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Anne Genetet : « Ce qui compte véritablement, ce sont les actes »

Anne genetet Anne genetet
Écrit par Némo Empis
Publié le 27 octobre 2020, mis à jour le 27 octobre 2020

De l’actualité tendue aux problématiques de mobilité internationale en passant par la situation des entrepreneurs à l’étranger, Anne Genetet, députée des Français d’Asie, d’Océanie et d’Europe Orientale nous répond sans langue de bois.

Après le drame survenu à Conflans-Sainte-Honorine, vous avez qualifié les enseignants d’« autres héros du quotidien ». Quelle a été votre première réaction quand vous avez appris la nouvelle ?

J’ai ressenti de l’horreur et de l’effroi. De l’horreur sur le crime en lui-même qui est absolument abominable. J’ai tout de suite eu une pensée pour la famille de Samuel Paty, pour ses proches. Et de l’effroi, de constater qu’il y a un projet de mettre à bas ce à quoi nous tenons le plus en France. Après un prêtre, des militaires, des gens qui font la fête, des musiciens, maintenant c’est à un enseignant qu’on s’attaque, et de la pire des manières. L’enseignement est probablement ce qui incarne le mieux notre nation, il est l’un des fondements de notre devise : Liberté, Égalité, Fraternité.

En tant qu’expatriée, ce n’est pas toujours évident de prendre la pleine mesure de la gravité de la situation. En ce moment je suis bloquée en France donc j’ai pu le faire, et c’est effrayant ! Il va falloir apporter à ces actes une réponse magistrale, une réponse qui ne laisse aucune place à l’exception, à la compassion ou à l’excuse. J’aimerais croire que cet épouvantable drame aide la communauté éducative et les citoyens que nous sommes à s’emparer du sujet, parce que tous les milieux sont concernés. Pour ce qui est des enseignants, il est nécessaire de libérer leur parole et de leur donner davantage de moyens pour former les futurs citoyens. Je sais que Jean-Michel Blanquer s’y attèle depuis sa prise de fonction au ministère de l’Éducation nationale.

Vous insistez beaucoup sur l’utilisation des outils numériques. Vous avez d’ailleurs assuré des permanences virtuelles plus régulières pendant la crise du Coronavirus, en quoi était-il important pour vous de rester proche des Français de votre circonscription ?

Cela fait depuis trois ans et le début de mon mandat que j’assure une permanence virtuelle mensuelle via des Facebook live, des visioconférences. J’y tiens parce que je ne peux pas être partout à la fois et donc assister à l’ensemble des réunions publiques. Je crois que ce sont vraiment des outils dont la démocratie doit s’emparer. Bien entendu, je ne balaye pas d’un revers de manche les questions de sécurité et de cyber sécurité. Mais ce sont des outils qui permettent le débat. Je peux disposer des ressentis des mes concitoyens et par exemple, m’expliquer sur certaines prises de position. C’est extrêmement enrichissant d’un côté comme de l’autre. J’ai récemment vu Stanislas Guerini, délégué général de La République en Marche, procéder à sa permanence en utilisant un outil de visioconférence, c’est la méthode qu’il a choisie en raison du couvre-feu.

L’exemple de nos Alliances Françaises est également intéressant. En reprenant avec de l’enseignement à distance dans les pays étrangers, elles ont pu toucher de nouveaux apprenants de la langue française qui sont géographiquement trop loin de leur alliance pour s’y rendre. En tant qu’élus, cela doit constituer une source d’inspiration pour aller chercher des nouveaux administrés, bien souvent trop loin de nous ou alors dans l’incapacité de se déplacer. Ces outils numériques nous donnent la possibilité d’aller au plus près du plus grand nombre de nos concitoyens.

Quelle déception de voir que l'Europe ne répond pas sur le plan du droit du citoyen

Vous êtes très engagée dans les problématiques de mobilité internationale, nous vous avons notamment vu militer via le hashtag #LoveIsNotTourism depuis les fermetures de frontières, êtes-vous satisfaite de l’issue pour les couples binationaux ?

Il y a eu récemment une simplification de la procédure qui a permis de délivrer un certain nombre de laissez-passer. Néanmoins je sais que tous n’ont pas été donnés ou ont été refusés pour différentes raisons. Je veux pouvoir faire confiance à nos consulats qui instruisent ces demandes. Il me parait impossible qu’un seul de nos agents ait envie de porter tort ou de faire du mal à ces couples. Ils ne font que répondre à des instructions qui leur sont données par le ministère de l’Intérieur. Ce dernier émet beaucoup de réserves, et met finalement des bâtons dans les roues pour des raisons que je n’explique pas. Pour moi, elles ne sont pas conformes aux valeurs que défend la France.J’entends bien que Beauvau veuille à tout prix éviter les risques d’immigration illégale mais ceux-ci me semblent tout à fait restreints et marginaux.

