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Alexandre Holroyd : « 50.000 passeports n’ont pu être délivrés »

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Écrit par Déborah Collet
Publié le 16 juillet 2020, mis à jour le 18 juillet 2020

Durant le confinement, un certain nombre de passeports et de cartes d’identité n’ont pas pu être délivrés auprès des Français de l’étranger et ce à cause de la fermeture des consulats. Alexandre Holroyd, député de la 3e circonscription des Français de l’étranger, a présenté devant la Commission des Affaires étrangères un rapport sur les conditions de délivrance des passeports à l’étranger pendant la crise sanitaire. Nous avons souhaité l’interroger pour qu’il nous éclaire sur ses recommandations pour répondre à l’urgence actuelle et améliorer le processus de délivrance de titres d’identité et de voyage à l’étranger.

 

Des milliers d’expatriés français se retrouvent désormais sans titre d’identité valide.

 

Comment la crise a impacté la mission de délivrance de titres d’identité et de voyage du réseau consulaire ?

La crise sanitaire a impacté toutes les étapes du processus de délivrance des passeports et des documents d’identité, ce que nous appelons les titres d’identité et de voyage (TIV) à destination des Français de l’étranger. En tant que Français vivant à l’étranger, vous devez vous rendre au consulat pour demander un passeport ou une carte d’identité. Durant deux mois, les passeports ont continué à périmer pendant que les Français de l’étranger n’avaient pas les capacités de déposer une demande. Chaque dossier est traité par des agents consulaires par le biais d’outils informatiques intégrés. La même problématique revient alors puisque plusieurs consulats ont été fermés. Il n’y a pas donc pas eu de traitement de dossier. Le document est produit en France puis acheminé jusqu’au consulat. Pendant la crise sanitaire, il y a eu des difficultés de transports et d’acheminements des passeports et des cartes d’identité. De ce fait, 50 000 passeports n’ont pas pu être délivrés.

Des milliers d’expatriés français se retrouvent désormais sans titre d’identité valide. Aujourd’hui, certains consulats sont sur le point de rouvrir, mais comme pour toute entreprise avec des mesures de distanciation sociale nécessaires. Dans les grands consulats, vous ne pouvez pas avoir autant de "rendez- vous" que vous le souhaitez que ce soit pour un dépôt de titre d’identité ou pour la remise. Le rythme de délivrance de passeport et de carte d’identité tourne encore au ralenti. Chaque année, le réseau consulaire remet environ 350.000 pièces d’identité dont certains postes presque 20.000. C’est un processus qui ne peut pas être suspendu durant deux mois de l’année sinon vous vous retrouvez avec un dixième de 350.000 pièces d’identité qui ne sont pas délivrées. Il faut rappeler que cette procédure est importante, car elle ouvre tous vos droits en tant que citoyens français. Nous observons une situation d’urgence et il faut que nous la résolvions le plus vite possible. Le rapport est composé de pistes d’améliorations favorisant le service rendu aux Français à l’étranger en améliorant l’aspect sécurité. Par ces recommandations, nous en profitons pour moderniser et accélérer la procédure de délivrance des titres d’identité et de voyage.

 

Au lieu de partir de France pour aller au consulat et ensuite repartir vers l’utilisateur, les titres d’identité et de voyage pourraient partir directement de l’Imprimerie nationale.

 

Quels moyens proposez-vous pour assouplir la procédure de délivrance des titres d’identité et de voyage (TIV) au profit des Français de l’étranger ?

Le premier moyen utilisé est l’envoi des titres d’identité et de voyage sous pli sécurisé. Aujourd’hui, c’est une modalité d’envoi à développer. Votre passeport est envoyé par la poste et vous pouvez l’utiliser directement. Jusqu’ici, 5 % des Français de l’étranger utilisent cette modalité d’envoi. Les passeports accumulés pendant la crise sanitaire, qui n’ont pas pu être délivrés aux expatriés français doivent être envoyés par pli sécurisé à celles et ceux qui en ont fait la demande. Selon nous, l’État devrait prendre à sa charge ces envois. Grâce à cette modalité, nous pourrions écouler le stock existant et permettre de libérer des agents consulaires. Ils pourraient se porter vers d’autres tâches et aider à rattraper le retard.

Nous devrions nous pencher sur la recommandation forte d’envoi direct des passeports depuis l’Imprimerie nationale vers le domicile des demandeurs. Nous recommandons de l’expérimenter en premier lieu à l’échelle des trois principaux postes consulaires de Londres, de Genève et de Bruxelles. Au lieu de partir de France pour être acheminés au consulat et ensuite repartir vers l’utilisateur, les titres d’identité et de voyage pourraient partir directement de l’Imprimerie nationale où ils sont créés vers l’utilisateur. Nous sauvegarderions du temps et des ressources puisque nous avons beaucoup d’agents consulaires remarquables, mais qui prennent de nombreuses heures pour remettre ces enveloppes. Nous essayons de suggérer aux Français de l’étranger de choisir cette modalité par défaut puisque c’est la modalité la plus simple.

