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Après une longue expatriation, comment préparer ses enfants à un retour en France ?

L’heure des congés annuels mais aussi des retours définitifs a sonné, les bagages remplis de souvenirs, d’émotions et de craintes. Les enfants suivent, sans réaliser vraiment ce que signifie l’impatriation. Comment se préparer au retour en France ?

deire aurevoir à son pays d'expatriation deire aurevoir à son pays d'expatriation
Écrit par Capucine Canonne
Publié le 3 juillet 2024, mis à jour le 19 août 2024

 

 

Isabelle* vit au Ghana depuis 5 ans avec son mari et leurs quatre enfants. Un jour, la décision est prise, il est temps de rentrer. Les parents, “un ressort sous les fesses”, sont plutôt contents de passer à autre chose. Mais, pour leurs enfants de 10, 8, 6 et 3 ans, c’est une toute nouvelle vie qui va commencer, eux qui ne connaissent pas - ou très peu - la vie en France… Comment les préparer à rentrer ? Comment la famille vit-elle ses derniers jours au Ghana ? Comment se projette-t-elle en France ? A travers le témoignage d’Isabelle mais aussi les conseils de Magali Desmidt, consultante carrière et retour en France, nous essayons de comprendre ce qui se joue émotionnellement lors d’un retour en France, après une longue expatriation. 

 

La boîte à outils du retour en France

 

 

En rentrant en France, nous ne quittons pas seulement un travail, nous quittons tout, et d'un coup.

 

 

une dernière fois dans son pays d'expatriation

 

 

 

“Avec ce départ, la première vie de mes enfants s’échappe” 

Installés au Ghana, Isabelle et Côme* reçoivent, il y a trois mois, une nouvelle proposition d’expatriation en Afrique. Mais ils ne se projettent pas et décident de rentrer en France : “nous n’étions pas prêts à attendre une année de plus, nous avons senti que c’était le moment de rentrer”. Isabelle en a pleinement conscience, la première vie de ses quatre enfants, celle qu’ils connaissent depuis tout petits ou même depuis la naissance s’échappe : “Dans quelques jours, nous allons rendre notre ordinateur, nos clés de voiture, les clés de la maison, quitter l’école, prendre l’avion… En rentrant en France, nous ne quittons pas seulement un travail, nous quittons tout, et d'un coup.” 

“Avec Côme nous ne ressentons ni cafard, ni nostalgie. Pour l’instant.” “Très souvent lorsque les parents se sentent bien, les enfant se sentent bien aussi. La préparation des parents est donc importante pour accompagner l'enfant dans ce changement de vie. A la moindre difficulté, il ne faut pas hésiter à demander de l’aide à un professionnel pour évacuer dans un espace neutre et bienveillant. ” appuie Magali Desmidt. 

 

L'espace de parole est important pour que l'enfant se sente écouté et rassuré.

 

Mais Isabelle a conscience que, pour les enfants, ça va être dur. “Ce que nous faisons, c’est parler de la France et du retour de manière toujours très positive, décrivant ce qu’ils vont voir, vivre et ressentir. Nous qui en parlions sporadiquement, nous abordons le sujet tous les jours depuis quelques semaines.” confie Isabelle entourée de cartons de déménagement. Elle sourit en racontant que la seule chose à laquelle ses enfants pensent en ce moment, est de prendre l’avion et passer de bonnes vacances d’été. “Il est indispensable de préparer son enfant à l'impatriation. En fonction de l'âge de l'enfant, on peut prendre le temps d'en discuter régulièrement comme le mentionne Isabelle. L'enfant peut expliquer ses ressentis, ses envies liés à ce projet de retour en France. L'espace de parole est important pour que l'enfant se sente écouté et rassuré. Avec les plus petits, on peut lire des livres sur le déménagement, sur la nouvelle région pour découvrir son futur environnement (gastronomie, monuments, paysages, climat...)” conseille Magali Desmidt.

 

dire aurevoir à son expatriation

 

 

 

“Tout ce que nous faisons, mangeons, visitons…c’est la dernière fois” 

Isabelle réalise bien sûr qu’elle se rend pour la dernière fois dans son restaurant préféré ou à l’école. “Nous achetons beaucoup de souvenirs. Tous les endroits où nous allons, ce que nous faisons, mangeons, visitons…c’est la dernière fois. ” En témoignant, elle réalise : “nous ne reviendrons - à priori - plus jamais ici, au Ghana…” puis se tait, prise sans doute dans ses souvenirs. Pour Magali Desmidt, il est important de célébrer les dernières fois et de “profiter jusqu'au bout de l'instant présent dans son pays d'accueil et de faire preuve de gratitude pour cette expérience de vie vécue à l'étranger. Les souvenirs rapportés avec soi sont précieux pour les petits et les grands.” 


 

Comment (bien) dire au revoir à son pays d’expatriation ?


 

L’avantage cette année au Ghana ? Une vague de départs importante “Les enfants se disent au revoir mais n’ont pas l’air tristes, pour le moment. L’idée que nous partons tous en même temps du Ghana semble atténuer un peu l’émotion.” L’aîné d’Isabelle est content de partir, les trois autres beaucoup moins. Le jeune garçon va rentrer au collège à la rentrée. “Il est heureux de vivre en ville, d’être autonome dans ses déplacements, car nous avons un chauffeur ici. Il va être plus indépendant.” 

