souvenir marquant est la découverte, à la FNAC, d’un livre de Robert Bateman1. C’est un peintre animalier canadien, qui est encore mon héros à ce jour.

Après avoir passé mon baccalauréat en France, je n’avais pris aucune orientation. Je ne pouvais pas devenir artiste, ce n’était pas une carrière selon les critères vietnamiens ! Comme l’informatique était un domaine en plein essor, j’ai pris ce chemin puis travaillé quelques années dans l’électronique et la réparation. A côté, j’ai toujours continué à dessiner et à me former en autodidacte. J’ai enfin réussi à mettre un pied dans le graphisme dans les années 90, grâce à un ami qui m’a trouvé un travail dans une imprimerie chinoise située dans le XIIIème à Paris. Le week-end, je dessinais donc des illustrations de plats pour les menus de restaurants vietnamiens.

C’est alors que le Vietnam commence à s’ouvrir. J’y suis parti donc deux semaines pour voir ma mère. Je suis revenu en France pour faire l’armée, puis devenu graphiste en agence de publicité jusqu’en 1996. Après 16 ans passés en France, je prends trois mois de congés sabbatiques et retourne voir ma mère. Je trouve vite du travail dans l’agence de publicité Léo Burnett et reste au Vietnam. Ma mère nous quitte en 2006, à 92 ans. Mes frères et sœurs vivant à l’étranger, j’hésite à repartir. Finalement, je reste car je rencontre ma femme et nous nous marions en 2009. En 2013, je me mets à mon compte en tant que graphiste et développe enfin ma carrière de peintre animalier.
 

peinture animaux nature dao van hoang


Comment avez-vous basculé vers la carrière de peintre animalier ?

D’aussi loin que je me souvienne, j’avais une craie à la main et dessinais par terre déjà des animaux. Je suis en contact avec le dessin depuis mon jeune âge grâce à ma mère, qui a toujours encouragé cette passion.  C’est elle aussi qui m’a permis d’avoir mon premier contact avec les animaux. Elle m’amenait régulièrement au zoo de Saïgon. A l’époque, dans les années 60, nous avions peu de moyens. Donc, je découpais des images d’animaux dans des magazines en noir et blanc, afin de créer mon premier carnet.

Comme je vous l’ai dit, je dessinais et peignais toujours en parallèle de mon activité professionnelle. En 1996, j’ai fait connaissance avec l’ONG liée au Parc National de Cat Tien2, et j’ai participé sur mes week-ends au projet de conservation du rhinocéros de Java. Le projet s’est fini en 2004 et, malheureusement, le dernier rhinocéros de Java du parc a été abattu par des braconniers en 20103, amenant à la disparition de l’espèce au Vietnam. Depuis, j’ai travaillé avec beaucoup d’ONG et mes projets se sont de plus en plus orientés vers des projets de conservation des espèces. 

En ce qui concerne ma carrière de peintre animalier, tout se déclenche réellement en 2014. Je lis sur internet qu’une conférence de primatologistes aura lieu à Ha Noi. Je leur propose d’exposer une série de tableaux de singes lors de leur évènement. Ils acceptent et c’est là que tout commence ! En août 2014, j’expose pour la première fois à la conférence de la International Primatological Society4. Depuis, je participe à leurs expéditions au parc national de Cuc Phuong5, situé au sud de Ha Noi, et qui héberge un centre de secours des primates. Car, au-delà du travail technique, il y a un énorme travail de recherche sur l’habitat, la diète et le comportement des animaux lorsque je dois les peindre.

Après ce premier pas en 2014, j’ose enfin me présenter en tant qu’artiste, non sans fierté ! Depuis, j’enchaîne les expositions dans le monde entier, lors de congrès scientifiques ou de conférences d’associations luttant pour la conservation des espèces. J’ai à mon actif 13 expositions, la dernière ayant eu lieu à Phuket, en Thaïlande, en 2019, lors de l’International Bat Research Conference6, dédiée à la recherche sur les chauves-souris. Puis, comme ce que je produisais ne prenait sens que lors de conférences, je me suis décidé à monter une galerie. Nous l’avons ouverte en janvier 2020, dans l’espace collaboratif Le Petit Musée7
 

peinture animaux nature dao van hoang


Votre travail de peintre animalier est intimement lié à une démarche pédagogique. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Effectivement, je suis impliqué dans de nombreuses initiatives pédagogiques. Au sein des parcs nationaux avec lesquels je travaille, il existe des centres d’interprétation (ndlr : appellation moderne pour centre du visiteur ou centre éducatif). Je travaille avec eux afin de rendre ces centres plus interactifs et, grâce à mon expérience dans la publicité, je suis impliqué dans toutes les étapes du projet. Mon projet le plus complet est celui du parc de Bidoup Nui Ba8, à Da Lat, financé par la société japonaise JICA (ndlr : Agence Japonaise de Coopération Internationale, qui finance aussi la construction du métro à HCMV).

Pour ce projet, j’ai été impliqué dès la conception du centre d’interprétation. Ayant aussi la charge de créer le programme et les supports éducatifs, j’ai écrit et dessiné un carnet pour les enfants intitulé « Découvrir la nature avec ton crayon ». Ce carnet est amené en forêt, afin de prendre des notes, faire des dessins et s’amuser avec de petits jeux. J’aime ce type de projets car il engage toutes les disciplines : illustration, écriture, communication, aménagement paysager et de l’espace, et pédagogie. Un autre projet de ce type est à venir au parc national de Cat Tien.

