Paysage dans l’oubli, une fresque historique et poétique écrite par Olivier Dhénin Hữu, lauréat de la Villa Saigon - Institut Français, à l’occasion des « 50 ans de diplomatie France-Vietnam ». Représenté à l’opéra de Saïgon le 26 novembre et au Hồ Gươm Théâtre d’Hanoï le 28 novembre, l’opéra en cinq actes retrace l’histoire d’une famille déchirée par la grande Histoire d’un pays alors en pleine mutation.
Lepetitjournal.com a échangé avec Olivier Dhénin Hữu pour en savoir davantage sur l’événement artistique de cette fin d’année.
Le Petit Journal : Est ce que vous pourriez nous expliquer votre parcours, votre formation ?
Olivier Dhénin Hữu : J’ai une formation de musicien pas de théâtre. J’ai étudié au conservatoire d’Amiens et je suis venu au théâtre par la musique et donc à l’opéra forcément.
J’ai travaillé pendant deux ans au théâtre du Châtelet à Paris où je m’occupais de la coordination artistique. J’ai pu assister des metteurs en scène comme Robert Carsen ou des compositeurs comme Howard Shore sur son opéra The Fly avec David Cronenberg. Cela a été une riche expérience d’un point de vue musicale. J’ai également été collaborateur artistique d’Eric Vigner qui était directeur du théâtre de Lorient, qui lui a beaucoup travaillé autour de Marguerite Duras, dont l’empreinte littéraire est significative au Vietnam. J’ai aussi une formation littéraire, qui m’a également conduit à écrire cet opéra à la fois poétique et dramatique. J'ai proposé ensuite à Benjamin Attahir de transposer ce texte en musique afin qu'il devienne une œuvre lyrique.
LPJ : Monter cet opéra a-t-il été une façon pour vous de renouer avec vos origines familiales ?
Tout à fait, ma mère et ma grand-mère sont vietnamiennes et elles sont parties en 1958.
Néanmoins, ce travail de recherche survient relativement tard dans mon parcours, le premier lien que j’ai eu avec le pays, ce sont des photographies familiales que ma famille avait conservées.
C’est une démarche qui ne vient pas forcément d’une culture transmise, mais qui est plus visuelle. Ce sont ces photographies qui ont initié un travail plastique qui se retrouve dans la mise en scène après et qui a suscité un voyage en 2019, durant lequel j’ai eu le désir de découvrir ce qui restait de ces vestiges photographiques.
Le théâtre permet de rappeler les figures du passé et de mettre en scène des fantômes, et l’opéra encore plus. Mais écrire cet opéra a été tout un travail de recherche sur ce qu’avait pu être la vie ici. On suit le parcours d’une famille dans cet opéra et il y a dans Antonin, le personnage principal, une certaine identification autobiographique. Ce qui a permis l’écriture, c’est aussi l’imagination, on doit réinventer à partir de rien, des souvenirs de moments, mais qui sont infimes. Écrire une petite histoire, c’est une façon de se confronter à l’histoire avec un grand H, pour raconter une histoire qui est peu connue du public en France.
LPJ : Comment avez-vous réussi à mêler scénographiquement l’Orient et l’Occident ?
Cela a été la plus grande difficulté sur cet opéra, car il y a énormément de scènes. C’est un opéra en cinq actes, des légendes sont évoquées où on découvre un Vietnam ancestral et puis on a d’un côté la famille d’Antonin où tout commence en 1992 à Fontainebleau et cela se termine à Saïgon, mais on est aussi à Hué au début du 20e siècle à la cour impériale, donc on a travaillé sur plusieurs planches de décors. Il y a des scènes qui sont très cinématographiques, comme une scène de bal au grand hôtel. Il s’agit aussi d’un jeu de rideau qui représente la transparence, car le tulle permet d’occulter ou de faire apparaître ce filtre du passé et du souvenir. Le théâtre appelle plusieurs sensations et percevoir quelque chose en arrière-plan, dans le clair-obscur, c’est cela qui permet d’évoquer ce passé et ses légendes. Par exemple, l’esquisse d’une pagode est projetée et cette esquisse, est je pense la plus apte à représenter le souvenir, car cela reste abstrait au même titre qu’une quête de la mémoire qui est enfouie. Ce sont aussi les costumes qui vont symboliser les époques et les différents caractères des personnages. Une jeune fille est par exemple vêtue de rouge pour représenter le Vietnam.
LPJ : Écrire cet opéra est-ce également un travail de mémoire et de réhabilitation d’une histoire qui a parfois tendance a être occultée ?
Oui, car cette quête personnelle est aussi une quête universelle. Je voulais faire une pièce de l’intime. Partir de la cellule familiale et voir ce qu’il reste de tout cela des années plus tard. Je raconte aussi l’histoire de l’empereur Duy Tân, qui a eu un destin incroyable. En mettant en corrélation les histoires des deux familles, on s’aperçoit de plusieurs similitudes. Par exemple, les pères sont absents. Dans la pièce, le père de Louise s’appelle l’ombre du père car, il les a abandonnés une fois arrivé en France et le père de Duy Tân a été exilé quand son fils a été choisi par les Français pour aller à sa place à l’âge de 8 ans. Il y a des choses de l’intime qui sont étonnement corrélées, sans qu’on les ait anticipées. Cette famille impériale vit en quelque sorte la même chose, ils vont eux aussi être en perte du pays, car ils vont être exilés.
Je parle d’une cellule familiale qui a éclaté, mais aussi la perte d’une appartenance à une nation, un peuple. Ce manque, c’est ce qui est évoqué sans pour autant la possibilité de retrouver ce qui a été perdu, car cela n’existe plus, on ne peut pas retrouver le passé, il reste inaccessible.
Participez au mécénat participatif de PAYSAGE DANS L’OUBLI jusqu’au 13 novembre en suivant ce lien : https://www.proarti.fr/collect/project/paysage-dans-loubli-1/0#
Pour toute demande de renseignements ou pré-réservation, contactez : contact@winterreise.fr