Avant le grand départ vers un pays étranger, les parents tentent de préparer au mieux leurs enfants à ce changement radical de mode de vie. Mais lors du retour en France, ils négligent parfois leur besoin d’adaptation dans cet environnement, peu familier pour eux.
Une enfance partagée entre la France et Tokyo, une pré-adolescence à Sydney, une adolescence à New-York puis un retour inattendu sur sa terre natale... Les jeunes expatriés, véritables enfants du monde, ne choisissent pas de partir et encore moins de rentrer. De manière naturelle, ils accompagnent leurs parents au fil de leurs expatriations, opportunités et envies. Chaque départ demande un effort d’adaptation : intégrer une nouvelle école, recréer des liens amicaux, comprendre les mœurs et coutumes du pays d’accueil… Pour certains enfants, ces étapes sont devenues habituelles tandis que d’autres préfèrent parfois se couper des autres, sachant pertinemment qu’ils ne sont que de passage.
Beaucoup de parents imaginent que la période la plus difficile pour un enfant reste le départ vers l’étranger. Catherine Martel, psychologue et fondatrice du site Expats Parents, estime au contraire que le retour en France est souvent plus compliqué pour les jeunes que l’expatriation. « Quand on revient en France, on s’attend à ce que tout soit plus simple. Les parents idéalisent ce retour dans leur pays natal mais l’enfant n’a pas le même vécu. L’enfant quitte un pays dans lequel il a vécu, dans lequel il s’est investi et où il avait des points de repères. Une fois en France, il n’a plus tout ça et il doit tout reconstruire. Cela peut être plus ou moins long, plus ou moins douloureux et plus ou moins stressant », explique-t-elle. Comment les parents peuvent-ils aider leurs enfants à traverser cette période clef ?
Retour en France, une série de challenges à relever pour les enfants expatriés
Pas de recette miracle, Catherine Martel tient à le préciser : « Chaque aventure familiale est unique. On peut mettre en place quelque chose dans une famille qui va très bien fonctionner et pas du tout dans une autre. C’est différent de rentrer dans un pays où on a déjà vécu ou si on débarque là en ayant vécu ailleurs ».
Les parents ont tendance à penser que le retour sera plus simple pour leurs enfants car ils seront de nouveau en contact avec leur langue maternelle au quotidien, leur famille, peut-être certains de leurs amis. Mais ils se retrouvent en réalité perdus dans leur propre pays : « Il va leur manquer les codes culturels qui sont ceux des enfants de la France. Quand ils partaient, c’était normal qu’ils n’aient pas les codes. Il leur fallait un certain temps pour s’adapter, c’était prévisible. Alors qu’en rentrant en France, on attend d’eux qu’ils soient des petits Français. », constate la psychologue. C’est encore plus vrai pour les adolescents : « Les pairs ont beaucoup d’importance pour eux. On passe un peu pour un extraterrestre si on ne connait pas les mêmes séries, les mêmes musiques, en bref tous les sujets de conversation entre ados ».
S’intégrer dans une école en France représente souvent un véritable challenge pour les enfants expatriés. Professeurs et camarades de classe n’ont pas toujours conscience de toutes les difficultés auxquelles font face ces jeunes qui reviennent du bout du monde. « Dans pas mal d’écoles, les enseignants ne sont pas habitués à recevoir des enfants expatriés. Certains sont très à l’écoute et compréhensifs mais d’autres s’attendent à ce que l’enfant assimile tout de suite les nouveaux codes. On ne prend pas assez en compte leur singularité. Par exemple, ils parlent plusieurs langues la plupart du temps. Ils sont parfois obligés de repartir avec deux ou trois ans de retard dans le cursus parce que le système scolaire ne s’adapte pas souvent à leurs particularités », regrette Catherine Martel. L’enfant se sent alors différent au milieu des autres écoliers de son âge, dévalorisé, voire humilié. S’il a fréquenté un lycée français dans son pays d’accueil ou s’il rentre dans une école internationale en France, le jeune a tendance à s’adapter plus rapidement à ce nouvel environnement.
