Cette fois, nous y sommes. Il suffit de se promener dans les villes pour comprendre que quelque chose se passe. C’est le Têt, le Nouvel an traditionnel, qui est, pour tout Vietnamien qui se respecte, la fête des fêtes…
Ce sera le 22 janvier sur le calendrier grégorien. Autant dire que les préparatifs vont bon train.
Sinon, cette nouvelle année qui arrive est celle du Chat, « du Chat d’eau » pour être très précis, puisque chaque animal du zodiaque est associé à l’un de cinq éléments fondamentaux. Si l’on en juge par les horoscopes qui fleurissent ça et là, ce matou aquatique n’a rien de très griffu, et autant le dire tout de suite, on ne risque pas de beaucoup l’entendre miauler: il préfère – et de beaucoup – ronronner.
Cela étant, nous n’allons pas nous égarer en d’horoscopiques divinations. Tel n’est pas notre sujet : nous avons d’autres chats à fouetter...
L’année du Chat, donc… Peut-être savez-vous, que partout ailleurs, en Asie sinisée, cette année qui arrive à grand pas sera celle du Lapin.
Eh oui ! Il y a là une particularité toute vietnamienne, qui mérite que l’on s’y attarde.
Nouvelle Année chinoise du lapin
Inutile de se voiler la face, le Vietnam, quand il peut se démarquer de son voisin chinois, ne s’en prive pas: plutôt deux fois qu’une!
Les deux calendriers zodiacaux - celui du Vietnam et celui de la Chine donc - sont similaires, sauf sur deux points : le buffle vietnamien se substitue au bœuf chinois, et de même, le chat vietnamien au lapin chinois. Pour les dix autres animaux - Rat, Tigre, Dragon, Serpent, Cheval, Chèvre, Singe, Coq, Chien et Cochon -, rien à signaler.
Bien malin qui pourrait expliquer l’origine d’un schisme qui remonte à plusieurs siècles, voire à plus de deux millénaires.
Plusieurs ouvrages renvoient à une légende fondatrice, chinoise pour le coup, qui veut que Bouddha ait invité les animaux à faire la course, étant entendu que les douze premiers arrivés deviendraient les douze élus.
La suite est une histoire de concurrence déloyale : le Chat et le Rat, en principe amis, se juchent sur le dos du bœuf pour traverser le fleuve… Mais voilà que le Rat, le perfide Rat, voulant à tout prix arriver le premier (ce qu’il fera, au mépris de toute morale !), pousse le Chat dans l’eau.
Légende et linguistique du chat au Vietnam
Au Vietnam, la légende attribue l’organisation de la compétition au taoïste Empereur de Jade, et précise que le Chat sait nager.
« On peut toujours trouver des explications anthropologiques et culturelles », tempère Philippe Papin, historien et surtout grand connaisseur de la culture vietnamienne.
« L’explication la plus probable est linguistique, le vietnamien venant en grande partie du chinois : mao, qui veut dire lapin en chinois, se rapproche de meo, qui veut dire chat en vietnamien. C’est un glissement de sens qui suit la pente du son, ce qui est un phénomène somme toute assez courant », précise-t-il.
Historique du chat par rapport au lapin
Benoît de Tréglodé, qui est responsable du domaine Afrique-Asie-Moyen-Orient à l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire (IRSEM) et lui aussi un vietnamologue distingué, avance une autre explication, qui fait la part belle à la fierté nationale.
Le fait est que la Chine a occupé le Vietnam pendant plus de 1000 ans et que lorsqu’ils le peuvent, les Vietnamiens évitent de s’aligner sur l’Empire du Milieu.
« C’est une question d’honneur national que de ne pas avoir copié la Chine en tout point. Cette forme d’imitation dans la distinction est présente partout dans la culture vietnamienne », note Benoît de Tréglodé.
Plus prosaïques, les Vietnamiens estiment que le chat leur est tout simplement plus proche que le lapin.
« La plupart des Vietnamiens sont des paysans et le lapin n’a rien à voir avec eux, alors que le chat a toujours été leur allié: il tue les rats qui menacent les récoltes », nous explique Hoang Phat Trieu, un comédien à la retraite.
Et voilà pour le bon sens paysan… Pas de quoi fouetter un chat, somme toute.