 

Aujourd’hui, les envois des passeports dans 36 pays ne passent déjà plus par la valise diplomatique.

 

Les passeports passent-ils tous par la valise diplomatique ?

Aujourd’hui, les envois des passeports dans 36 pays ne passent déjà plus par la valise diplomatique dont les trois postes consulaires de Londres, de Genève et de Bruxelles. La valise diplomatique est utilisée pour un certain nombre de pays où il y a moins de demandes en général ou qui ne répondent pas à certains critères comme, par exemple, celui du circuit de sécurité de fret. Pour envoyer un titre d’identité et de voyage par le biais d’un prestataire, il faut être sûr que le pays en question ait une sécurité de fret et que toutes les conditions d’acheminements sont bien remplies. De nos jours, cet envoi est déjà réalisé par un partenaire commercial pour une grande partie des pays. Dans le cadre de la valise diplomatique, les passeports peuvent être également envoyés par un grand transporteur international. Nous souhaitons expérimenter cette proposition pour le consulat de Londres, de Genève et de Bruxelles.

Si nous arrivions à généraliser ce type d’envoi, nous libérerions une immense ressource pour le consulat puisque c’est un peu moins de 40 % des titres d’identité qui sont versés dans le réseau consulaire. Nous pourrions aider d’autant plus les petits postes qui eux n’ont pas accès à tous les moyens de transport pour traiter les dossiers le plus rapidement possible. Si l’envoi direct des passeports de l’Imprimerie nationale vers le domicile des demandeurs avait été mis en place avant la crise sanitaire, il n’y aurait pas aujourd’hui autant de stock de passeports dans les grands consulats.

 

Nous aimerions que la procédure de pré-demande soit étendue et utilisée par les Français de l’étranger.

 

Comment moderniser les outils informatiques utilisés par les consulats ?

Un Français qui fait renouveler son passeport en France peut accélérer énormément le processus en passant par un système de renouvellement. Il y a une procédure de pré-demande en ligne qui existe pour la métropole. Nous aimerions que la procédure de pré-demande soit étendue et utilisée par les Français de l’étranger. Il y a des outils informatiques que je décrirais comme "non-stratégiques" ou comme purement pratiques. Par exemple, pour prendre rendez-vous auprès des consulats afin de faire votre demande, l’outil en ligne n’est pas très performant. De nombreux utilisateurs et des agents consulaires nous ont confié que cet outil est compliqué à utiliser et qu’il n’est pas ergonomique. Laissons la liberté aux grands consulats de faire appel à un prestataire extérieur. Je suis persuadé qu’un certain nombre de consulats n’auront pas ce problème, car si vous êtes un consulat où vous avez 5 à 6 rendez-vous par jour, ce n’est pas la même demande qu’un consulat qui en a 200 ou 300 par jour. Nous devons mettre de la flexibilité dans ce système pour que chaque consulat puisse avoir un outil à disposition, le plus efficace pour son activité.

Une autre catégorie apparait : celle des outils extrêmement sécurisés, notamment ceux du ministère de l’Intérieur et ceux qui établissent une interaction entre les outils du ministère de l’Intérieur et le parc informatique du Quai d’Orsay. Aujourd’hui, il y a de nouveaux postes au Quai d’Orsay qui ne fonctionnent pas bien avec les applications du ministère de l’Intérieur. Pour l’améliorer, il faut qu’il y ait plus de coordination et un travail de l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) et de la part du ministère de l’Intérieur. Pour que ces outils fonctionnent correctement au sein des consulats, il faut qu’ils soient correctement mis à jour.  C’est une fonction purement régalienne et il y a énormément d’enjeux, de sécurité et de vie privée derrière, il n’y aura donc jamais de recommandation pour externaliser ce processus.

 

Apporter un soutien aux effectifs consulaires est essentiel.

 

Envisagez-vous d’apporter un soutien aux effectifs consulaires qui sont depuis plusieurs années réduits ?

Nous pensons qu’apporter un soutien aux effectifs consulaires est essentiel. La Commission des Affaires étrangères a adopté, mercredi 8 juillet, les recommandations concernant le réseau consulaire et la situation de post Covid-19 qui détaillent cette mesure. Cette mesure rentre dans   le cadre du travail de plus longue haleine du réseau consulaire. Nous parlons dans notre proposition exclusivement des titres d’identité et de voyage, or, un consulat remplit toutes sortes de fonctions différentes. Sur cette question des cartes d’identité et des passeports, nous pensons qu’en modernisant quelques processus, nous pourrions libérer du temps pour les agents consulaires afin qu’ils puissent travailler sur d’autres tâches. Évidemment, cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas besoin d’un renforcement des effectifs consulaires. Cette mesure permettrait aux agents consulaires d’être réaffectés vers des tâches où ils peuvent aider la communauté locale de façon plus efficace.