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M’jid El Guerrab - « La Françafrique, c’est fini ! »

M’jid El GuerrabM’jid El Guerrab
Écrit par Damien Bouhours
Publié le 15 mars 2021, mis à jour le 16 mars 2021

Le député de la 9e circonscription des Français de l’étranger, M’jid El Guerrab, revient avec nous sur ses nombreuses actualités, et en particulier la création d’une communauté méditerranéenne des Energies Renouvelables, la restitution par la France des biens « mal-acquis » et le lancement de sa plateforme de dialogue avec les Français du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest.

 

Notre politique de voisinage doit être renforcée

Pourquoi est-il essentiel de créer une Communauté Méditerranéenne des Énergies Renouvelables (CEMER) ?

Trop souvent délaissée, notre politique de voisinage doit être renforcée. La crise sanitaire que nous traversons ainsi que ses corolaires économiques doivent nous inciter à considérer le partenariat méditerranéen comme une opportunité à saisir. En effet, la mer Méditerranée demeure un carrefour de civilisations et permet la rencontre d’une multitude de cultures. Cette diversité doit être mise au service des échanges et de la coopération, notamment au service du principal enjeu du 21e siècle : les énergies renouvelables.

La création d’une Communauté méditerranéenne des énergies renouvelables (CEMER) permettrait d’ancrer les pays méditerranéens vers un projet d’union énergétique, sur le modèle de la CECA européenne. D’ailleurs ma proposition de résolution a été votée à la quasi-unanimité unissant autours de cet idéal les groupes politiques de différents bords. Cela témoigne de l’importance mais également de l’urgence de concrétiser ce beau projet.

N’ayons pas peur de voir plus loin ! Dans le cas de la CECA, un projet commun sur l’énergie avait été la première étape vers un projet européen plus global et politique. En effet, nous pourrions imaginer dans un premier temps une union composée au Nord de l’Espagne, de la France et de l’Italie, au Sud de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie dans un premier temps, sans exclure l’intégration progressive d’autres pays volontaires.

Je me rendrais d’ailleurs très prochainement dans l’ensemble des pays concernés afin de concrétiser avec les décideurs politiques, des acteurs de la société civile ainsi que les entrepreneurs les contours de la CEMER.

 

Le Maghreb dispose d’un immense potentiel en matière d’intégration politique et de coopération économique

En quoi les synergies en Méditerranée sont-elles importantes pour agir efficacement ?

Les synergies en Méditerranée revêtent une importance fondamentale dans le développement économique du Maghreb. Par exemple, la fermeture des frontières entre le Maroc et l’Algérie coûte entre 2 et 3 points de PIB chaque année, ce qui freine considérablement le développement humain et économique de la région. Pourtant le Maghreb dispose d’un immense potentiel en matière d’intégration politique et de coopération économique.

Si nous prenons le cas de l’Union Européenne, le fait que le commerce de biens intra-UE (exportations et importations combinées) soit plus élevé que le commerce extra-UE (exportations et importations combinées) pour tous les États membres de l’Union, à l’exception de l’Irlande, témoigne de l’importance du marché intérieur de l’Union. Dans le même temps, les exportations entre les pays de l’Union du Maghreb arabe (UMA qui regroupe le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Libye et la Mauritanie) ne représentaient que 3,3% du total des exportations de la zone. Le retard est considérable mais le potentiel est immense.

 

C’est un signal politique fort

Votre amendement visant à renforcer le cadre français de restitution de biens dits « mal acquis » a également été adopté. Qu'est-ce que cela change pour les Etats pillés ?

Le Gouvernement s’est engagé à proposer un dispositif de restitution des produits de cession des biens mal acquis, à la suite d’une proposition de loi en ce sens examinée au Sénat en mai 2019. Cet engagement s’inscrit également dans la suite des travaux de la société civile et des parlementaires, notamment le rapport de M. Saint-Martin et Warsmann de novembre 2019 sur la confiscation des avoirs criminels et la restitution des biens mal acquis qui recommandait de « mettre en œuvre un dispositif législatif, budgétaire et organisationnel ad hoc et pragmatique permettant la restitution des avoirs confisqués dans les dossiers dits de « biens mal acquis ».

Il s’agira de redistribuer, sous forme d’aide au développement, les fonds confisqués par la justice française lors d’une condamnation pénale dans le cadre d’une affaire de corruption, détournement de fonds ou autre prise illégale d’intérêts par une personne dépositaire de l’autorité publique d’un Etat étranger, chargée d’un mandat électif public ou d’une mission de service public.

Ce qui change concrètement pour les Etats spoilés concerne donc la redistribution des fonds. Actuellement les fonds confisqués sont gérés par l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), et sont reversés au budget général de l’Etat, du moins en grande partie. Ce qui signifie que les populations spoliées par la corruption de leurs dirigeants ne bénéficient jamais de l’argent récupéré par la justice. Tout ça va changer grâce à ce projet de loi. En somme, c’est un signal politique fort tel que voulu par le Président de la République pour affirmer haut et fort : la Françafrique, c’est fini !

