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BILINGUISME – Une chance pour les enfants ?

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Écrit par Lepetitjournal.com International
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 5 avril 2018

Le bilinguisme a longtemps suscité en France autant de craintes que d'enthousiasme. Aujourd'hui, les études  montrent que loin de retarder le développement des enfants, le bilinguisme permet de développer souplesse conceptuelle et faculté de raisonnement

La mobilité accrue de la population active et les mouvements migratoires ont entrainé une forte hausse du nombre de personnes confrontées à plusieurs langues. Pour nombre de Français vivant à l'étranger, qu'ils soient en couples mixtes ou expatriés quelques années, la question de l'éducation à donner aux enfants se pose souvent en fonction du langage. Quelle langue parler à la maison? Quelle langue privilégier à l'école ? Faut-il faire le choix d'un enseignement unilingue ou bilingue ?

 

Le bilinguisme, encore souvent mal compris

Certaines idées ont la vie dure. On croit parfois qu'il est difficile pour un enfant d'apprendre deux langues simultanément et que ce double apprentissage va le retarder dans son développement. Or de récentes études ont démontré que dès les premiers jours de vie, voire déjà in utero, et jusqu'à environ l'âge de 6 mois, le bébé est capable de distinguer tous les sons d'une langue quelle qu'elle soit. Une équipe de chercheurs franco-allemande a même découvert que lorsqu'ils pleurent, les nouveaux-nés cherchent déjà à reproduire la mélodie de la langue que parle leur mère.

Le bilinguisme enfantin n'est pas l'addition des deux langues dans le cerveau de l'enfant. Il s'agit plutôt de la construction d'une capacité linguistique à deux volets. Les structures du cerveau du jeune enfant sont tellement flexibles qu'il apprend aussi facilement deux ou trois langues qu'une seule. La construction d'un bilinguisme équilibré dépend donc étroitement de l'âge de démarrage. Plus tôt on commence, mieux c'est. Les dernières études démontrent un déclin rapide des capacités à reproduire fidèlement les sons d'une langue à partir de 5-7 ans. Les chercheurs Dalgalian et Petit expliquent qu'après sept ans, on n'apprend plus du langage mais des langues.

Un développement du langage retardé ?

Malgré cette activité supplémentaire, les enfants bi(pluri)lingues ne prennent pas deux fois plus de temps pour acquérir le langage. Les premiers mots apparaissent comme chez l'enfant monolingue entre 12 et 18 mois. Les deux langues maternelles ne se disputent pas le même espace dans le cerveau, ce qui prouve qu'apprendre une deuxième langue dès le plus jeune âge ne se fait pas au détriment de la langue maternelle. Chez certains enfants, un léger retard par rapport aux monolingues peut se manifester à partir de deux ans et demi, où l'une des langues prend souvent le dessus. Mais il est facilement rattrapable si l'on continue à "alimenter" l'enfant dans les différentes langues.
Les parents et les professionnels qui comparent l'enfant bilingue à ses pairs monolingues notent parfois un développement lexical plus faible. Or ils oublient souvent de comptabiliser le nombre de mots de la seconde langue de l'enfant. Bien sûr, beaucoup d'enfants passent par une phase de tâtonnement. Cécile a mis ses enfants dans une école internationale de langue anglaise à Hong Kong,  et avoue "qu'il y a tout de même des tournures de phrases qui révèlent des dérapages. Par exemple vers 3-5 ans ils disent "je veux la bleue voiture" ou "regarde maman comment vite je cours !"

