La Syrie revient sur le devant de la scène internationale, moins d’un an après la chute du régime de Bachar al-Assad, le 8 décembre 2024. Présent au Brésil à l'occasion de la COP 30, le chef d’état de transition Ahmed al-Charaa a rencontré le président américain Donald Trump pour obtenir une levée des sanctions économiques de la Syrie. La reconstruction du pays en dépend.


Depuis le 15 mars 2011 la Syrie était en proie à une guerre civile après l’échec du soulèvement de la famille Assad lors des printemps arabes. Émane près de 14 ans de guerre civile entre les partisans de la dictature Assad et les groupes rebelles composés de minorités ethniques et religieuses. Le 8 décembre 2024, les groupes rebelles mettent fin à plus de 60 ans de règne de la famille Assad. La Syrie est sortie de 14 ans de guerre, dans laquelle près de 14.700 enfants ont été tués ou blessés, selon l’UNICEF. Le pays est dans une situation de précarité extrême ou près de 90% des enfants ont besoin d’une aide humanitaire, d’après l’ONU. Après la fuite de Bachar Al-Assad, le chef d’un des groupes rebelles ayant permis la chute du régime, Ahmed Al-Charaa, prend le pouvoir et devient président à titre provisoire en janvier 2025.
Syrie: l'ONU lève ses sanctions contre le président Ahmed al-Charaa
— RFI (@RFI) November 7, 2025
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Novembre 2025, visite d’Ahmed al-Charaa aux Etats-Unis
Le 7 novembre 2025, Ahmed al-Charaa et son ministre de l’intérieur atterrissent aux Etats-Unis pour assister, dans la foulée, à la COP 30 au Brésil. Un voyage possible suite à la levée des sanctions personnelles par l’ONU, qui les ciblaient jusqu’à présent. Présent sur une liste visant les individus et groupes liés à l’organisation Etat islamique et à Al-Qaida, le chef d'État syrien était soumis à une interdiction de voyage.
Cette levée des sanctions personnelles d’Ahmed al-Charaa a entraîné une rencontre avec le président Donald Trump lundi 10 novembre 2025 à Washington. C’est la première fois depuis 1946, qu’un chef d'État syrien rencontre son homologue américain. Cette entrevue a été organisée dans un objectif de reconstruction après la dictature Assad et quatorze ans de guerre dans le pays.
Une levée des sanctions économiques de la Syrie non sans difficultés
Le principal enjeu de cette visite est la levée des sanctions économiques, critère primordial pour la reconstruction de la Syrie. « Les enjeux de cette rencontre sont la levée des sanctions économiques et la certitude ou l'engagement de la Syrie à collaborer avec les États-Unis et les occidentaux pour la lutte djihadiste, explique Roula Merhej analyste géopolitique du Moyen-Orient d‘origine syrienne. Ce sont les deux points essentiels qui vont être scellés. Je pense que le président al-Charaa n’a pas le pouvoir de dire “non je ne vous aiderai pas”.»

Les sanctions économiques prises à l’encontre du régime de Bachar al-Assad en 2019, interdisent les investissements, les transactions en dollar et privent la Syrie du système bancaire international.
La levée des sanctions ne peut se faire sans certaines conditions, comme une collaboration antiterroriste et une signature (même discrète) des accords d’Abraham avec Israël, « Il faut lire entre les lignes. La Syrie va signer un accord avec Israël, ce n'est pas possible autrement, précise Roula Merhej. En revanche, le président ne va pas forcément le dire parce qu'il ne faut pas que la population se révolte. C’est une forme de double jeu.»
Les accords d’Abraham portent le nom du prophète des trois religions monotéiste, le judaisme, le christianisme et l’islam. En septembre 2020 à l’initiative de Donald Trump, plusieurs traités de paix ont été signés entre les Emirats arabes unis, Bahreïn et Israël notamment. Ils incluent la reconnaissance de l'État d’Israël par ces pays.
Roula Merhej évoque une lucidité au sujet d’un accord avec Israël, « la signature de paix sera la seule issue pour qu'une jeunesse puisse avoir un avenir. Aucun pays au Moyen-Orient ne peut prétendre à vivre en paix s'il n'y a pas de signature des accords d'Abraham. Ce n’est pas possible.»
La place stratégique de la Syrie dans la région
Les enjeux sont importants pour la Syrie qui occupe une place géographique essentielle. Véritable équilibre de la région et du Moyen-Orient, le pays est un carrefour entre l’Asie, l’Europe et le monde arabe.
"Il faut qu'il montre à la communauté internationale qu'il est en train de faire un effort d'inclusion et d'ouverture."
Les grandes puissances mondiales pourraient bénéficier du lever des sanctions de la Syrie car le pays est « une route stratégique d'un point de vue du gaz, énergétique et militaire » , continue l’analyste du Moyen-Orient. « Tant que les sanctions économiques ne seront pas levées, il ne peut pas y avoir de construction, parce qu'il n'y aura pas d'investissement.» Une reconstruction qui ne peut pas se faire sans l’aide et la reconnaissance de puissances internationales.
Les récentes élections représentent un enjeu essentiel en matière d’inclusion pour la Syrie. Lors du mois d’octobre 121 sièges sur 210 ont été pourvus. Un début démocratique fragile en raison de l'absence de recensement, des électeurs déplacés (13 millions) ou encore des régions inaccessibles ou instables dans lesquelles le vote n’a pas pu avoir lieu.
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Le président a une marge de manœuvre pour nommer les sièges restants. Cette stratégie politique permet de composer un équilibre sans passer par les urnes. « Est-ce qu'il va nommer plus de femmes, plus de minorités ainsi que les différentes communautés religieuses pour qu’elles soient plus représentées ? questionne Roula Merhej. Il faut qu'il montre à la communauté internationale qu'il est en train de faire un effort d'inclusion et d'ouverture.»
La diaspora syrienne, une des clés de cette reconstruction ?
La population syrienne est estimée à 22 millions de personnes, bien qu’il n’y ait pas eu de recensement depuis une trentaine d’années, dont 13 millions ont quitté le pays pour fuir la guerre. La diaspora syrienne est composée d’une part d'opposants à l’ancien régime Assad, ainsi que de réfugiés politiques et économiques. « Les immigrés ne vont pas revenir en Syrie tant qu'il n'y a pas de stabilité, continue Roula Merhej. Celle-ci passe par la reconstruction des infrastructures et des institutions qui, avec le régime Assad, ont complètement été vidées.»
La communauté syrienne est dans l’attente. La méfiance règne autour d’un potentiel nouveau régime autoritaire. Cette crainte dépasse les frontières syriennes et empêche l’abandon total des sanctions économiques envers la Syrie par les parlementaires américains.
La décision de réprimer la Syrie avait été prise par le Congrès en 2019 et le président Donald Trump ne peut pas seul les abandonner. Suite à leur rencontre, le chef de la Maison Blanche a octroyé, mardi 11 novembre 2025, un sursis de 180 jours au Président Ahmed al-Charaa.
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