A notre échelle, nous faisons aussi de la pédagogie à destination des enfants avec Le Petit Musée, et plus particulièrement avec Nature, Art& Fun. C’est ma femme qui a mis cela en place en 2019, dans notre appartement !  Depuis, nous avons des enseignants, avec qui je mets en place le programme pédagogique. Nous organisons des sorties nature, par exemple dans des réserves naturelles, et avons mis en place des cours de dessins. Tout est connecté ! Par exemple, en ce moment, nous travaillons sur la notion de symétrie, retrouvée partout dans la nature et appliquée dans nos classes.
 

peinture animaux nature dao van hoang

 

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Votre travail est étroitement lié à la conservation des espèces. Pouvez-vous nous en dire plus sur la situation actuelle au Vietnam ?

Il existe actuellement 54 parcs nationaux et 80 réserves naturelles au Vietnam. Cela crée plus d’habitat pour la conservation des espèces. Cependant, le sauvetage des animaux en lui-même est un processus qui reste lent. Ce qui est problématique car il faut penser de façon globale. La disparition d’une seule espèce peut amener à la disparition d’un écosystème11 entier !

Je ne peux pas vous faire un état des lieux global en ce qui concerne les chiffres d’apparitions et de disparitions des espèces au Vietnam (ndlr : voir le décret 06/2019 du gouvernement), mais je peux vous donner quelques exemples liés à mon expérience. Par exemple, j’ai collaboré avec l’ONG Wildlife9 At Risk10, fondée en 2006 par Dominic Scriven. Ils luttent notamment contre le trafic animalier, stimulé par le goût de certaines classes sociales fortunées pour des produits uniques. Le Département de protection des forêts au Vietnam10 a d’ailleurs fait des appels vis-à-vis du grand public afin de dénoncer la vente illégale des animaux sauvages ou produits dérivés. 

On peut prendre un exemple précis avec la conservation des ours sauvages. Avant 1970, les ours étaient tués afin de récupérer leur bile, utilisée en médecine traditionnelle. Puis, une technique a été développée en Corée, afin de l’extraire sans causer la mort de l’animal. Cependant, cela a amené à une augmentation des ours élevés en cage, et s’est alors posé un problème d’éthique : mauvaises conditions d’élevage, fréquence trop élevée de chirurgie et nombreuses infections. Une ONG a poussé le gouvernement à interdire ce procédé et des puces électroniques ont été implantées afin de lutter contre le braconnage. Mais plus de 90% des ours au Vietnam proviennent de l'élevage et ne peuvent plus être relâchés dans la nature.

Heureusement, il y a aussi du positif car de nouvelles découvertes d’espèces sont à noter. En ce qui concerne la flore, une nouvelle espèce de gingembre a été découverte il y a quelques années. Si l’on s’intéresse particulièrement aux primates, cinq espèces endémiques (ndlr : se dit des espèces vivantes au sein d’un territoire bien délimité) sont sur la liste des primates les plus en danger. Pourtant, l’un d’eux, le langur, voit maintenant sa population augmenter12. L’autre bonne nouvelle, alors que l’on ne retrouvait plus leur trace depuis les années 60, c’est la redécouverte de l’espèce des gibbons de Cao Vit au Vietnam en 200213, par deux scientifiques de la FFI (Fauna & Flora International). 

 

Pouvez-vous nous donner vos 3 espèces favorites au Vietnam, pour la faune et la flore ?

Pour la faune, je choisirais les trois suivantes : Saola14, qui est un animal dont l’espèce a été découverte grâce à des restes retrouvés dans les années 90. C’est un animal très élusif, qui n’a été vu que quelques fois. Les deux autres sont la panthère nébuleuse et le serpent de vigne.

Quant à la flore, je parlerais par famille : les bégonias, les fougères et les mousses.
 

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Saola

 

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Panthère nébuleuse

 

A la fin de cet échange, qui devait durer une heure, le soleil s’était déjà couché et nous avions discuté pendant plus de trois heures. Hoang a conclu en nous offrant de magnifiques cartes postales créées par ses soins et représentant les primates en danger. Enfin, il nous a conseillé de lire « L’humanité en péril » de Fred Vargas, tout en rêvant d’une action collaborative à l’échelle planétaire, qui pourrait changer notre monde.

 

Lien vers le site de Hoang pour découvrir ses dessins et peintures

 

Notes :

1. Plus d’informations sur Robert Bateman et sa fondation (en anglais)

2. Plus d’informations sur le parc de Cat Tien (en anglais)

3. Plus d’information sur la disparition du rhinocéros de Java au Vietnam (en français)

4. Plus d’information sur IPS (en anglais)

5. En savoir plus sur le parc de Cuc Phuong (en anglais)

6. Vidéo de l’IBRC 2019

7. Plus d’informations sur Le Petit Musée

8. Plus d’information sur le parc de Bidoup Nui Ba (en anglais)

9. Pour en savoir plus sur WAR (en anglais)

10. Pour en savoir plus sur le FPD (en anglais)

11. Qu’est-ce qu’un écosystème (en anglais)

12. Pour en savoir plus sur le langur (en anglais)

13. Pour en savoir plus sue le gibbon Cao Vit et la FFI (en anglais)

14. Pour en savoir plus sur le Saola (en anglais)

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