La plupart du temps, pourtant, les parents sont émerveillés par les facilités de leur progéniture. Cécile constate : "ils peuvent penser dans les deux langues, ils ne traduisent pas, puisqu'ils les ont intégrées ou ingérées au quotidien et ne les ont pas apprises par le travail. Nous nous sommes aperçus qu'ils parlent mieux le français que certains enfants qui ont toujours été en école en française". Stéphanie, qui vit à Dublin explique : "Ma fille a commencé l'école irlandaise à un peu plus de 4 ans. Elle a aujourd'hui 7 ans, et est parfaitement bilingue. Elle lit aussi bien en français qu'en anglais, et ce depuis l'âge de 5 ans. J'ajouterai qu'elle est l'élève qui parle le mieux le gaélique irlandais dans sa classe, elle est donc pour ainsi dire presque trilingue." Bénédicte vit à Barcelone. Elle est française et son mari américain : "Depuis toujours notre fille fait la différence entre la langue de sa mère et celle de son père et ne peut que nous parler dans les langues que nous lui avons apprises. En 3 mois à l'école, elle a appris le catalan et, bien sûr, le parle couramment, c'est pour elle la langue de l'école. Tout a été naturel, un vrai plaisir et quel cadeau pour elle...".

Une personne, une langue

Les experts conseillent de choisir une stratégie de séparation des deux langues, afin de faciliter leur acquisition par les enfants.  En parlant avec son enfant dans sa langue maternelle, le père ou la mère transmet bien plus qu'un langage. Le parent maintient des liens avec la famille et la culture de son pays d'origine. Les parents garantissent ainsi le maintien des liens avec la famille restée dans le pays. L'enfant a besoin de pouvoir se situer par rapport à leur histoire pour devenir un adulte équilibré. Les enfants de Cécile "savent parfaitement qui parle quelle langue et n'ont jamais mélangé l'anglais et le français dans une phrase". Idem pour Claire, qui vit au Chili : "Nous avons décidé que nos enfants seraient trilingues, parlant en français avec leur mère française, espagnol avec leur père chilien, et anglais avec leurs frères, s?urs, camarades de classe. Nous pensons que nous avons fait le bon choix, car nos enfants savent déjà parler correctement 3 langues au rayonnement international".

Le bilinguisme, une chance à l'école?
Depuis les années 1970, les chercheurs ont démontré les avantages cognitifs du bilinguisme, qui résultent de l'habitude de passer d'un système de symboles à un autre. De nombreuses expériences prouvent que les enfants bilingues sont nettement plus favorisés pour un bon apprentissage des mathématiques, et plus généralement pour les opérations mentales fondées sur l'abstraction. Ils ont plus de facilités à se concentrer sur l'information pertinente et à ne pas se laisser distraire.
Les établissements français à l'étranger, conscients de la demande des parents pour des enseignements bilingues, font un véritable effort en matière d'offre de classes bilingues. Partout dans le monde, l'AEFE (Agence pour l'enseignement français à l'étranger) renforce l'enseignement des langues vivantes dès le primaire, et le développement de classes bilingues qui permet de concilier la promotion du français et le plurilinguisme.  Michel a choisi de scolariser son fils en section bilingue dès la maternelle à l'école française de Bangkok. "C'est très positif. La classe bilingue permet de bénéficier d'approches pédagogiques différentes de celle de la langue française. Les cours dispensés en anglais sont souvent plus créatifs, ludiques. C'est plus diversifié. Mon fils ne traduit pas, il raisonne véritablement dans deux langues différentes. Cela demande un peu plus de travail à la maison et un réel investissement des parents, mais cela lui a donné confiance quand il parle en anglais. Mais attention, un enseignement bilingue en Thaïlande ne remplace pas le fait de vivre dans un pays véritablement anglophone !"

... et dans la vie
Au-delà de l'intellect, Claire note la faculté d'adaptation de ses enfants : "Quand nous voyageons à l'étranger, il n'est pas difficile pour eux de s'immiscer dans d'autres cultures. Aujourd'hui nous pensons que nos enfants seront peut-être plus capables d'affronter le monde, car ils seront habitués à changer sans difficulté et à pouvoir communiquer avec une aisance particulière". Stéphanie renchérit : "Le bilinguisme est une grande chance pour les enfants: il leur permet d'exercer leur capacités de raisonnement (par des processus de transposition par exemple), d'élaborer deux systèmes distincts de communication et de développer des facultés d'adaptation, non seulement linguistique mais aussi sociale". 
MPP (www.lepetitjournal.com) lundi 28 juin 2010

Merci aux lecteurs du petitjournal.com pour leurs témoignages !

 

 

logofbinter
Publié le 6 septembre 2010, mis à jour le 5 avril 2018
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