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Échecs et maths : le jeu du roi dans l’éducation en France … et à l’étranger

le jeu du roi dans l’éducation en Francele jeu du roi dans l’éducation en France
© Michal Vrba
Écrit par Natacha Marbot
Publié le 2 août 2022

Logique, concentration, stratégie … Le jeu d’échecs regorge de qualités éducatives qui, depuis des centaines d’années, sont mises à profit de l’éducation en France et dans l’enseignement français à l’étranger. Comment expliquer le succès sans fin de ce jeu, à l’ère de la toute technologie et du supposé manque de patience des jeunes ?

 

Vous n’avez pas pu rater la série évènement de l’année 2020 : Le jeu de la dame, diffusée sur Netflix. La série, une fiction très documentée sur l’univers des échecs, a battu tous les records d’audimat, avec plus de 60 millions de vues. Si les échecs n’ont jamais réellement perdu leur aura, cette série a indéniablement mis un coup de projecteur sur ce sport. « Nous avons doublé nos ventes en ligne de jeux d'échecs depuis le 23 octobre 2020, date de sortie de la série Netflix, par rapport à la même période l'an dernier », a confirmé au Figaro Franck Mathais, le porte-parole du groupe JouéClub. En 2020, Goliath Games, une compagnie américaine, a ainsi vu ses ventes augmenter de 1000% par rapport à l'année précédente, tandis que eBay a déclaré que la vente d'échecs et d'accessoires avait augmenté de 215% sur sa plateforme.

 

Sébastien Ferrand
Sebastien Ferrand, fondateur du club d’échecs Happy Pawn Chess Club en Thaïlande

La France, un pays d’échecs

Comme le souligne Sebastien Ferrand, fondateur du club d’échecs Happy Pawn Chess Club en Thaïlande, la France a une place de choix sur la scène internationale du jeu. L’Hexagone est la « 7e puissance échiquéenne mixte » et compte de nombreux champions. Parmi eux, Maxime Vachier-Lagrave, champion du monde de blitz, ex-numéro 2 mondial, ou encore Alireza Firouzja, 19 ans, 3ème joueur mondial et numéro 1 junior. La France fait aussi partie de l’Histoire des échecs car « une partie du vocabulaire échiquéen provient du français (En passant, J'adoube, Remis, Madame, Trebuchet…) » rappelle Sébastien Ferrand.

 

échecs éducation

 

« Les échecs sont tel une ancre d'éducation qui traverse les âges » Sébastien Ferrand

Au 18e siècle déjà, Benjamin Franklin exhortait ses concitoyens américains à jouer aux échecs dans son ouvrage La morale des échecs. Le jeu du roi est connu de longue date pour être un excellent outil de pédagogie, en partant du plus petit âge, « à partir de la maternelle » confirme Marie-Christine Lefranc, référente mission sport de l’AEFE.

Quels sont les avantages des échecs pour l’apprentissage ? Sébastien Ferrand note d’abord la concentration et la logique, mais aussi le calcul et la projection : « Comme dans la série "Le jeu de la dame", il faut avoir la puissance d'esprit de bouger les pièces mentalement, et d'évaluer les positions en fonction de leur nouvelles positions virtuelles ». Ce n’est pas tout : c’est aussi un jeu qui travaille la prise de risque et la décision, la persévérance, la créativité et l’empathie. « Et oui, même l'empathie! Aux échecs, il est impossible de gagner si l'on ne pense qu'à ses coups, ou qu'à ses plans. » ajoute Sébastien Ferrand. Enfin, pour Marie-Christine Lefranc, le jeu d’échecs permet « une mise en pratique des mathématiques théoriques ».

 

Judith Polgar (gauche) et Garry Kasparov (droite) pendant leur match à Moscou en 2002, remporté par Judith Polgar
Judith Polgar (gauche) et Garry Kasparov (droite) pendant leur match à Moscou en 2002, remporté par Judith Polgar

Quel est le profil des joueurs et joueuses d’échecs ?

