

Des péniches à Chatou en 1905 (photo AFP)
Paris, 1905, Salon d'automne. Un scandale comme le monde des arts les aime est sur le point d'éclater. Réunis dans une seule salle, des artistes aux toiles criardes et aux tons saturés semblent provocateurs.
Le critique Louis Vauxcelles les baptisent en s'exclamant, au vu d'une petite sculpture de facture classique installée au milieu de l'exposition : "C'est Donatello parmi les fauves!". La formule, d'abord moqueuse, va faire fortune et qualifier un groupe de peintres dont Matisse, Maguin, Marquet, Derain et Maurice de Vlaminck.
C'est à ce dernier que le Musée du Luxembourg ouvre ses cimaises, plus précisément à la période la plus créative de sa carrière, les années fauve justement, avant la première guerre mondiale. En une centaine d'?uvres, dont 65 peintures et quelques objets africains que collectionnait l'artiste, la manifestation entend peut-être réhabiliter un créateur un peu tombé dans le purgatoire et à qui aucune exposition d'envergure n'avait été dédiée depuis les années cinquante.
Couleurs et décadence
Si la plupart de ses collègues du Salon d'automne sont des élèves de Gustave Moreau, Vlaminck est un autodidacte. Carrure sportive de champion cycliste, il se lance à corps perdu dans la carrière artistique à la suite de sa rencontre avec Derain. Le deux hommes vont partager un atelier à Chatou et faire de la petite ville et de ses ponts sur la Seine un des lieux mythiques de la pré-modernité. Ils vibrent alors sous l'influence marquée de leur grand aîné Van Gogh, dont les capacités expressives les fascinent. Durant quelques années, Maurice de Vlaminck jette avec fougue, sur des toiles sans dessins préparatoires, des plans de couleur libre, dégagés du ton local et des contraintes de bon goût. Discordances, contrastes complémentaires massifs, juxtapositions de teintes sorties du tube : il y a alors dans l'oeuvre de Vlaminck un bonheur de peindre et une énergie communicative.
Le reste de son parcours, esquissé au Luxembourg, est moins convainquant. Après une courte période aux relents de cubisme mal compris, il assombrira de plus en plus sa palette, fera figure d'aigri et ira jusqu'à faire partie des artistes français acceptant le voyage en Allemagne nazie, pendant la seconde guerre mondiale.
Il n'en reste pas moins qu'à son heure de gloire, Maurice de Vlaminck a su canaliser la densité des aspirations aux changements d'un siècle naissant et partager un plaisir chromatique fougueux.
Jean-Marc JACOB. (www.lepetitjournal.com) jeudi 6 mars 2008
Vlaminck, un instinct fauve - Musée du Luxembourg, 19 rue Vaugirard, Paris 6.
Jusqu'au 20 juillet 2008.


