 

Fin août, cette fois nous ne prendrons pas l’avion pour rentrer au Ghana. (...) ses deux derniers enfants ne comprendront pas pourquoi “ils ne rentrent pas à la maison” 

 

une famille rentre en France après une expatriation

 


 

Atterrir en douceur en France, avec des repères 

Une fois atterri, Côme enchaîne avec un nouveau travail. “Pas de sas de décompression, mais il est difficile de concilier le timing au niveau personnel et professionnel” avoue Isabelle. Une situation peu recommandée par la consultante en retour en France : “Quand cela est possible, je recommande de garder quelques jours, voire quelques semaines entre l'arrivée en France et la date de prise du nouveau poste. Cela permet de s'installer, de s'ajuster au décalage horaire, de reprendre ses marques et de se reposer, émotionnellement aussi. Ce qui permet par la suite de débuter son nouvel emploi sereinement.” 

En attendant de rejoindre son mari , la maman s’installe avec ses enfants à la campagne chez ses parents. “Une transition en douceur pour eux, pour les aider à accepter le retour et réaliser que, fin août, cette fois nous ne prendrons pas l’avion pour rentrer au Ghana.” Et c’est surtout ses deux derniers enfants, de 6 et 3 ans, qui ne comprendront pas pourquoi “ils ne rentrent pas à la maison” 

 

Lorsqu'on fait le choix de rentrer dans une ville que l’on ne connaît pas en France, c'est l'occasion de vivre ce changement comme une nouvelle expatriation

 

D’ailleurs, 15 jours avant la rentrée scolaire, Isabelle prévoit de s’installer dans le nouvel appartement vide - en attendant le conteneur - , histoire de s’imprégner de la ville, du quartier et du quotidien. “Nous nous installons dans le sud, une ville que nous ne connaissons pas. Nous sommes en bord de mer ce qui était important car nous étions près de la mer au Ghana. Nous allons aussi visiter l’école.” Isabelle et Côme ont choisi d’ailleurs un collège privé pour leur aîné avec une section bilingue. “Lorsqu'on fait le choix de rentrer dans une ville que l’on ne connaît pas en France, c'est l'occasion de vivre ce changement comme une nouvelle expatriation. Adopter cette même posture qu'en expatriation permet d'aborder cette nouvelle vie avec curiosité, ouverture d'esprit, un nouveau regard” réagit Magali Desmidt à la décision de la famille. 

Débarquer dans une nouvelle ville, c’est débarquer aussi au sein d’une nouvelle société, “où il va peut-être falloir s’inscrire à des activités ou participer à des projets pour que nos enfants s'intègrent bien” souligne Isabelle. A nouveau, pas si simple. Côté professionnel, Isabelle a bien l’intention de chercher du travail mais une fois la famille bien installée. 

 

les enfants n’ont quasiment jamais mis de pull de leur vie, il va falloir s’acclimater.” Vivre la fraîcheur française sera le meilleur enseignement. 

 

 

aurevoir pays d'expatriation

 

 

“Allons nous réussir à rentrer dans le moule français ?” 

La mère de famille considère ses enfants comme “des Indiens dans la ville, qui ne savent pas ce qu’est un facteur, une boulangerie ou une caisse automatique…Rien que mettre ses chaussures peut être compliqué ! Ma petite dernière a refusé catégoriquement de mettre des bottes, pour ne pas avoir le pied enfermé…” Le climat est aussi un sujet : “les enfants n’ont quasiment jamais mis de pull de leur vie, il va falloir s’acclimater.” Vivre la fraîcheur française sera le meilleur enseignement. 

 

 La famille, qui n'a vécu ni expatriation ni retour en France, ne peut pas (vraiment) comprendre ce qu'on ressent dans un changement de vie si grand.

 

Une fois les obstacles de l’acclimatation et l'administration passés - pour ne citer qu’eux et sans les sous-estimer - , Isabelle appréhende le changement de statut : “l’expatriation a un côté inédit, avec un certain confort, un esprit d’adaptation et de tolérance pour autrui. Chaque pays a sa culture et ses codes et mes enfants ne connaissent pratiquement que ça. Allons-nous réussir à rentrer dans le moule français ?”. Autre interrogation pour le couple : la famille. Si les proches de Côme et Isabelle sont contents du retour, Isabelle se demande si elle va réussir à connecter facilement  “Il va y avoir un décalage, c’est certain.” Selon Magali Desmidt, la communication est essentielle dans la mesure où la famille - qui nous attend en France - n'a vécu ni expatriation ni retour en France, ne peut pas (vraiment) comprendre ce qu'on vit et ce qu'on ressent dans un changement de vie si grand. “Il faut communiquer ses émotions, ses ressentis et ne pas hésiter à demander de l'aide autour de soi” rappelle la spécialiste. 

Et puis le couple le sait, le sent, ils repartiront vivre à l’étranger : “L’expatriation est encore dans un coin de notre tête.” Le fameux ressort sous les fesses, Isabelle et Côme n’ont pas prévu de le laisser au Ghana. 

 

*les prénoms ont été changés

 

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