Enregistrer une histoire pour leurs enfants. C’est ainsi que le podcast « Encore une histoire » a vu le jour. Benjamin Muller revient sur ce projet familial qui a décollé pendant le confinement.
Durant le premier confinement, les époux Benjamin Muller, chroniqueur à France 4, et Céline Kallmann, journaliste sur RMC, cherchent un moyen d’occuper leurs enfants. Un jour, l’idée leur vient d’enregistrer la lecture d’une histoire, pour que leurs trois enfants puissent l’écouter lorsqu’ils sont occupés. Alexandre Ferreira, leur beau-frère, y voit une idée prometteuse et se met à la réalisation. De fil en aiguille, ce passe-temps familial prend la forme d’un podcast destiné aux enfants de 3 à 10 ans, aujourd’hui accessible sur toutes les plateformes. Dans un entretien, Benjamin Muller revient sur l’émergence d’ « Encore une histoire », sur les bienfaits des podcasts pour les enfants, et sur ses projets pour l’avenir.
Comment avez-vous eu l’idée du podcast « Encore une histoire » ?
Avec ma femme, Céline Kallmann, nous avons trois enfants. Nous avons toujours beaucoup aimé leur lire et leur raconter des histoires le soir, les ouvrir au monde. Un jour, nous nous sommes dits qu’il serait drôle d’enregistrer ces histoires, afin qu’ils puissent les écouter même quand nous n’avions pas le temps. Quand nous en avons parlé à mon beau-frère, Alexandre Ferreira, qui est réalisateur audio, il nous a proposé de rajouter un peu de musique sur le fichier pour le rendre plus sympa. Il en a fait quelque chose de très agréable, que nous avons mis en ligne. Nous avons commencé à le proposer à nos amis qui ont des enfants, et, très rapidement, le podcast a commencé à avoir un certain nombre d’écoutes. Nous nous sommes pris au jeu, et avons commencé à enregistrer une histoire par semaine. Tout a très vite marché, alors que nous étions partis de quelque chose de purement familial pour nos enfants et ceux de nos amis.
En écoutant des histoires, les cerveaux des enfants restent connectés à 100%
Dans une vidéo avec Brut., vous parlez des effets néfastes des écrans sur les enfants. Quels sont-ils ?
De notre côté, nous avons toujours essayé de mettre le moins possible nos enfants devant les écrans, ou du moins avec mesure. Il y a de très bons côtés aux écrans pour les enfants de plus de trois ans. Il existe par exemple des films et documentaires extraordinaires. Mais nous savons également que trop d’écrans peut être néfaste, pour le développement du langage, voire pour le développement de l’enfant en général. Etre trop souvent devant les écrans, télévision comme jeux vidéos, enferme et excite beaucoup les enfants. Or, nous le savons, et d’autant plus depuis un an avec les confinements, nous avons de temps en temps besoin d’occuper nos enfants sans être collés à eux, en particulier lorsque nous travaillons. Le podcast est une alternative intéressante, car ce n’est pas la même chose que de regarder un dessin animé. Lorsque l’on écoute une histoire, l’imaginaire de l’enfant reste ouvert. Il n’est pas capté par l’image. En écoutant des histoires, les cerveaux des enfants restent connectés à 100%. Quand l’histoire est terminée, ils ont d’eux-même envie d’en inventer une, d’imaginer la suite… Ils vont en discuter, alors qu’à la fin d’un dessin animé, nos enfants tendent plutôt à être plus énervés.
Leur imagination sera toujours plus riche que celle d’un réalisateur de dessin animé, aussi talentueux soit-il. Il n’y a aucune limite à l’imagination d’un enfant
Quels sont les bienfaits de ces podcasts pour les enfants ?
Nous voyons sortir de leurs yeux des bulles d’imagination lorsqu’ils écoutent des histoires. Lorsque nous sommes en voiture et que mes enfants écoutent les histoires, ils ont généralement les yeux dans le vague, en regardant le ciel. Ils voient et imaginent les histoires, et leur imagination sera toujours plus riche que celle d’un réalisateur de dessin animé, aussi talentueux soit-il. Il n’y a aucune limite à l’imagination d’un enfant. Nos enfants baignent beaucoup dans ces histoires et y ont vraiment pris goût. Ils s’inventent et écrivent des histoires tout le temps. Je pense que l’écoute d’histoires pousse à la créativité.
De plus, écouter une histoire n’est pas un moment de contrainte pour eux, mais de bonheur. Le podcast reproduit l’effet de la lecture et, qui plus est, pour des enfants qui ne savent pas encore lire. Nos podcasts sont destinés aux enfants âgés de 3 à 10 ans, mais l’essentiel de nos auditeurs ont entre 3 et 8 ans.