 

Il faut lutter contre ce fléau que représente le pillage des biens culturels

Souhaitez-vous une restitution des oeuvres africaines volées et encore aujourd'hui présentes dans les musées nationaux comme cela est demandé par de nombreux États ?

La réflexion sur le sujet mérite d'être poussé, mais je veux dire que déjà de nombreuses coopérations internationales fonctionnent en termes de restitution d’œuvres ou de biens volés. A titre d’exemple, je veux ainsi saluer la remise officielle tout récemment par la France aux autorités marocaines de plus de 25 000 objets archéologiques, d’un caractère exceptionnel, saisi sur notre territoire lors de 3 contrôles de la Douane française. Il faut lutter contre ce fléau que représente le pillage des biens culturels, phénomène mondial, qui a pris de l'ampleur ces dernières années. Saisis en 2005 et 2006, à Marseille et à Perpignan, il aura fallu 15 ans pour les rendre au Maroc, le temps de dérouler les différentes procédures, judiciaires notamment. Nous devons évidemment trouver le moyen d’accélérer ces formalités. Et certainement faire ce travail de restitution historique des œuvres issues des colonisations. Nous l’avons déjà fait avec le Bénin et le Sénégal.

 

Je milite même pour que l’on invente un droit inaliénable pour les Français de l’étranger à rentrer sur le territoire national

Quel est votre sentiment face au désarroi de nombreux Français de l'étranger ne pouvant rentrer en France sauf motifs impérieux ?

Il est vrai que de nombreux Français résidant à l’étranger se trouvent depuis le 31 janvier dans l’impossibilité de se rendre en France. Cependant, les Français devant rentrer pour des motifs impérieux peuvent bien évidemment le faire. Initialement, il était prévu une fermeture totale… Je peux vous assurer que le Président de la République et le Ministre Le Drian ont pesé de tout leur poids pour laisser cette fenêtre ouverte.

Les aller-retours sont devenus exceptionnels. Et l’espace Schengen s’est depuis plusieurs mois fermé. Ça ne concerne pas uniquement les Français de l’étranger mais le monde entier. Tant que nous n’aurons pas vaincu cette pandémie, oui, il faut s’attendre à des restrictions très sévères. Cela ne nous empêche pas de nous battre quotidiennement pour faciliter les mobilités nécessaires.

A titre personnel, je milite même pour que l’on invente un droit inaliénable pour les Français de l’étranger à rentrer sur le territoire national quand cela est nécessaire. Éviter la circulation du virus peut passer par des mesures sanitaires strictes sans pour autant empêcher nos compatriotes d’avoir accès à la France.

 

Je plaiderai pour qu’ils puissent se retrouver rapidement et vivre leur amour pleinement

La question des couples binationaux est également sujette à débat actuellement avec un gel des demandes de laissez-passer pour les couples non-mariés et non-pacsés. Quel est votre sentiment ?

A plusieurs reprises, j'ai interpellé le Gouvernement sur la question de ces couples binationaux se trouvant séparés depuis le début de la pandémie suite à la fermeture totale de certaines frontières.

Des dizaines de couples, souvent franco-algériens, se trouvent malheureusement séparés, créant des situations humaines parfois dramatiques. En effet, éloignés de leur moitié, ces couples vivent une souffrance silencieuse, une souffrance injuste, une souffrance violente… Je tenais à le rappeler, je plaiderai pour qu’ils puissent se retrouver rapidement et vivre leur amour pleinement !

Afin de donner plus de visibilité et de consistance à cette problématique, j’ai proposé à ceux qui me suivent sur les réseaux sociaux et qui sont touchés par cette problématique de remplir un formulaire afin que leurs cas puisse être transmis aux différents ministères compétents. Espérons que la situation se débloque rapidement !

 

Vous venez de lancer une plateforme d'échanges avec les Français de votre circonscription. Qu'en attendez-vous ?

Cette plateforme d'échanges comprendra :

  • Une plateforme sous forme de messagerie instantanée dédiée aux échanges entre les Français établis à l'étranger permettant d'interagir directement grâce à la connexion directe avec mon équipe parlementaire.

 

  • Un accès à un formulaire de demande urgente permettant de me transmettre une situation difficile directement, afin que celle-ci puisse être étudiée dans un délai de 48 heures.

 

  • Un suivi de mon activité quotidienne (activité législative à l'Assemblée nationale, déplacement en circonscription à la rencontre des Français qui y sont établis, échanges avec les différents ministres, politiques ou institutionnels...).

 

  • Permettre l’accès à de nombreuses informations pratiques relatives à la vie quotidienne des Français établis dans les zones du Maghreb et de l'Afrique de l'Ouest (éducation, santé, retraite...).