Lorsqu’on se penche sur le profil des personnes pratiquant les échecs, plusieurs constats surgissent. Les grands joueurs et joueuses françaises sont assez jeunes - l’âge de la retraite se situant vers 40 ans. Sébastien Ferrand explique que cela est du aux capacités cognitives qui sont les plus performantes à 20 ans, mais qui, combinées à l’expérience échiquéenne, font les meilleurs joueurs à 30 ans. Il note néanmoins : « il y a bien sûr de grands joueurs qui continuent à jouer et à briller au delà de 40 ans (Anand, Kasparov, Aronian...) mais c'est justement exceptionnel ».

Pourquoi sépare-t-on les hommes et les femmes lors des compétitions d’échecs ? Dans les clubs amateurs et lors des compétitions de petites et moyennes divisions, il n’est pas rare de trouver des tournois mixtes. Cependant, à très haut niveau, cela n’arrive (presque) jamais. Sébastien Ferrand explique que cela n’a rien de biologique : « culturellement les garçons sont plus poussés jeunes en club d'échecs que les filles », ce qui rend plus difficile à des filles - statistiquement - de se démarquer et d’arriver ainsi au titre de championne mondiale mixte (qui existe tout de même). Une compétition en non-mixité permet ainsi de mettre en lumière les championnes, qui seraient probablement invisibilisées dans des championnats mixtes à ce jour. La tendance évoluera sans doute, à surveiller !

Pour compléter son analyse, Sébastien Ferrand nous livre une anecdote étonnante : « Un psychologue hongrois professeur d’échecs, László Polgár, voulait prouver que le talent n'existait pas, et que seul le travail comptait. Se considérant intellectuellement dans la moyenne, il a décidé de marier et avoir des enfants avec une femme jugée "standard" également. Ils ont eu 3 filles. Le résultat est sans appel. Trois grandes championnes d’échecs dont deux ont dominé le top mondial féminin, mais surtout, la fameuse Judith Polgár, top 10 mondial mixte pendant de nombreuses années. » Un beau pied-de-nez à Garry Kasparov qui déclarait, alors qu’il était n°1 mondial, qu’une femme ne battrait jamais un homme aux échecs … avant d’être battu par Judith Polgár, elle-même, le 9 septembre 2002.

 

deux hommes jouant aux échecs
Tanner Mardis, photo prise dans un parc public en Lituanie

Les Français de l’étranger amateurs des échecs ne sont pas en reste

En 2018, l’AEFE signe un partenariat avec la Fédération Française des Echecs. « Le but, à ce moment, était de promouvoir l’activité des échecs dans toutes les classes et les écoles du réseau » explique Marie-Christine Lefranc, référente mission sport de l’AEFE. D’abord pensé pour l’apprentissage des mathématiques, les associations sportives et l’UNSS (l’Union nationale du sport scolaire) n’ont pas tardé à s’y intéresser. « La double entrée du sport et des mathématiques fait que les échecs sont très représentés dans les clubs d’activités extra-scolaires dans les lycées du réseau » confirme Marie-Christine Lefranc.

 

 

Le jeu d'échecs cumule les bons points, pour Marie-Christine Lefranc : « ce sport nous permet de proposer aux élèves tous les rôles, notamment ceux de coaching et d’arbitrage. C’est aussi un sport pour les enfants valides et non valides, ce qui est très important ». Ce n’est pas tout : ce sport est accessible en ligne. C’est un avantage non négligeable à l’heure des restrictions sanitaires dues à la crise du Covid-19. Pendant les confinements successifs, l’AEFE a réfléchi, avec ses partenaires, à la mise en place de tournois d’échecs virtuels, qui ont eu un réel succès. « L’idée a donc fait son chemin et nous avons créé une plateforme en ligne. Sur les seize zones que l’AEFE couvre, la plupart participent aujourd’hui à ces tournois « locaux », et à terme, nous voudrions créer un grand tournoi global, avec des représentants de chaque zone ». Par exemple, en Amérique du Nord, pendant la pandémie, ce sont près de 500 élèves qui se sont connectés en même temps pour jouer aux échecs.

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