Nous commençons à prendre des auteurs qui vont spécifiquement écrire pour nous, même si nous continuons d’écrire l’essentiel des histoires que nous proposons
Qui sont les auteurs des histoires que vous proposez ?
Au début, nous négociions les droits de livres issus de la littérature jeunesse, et nous les adaptions. Puis, au fur et à mesure, nous avons commencé à les écrire nous-mêmes, voire à passer des commandes à des auteurs, des écrivains, ou encore des historiens. Nous avons une série sur Rosa Parks, adaptée aux enfants, qui a été écrite par l’historien Abdelhakim Rezgui. Nous commençons à prendre des auteurs qui vont spécifiquement écrire pour nous, même si nous continuons d’écrire l’essentiel des histoires que nous proposons.
De mon côté, je n’écris que des choses qui me plaisent, qui me passent par la tête, que j’aurais aimé écouter étant enfant
Où trouvez-vous l’inspiration pour ces histoires?
Dans « La cité d’Angèle », je raconte l’histoire d’un petit garçon qui vit à New York, alors que son amoureuse vit à Los Angeles. Il traverse le pays pour la retrouver : il s’agit d’un road trip à travers les Etats-Unis en sept épisodes. J’ai écrit cette histoire car j’ai toujours rêvé d’écrire une histoire de road trip à travers les Etats-Unis, où en trois heures de route le décor et les personnes changent du tout au tout. De mon côté, je n’écris que des choses qui me plaisent, qui me passent par la tête, que j’aurais aimé écouter étant enfant. L’avantage d’écrire pour les enfants est que l’on peut vraiment se faire plaisir.
Nous testons aussi les histoires sur nos enfants. Il arrive qu’ils nous disent qu’une histoire ne va pas ou n’est pas intéressante. Dans ce cas, je fais autre chose. Petit, j’étais fasciné par la conquête spatiale, par les voyages sur la Lune et la Station spatiale internationale. Nous avons écrit « Ali dans les étoiles », qui est justement l’histoire d’un enfant qui a la possibilité de se rendre dans l’espace. Voilà comment nous fonctionnons. Il n’y a pas réellement de processus de travail, surtout du plaisir.
Avec la crise sanitaire et les confinements, le nombre d’écoutes de podcasts a fortement augmenté. Avez-vous des nouveaux projets en développement dans ce domaine?
Il est vrai que l’écoute de nos histoires a beaucoup augmenté. Nous sommes entre 600.000 et 700.000 écoutes par mois. Nous allons adapter certaines de nos histoires en livres, la première étant « Les vacances extraordinaires », qui a été écoutée un million de fois. Nous en faisons un livre qui sortira en juin, que nous éditons nous-mêmes.
Et surtout, nous venons de faire une adaptation d’ « Encore une histoire » pour les adolescents à partir de 13 ans, qui s’appellera « Encore un frisson ». Il s’agit d’histoires qui font peur, qui ne sont pas à faire écouter aux enfants. Nous sommes disponibles sur toutes les plateformes de podcasts.
Nous sommes très heureux de voyager, de savoir que nos histoires voyagent à l’autre bout du monde
Avez-vous des écoutes à l’international ?
Selon nos statistiques d’écoute, nous sommes évidemment très écoutés en France, en Belgique et en Suisse, mais également au Canada. Nous avons également découvert que nous étions très écoutés dans certaines villes des Etats-Unis. Il y a des pays auxquels nous ne nous attendions pas car, a priori, nous n’avons pas l’impression qu’il y a des communautés francophones importantes. Nous nous sommes trompés. Nous sommes très écoutés au Mexique, en Australie, en Algérie et au Kenya. Nous sommes très heureux de voyager, de savoir que nos histoires voyagent à l’autre bout du monde.
Pensez-vous que cela puisse être un moyen pour des locaux d’enseigner le français à leurs enfants ?
Les Français à l’étranger, par exemple mariés avec des locaux, nous disent souvent cela. Ils parlent finalement très peu français, et nous expliquent que notre podcast est un bon moyen de faire pratiquer, autrement que par les écrans, le français à leurs enfants. J’en parlais l’autre jour avec un Français qui vit en Hongrie, et dont la femme est allemande. Il m’expliquait que, mis à part les discussions avec son père, ce podcast est seul rapport que l’enfant a avec le français. Cela nous fait très plaisir. Ce sont des choses auxquelles nous n’avions pas du tout pensé au début, mais qui constituent un plus.