Pour se fondre dans la masse, l’enfant ne va hésiter à cacher sa vie d’avant. C’est une manière pour lui de s’intégrer dans un groupe sans paraître différent. « Ils vont avoir tendance à dissimuler leur expérience parce que les autres ne vont pas le comprendre. Ils évitent de raconter leur histoire, ils ont peur qu’on ne les croit pas. Cette partie de leur vie n’est pas toujours assumée, ils ne veulent pas être marginalisés », observe la psychologue.
Anticipation et écoute, les maîtres-mots pour accompagner son enfant
Chaque enfant va réagir différemment à l’annonce d’un retour d’expatriation. Même s’il a toujours été convenu que le séjour à l’étranger serait temporaire, il peut très vite s’attacher à son pays d’accueil et regretter ce retour pourtant prévu. Ou au contraire, le jeune expatrié peut être ravi de retourner en France, pays où il a passé des vacances formidables. Mais attention à cette image idéalisée : « Quand il rentre pour de vrai, il se rend compte que ce n’est pas la même chose. Il peut être déçu de voir que rien ne se passe comme quand il rentre pour les vacances », remarque Catherine Martel.
Pour que les enfants vivent au mieux ce changement, l’anticipation est primordiale : « Quelle que soit la situation, il faut essayer d’anticiper ce qui va les attendre pour atténuer le choc du retour. Il est nécessaire de les préparer à ce qu’ils vont vivre, à ce qui risque de leur arriver, mais sans dramatiser. Il faut leur faire réaliser qu’il y aura un certain nombre de défis à relever », explique-t-elle. A l’anticipation doit se joindre une grande écoute : « Il ne faut pas idéaliser le retour, il faut les laisser exprimer leurs émotions, les aider à verbaliser et leur faire comprendre qu’on accepte leur sentiment ». Elle ajoute : « Souvent l’enfant, quand il y a un problème, il ne va pas forcément le dire. Il va le cacher soit pour ne pas décevoir ses parents soit parce qu’il a honte d’avoir telle ou telle difficulté. Dans ce cas-là, et notamment pour les plus petits, cela ressort par des troubles somatiques. Par exemple, l’enfant peut régresser ou avoir des maux de ventre. C’est une façon pour lui d’extérioriser quelque chose qui ne va pas très bien. Il faut donc accroître sa vigilance ! ».
Montrer le positif participe également à la bonne adaptation des jeunes expatriés de retour en France. « Il faut leur montrer qu’il y a pire que la France sur la planète. Il est important de partager des moments en famille, de faire des activités qu’ils n’auraient pas pu faire à l’étranger. Il faut essayer d’être constructif en tant que parents sans être positif à 100%. Il faut laisser la porte ouverte à ce qui est difficile et reconnaître que c’est acceptable. Tout n’est pas toujours rose mais on habite ici et on va s’y faire. L’optimisme à tout prix serait une façon de nier ce que ressent l’enfant », explique la psychologue.
Quelques solutions, en dehors de l’anticipation et de l’écoute, peuvent être d’une grande aide. Les nouvelles technologies permettent, notamment aux plus grands, de garder contact avec leurs amis restés dans leur pays d’accueil. « Ce n’est pas parce qu’on rentre que la vie d’avant disparaît ! », remarque Catherine Martel. Quelques lectures peuvent également faciliter la compréhension des parents sur les bouleversements de leurs enfants. La psychologue conseille notamment l’ouvrage de Cécile Gylbert, Les enfants expatriés: enfants de la troisième culture : « Quand on est parent expatrié, il faut l’avoir lu et il y a tout un chapitre sur le retour en France. C’est une bonne lecture pour les parents qui vont s’expatrier et pour ceux qui rentrent ! ». Son site internet Expats Parents ainsi que le groupe Facebook, composé d’une communauté de 10.000 parents expats, peuvent également être un véritable soutien.