J’ajoute également que je suis indéfiniment déçue que l’Europe ne soit pas au rendez-vous concernant le cas des ressortissants européens présents en France. Il y asur notre territoire des Allemands, Autrichiens, Néerlandais, Espagnols etc., qui ont des conjoints mexicains, chinois ou congolais et qui se voient refuser des retrouvailles. Si l’Europe démontre sa capacité à travailler ensemble sur le sujet de la pandémie et sur un tas d’autres sujets notamment économiques ; quelle tristesse, quel découragement et quelle déception de voir qu’elle ne répond pas sur le plan du droit du citoyen.

Vous aviez d’ailleurs déposé un rapport sur la mobilité internationale auprès de l’ancien Premier ministre, Édouard Philippe, qu’est-ce qui en a découlé ?

Au moment où les rapports sont déposés, tout le monde vous complimente, c’est formidable, mais ce qui compte véritablement, ce sont les actes. Plusieurs de mes propositions ont été reprises, c’est une bonne chose. Mais je pense à deux d’entre elles qui n’avaient pas été prises en compte immédiatement. La première concernait la création d’une plateforme téléphonique unique et centralisée vers laquelle seraient redirigés tous les appels vers nos consultas. 90% des appels des consulats sont les mêmes, que ce soit celui de Brazzaville, de Minsk, ou de Canberra. Ce projet était vaguement à l’étude. Mais d’un coup avec la crise pandémique et le volume de travail qu’ont du gérer nos consulats, cette plateforme est apparue comme une nécessité absolue. Donc je suis ravie de voir qu’au projet de loi de finances 2021 que nous venons de voter, cette plateforme a le budget suffisant pour être développée, elle sera ouverte pour tous les pays européens début 2021 et généralisée à l’ensemble du monde à l’été prochain.

Reste la deuxième proposition. Tous nos ressortissants ont la recommandation forte de s’inscrire sur le registre consulaire, mais si vous êtes touriste ou voyageur, il faut vous rabattre sur une autre plateforme distincte, Ariane. Cette plateforme permet à nos autorités - c’est une excellente chose - de savoir où vous êtes en cas de problème, et de localiser un certain nombre de Français.Seulement Ariane est trop rigide, une fois que vous avez quitté un pays, elle ne vous permet pas de revenir sur la plateforme pour indiquer que vous avez changé d’endroit ou que vous êtes simplement rentré en France. Cela a posé des problèmes de logistique et de suivi des dossiers à nos consulats. J’avais donc proposé la mise en place d’une application mobile qui permette aux consulats et au ministère des Affaires étrangères d’envoyer des notifications et de savoir où vous êtes, si tant est que vous acceptiez la géolocalisation. Aussi, le citoyen, à partir de l’application, pourrait signaler un changement d’endroit. À partir de là, un vrai dialogue peut s’instaurer à travers votre compte personnel. Je regrette que cela ne soit pas encore mis en place, c’est pour moi une urgence !

Votre amendement sur la fiscalité des non-résidents a été récemment adopté, que-ce que cela va changer, concrètement ?

Pour le contribuable, cela ne change rien au montant d’impôts qui restera strictement identique à celui qu’il payait jusqu’à maintenant, c’est ce que je voulais. Cet amendement est une simplification pour l’administration fiscale uniquement. Elle peut maintenant associer, dans une même technique de collecte de l’impôt, une retenue à la source d’un côté, et un prélèvement à la source de l’autre.

Les entrepreneurs français de l'étranger ne sont pas assez considérés !

L’aide aux entrepreneurs aurait pu être intégrée au projet de loi de finances 2021, ça n’a pas été le cas, que proposez-vous à ces entrepreneurs ?

 Nos entrepreneurs français à l’étranger sont extrêmement nombreux mais il est difficile de savoir combien ils sont exactement. Ils ont des statuts très différents. Mais tous apportent de la valeur ajoutée à la marque France. Je sais que beaucoup souffrent en ce moment. Hélas aujourd’hui, c’est très compliqué de débloquer des aides financières.Les solutions sont inexistantes parce que les autorités françaises nous bloquent systématiquement.Je proposerai donc une loi dans les prochains jours qui concernera la création d’un label. Celui-ci permettra d’identifier et de rendre visible ces entrepreneurs qui contribuent à valoriser l’image de la France. Si nous parvenons à être convaincants, cette aide aux entrepreneurs pourrait être intégrée au projet de loi de finances rectificative 4, pour 2021.

Dans le même temps, je travaille également avec des acteurs comme l’Agence Française de Développement (AFD) pour essayer de faire en sorte que les garanties de prêt qui vont être octroyées à des entreprises basées en Afrique - à la demande du président de la République - puissent être également étendues à des entreprises basées en Asie. Dans tous les cas, les entrepreneurs français de l’étranger ne sont pas assez considérés.

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