Suppléante de la 6ᵉ circonscription des Français de l’étranger depuis juin 2022, Marie-Ange Rousselot devient la députée des Français de Suisse et du Liechtenstein. Elle reprend le poste de Marc Ferracci après sa nomination en tant que ministre délégué de l’Industrie. Lors un entretien accordé pour lepetitjournal.com la nouvelle députée est revenue sur sa prise de fonction inattendue, sa binationalité et sa volonté de faire avancer le débat sur le suicide assisté.
Marie-Ange Rousselot a grandi en Suisse dans le canton de Genève, où elle réside et dirige une entreprise familiale depuis 2018. Après une expérience politique en tant que conseillère municipale de la ville de Touques en Normandie et membre de l’équipe parlementaire de la députée de la 3ème circonscription de Haute-Garonne en 2014, elle s’engage au sein de la République En Marche en 2018 en Suisse et devient référente territoriale en 2019. Elle est élue par les adhérents Présidente de la Fédération des Français de l’étranger de Renaissance en février 2023 et siège au bureau exécutif du parti en tant que déléguée fonctionnelle en charge des Français de l’étranger. Elle a mené plusieurs campagnes pour les élections européennes, consulaires, sénatoriales et présidentielle auprès des Français établis hors de France.
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Vous prenez la suite du député Marc Ferracci, nommé ministre délégué de l’Industrie. Vous attendiez-vous à cette prise de fonction ?
Lorsque je suis devenue la suppléante de Marc Ferracci, je me suis préparée à devoir prendre sa place bien que je ne m’y attendais pas dans le gouvernement actuel. Je suis ravie pour lui de cette nomination et pour nous, pour les Français de l'étranger puisqu’il y a deux députés des Français l'étranger qui sont entrés au gouvernement (Anne Genetet devenue ministre de l’Éducation nationale). Il s’agit d’une bonne nouvelle pour la visibilité des enjeux des Français à l'étranger.
Marc Ferracci a toujours l'intention de s'intéresser à la 6ᵉ circonscription des Français de l’étranger, je travaille donc en concertation avec lui, dans un premier temps, pour faire la passation des sujets qu'il a mis en avant et initié, notamment sur les questions transfrontalières. Il y a une intention de continuité entre son mandat et le mien.
Quel est votre ressenti sur le gouvernement nommé par Michel Barnier ?
Nous ne nous attendions pas à un tel gouvernement lorsque nous avons voté en 2022 et en 2024. Mais nous ne nous attendions pas non plus à avoir une telle composition de l'Assemblée, qui est complètement inédite. Je fais partie de ceux qui regrettent que la gauche de gouvernement n'ait pas souhaité entrer en discussion pour essayer de trouver une coalition la moins minoritaire possible. Aujourd'hui, nous sommes forcés d'avoir une approche pragmatique avec le gouvernement avec un espoir qu'il réussisse à faire passer des textes, notamment liés au budget. Ensuite nous avons des partenaires multiples avec qui nous essayons de trouver un terrain d'entente sur un certain nombre de directions.
Sophie Primas est nommée ministre déléguée du Commerce extérieur et des Français de l'étranger. Quel est votre sentiment sur cette nomination ?
Je ne la connais pas vraiment donc j'attends de voir. Nous avions une très bonne relation avec ses prédécesseurs, Franck Riester, Olivier Becht et Jean-Baptiste Lemoyne. Concernant les Français de l'étranger, il faut être objectif. Il y a des enjeux qui sont profondément trans-partisans. Donc, le fait qu'elle vienne d'une autre formation politique ne m'inquiète pas particulièrement et je pense que nous allons pouvoir travailler en bonne entente pour l'intérêt des Français de l’étranger. En règle générale, nous parvenons à trouver des points de convergences pour avec les autres partis sur la plupart des enjeux qui concernent les Français de l’étranger.
Merci à @sophieprimas, Ministre déléguée en charge des FDE, pour son accueil et son écoute ce matin.
— Marie-Ange Rousselot (@rousselotma) October 16, 2024
Avec mes futurs collègues parlementaires, nous avons eu un échange direct et constructif sur les priorités et les urgences pour nos compatriotes hors de France 🌎🇫🇷 https://t.co/Ikt78GPXsI
Avez-vous prévu d'élaborer votre propre feuille de route ou comptez-vous suivre celle de Marc Ferracci ?
Il se trouve que Marc Ferracci qui est économiste spécialiste du marché du travail, a des sujets de prédilection et d’expertise qui ne sont pas forcément les miens. Néanmoins, concernant les sujets relatifs à la circonscription ou aux Français de l'étranger, nous avons toujours été en phase. Donc je ne reprends pas telle qu’elle est sa feuille de route mais je compte la poursuivre sur certains points.
Marc Ferracci était l'auteur d'une proposition de loi contre les discriminations, notamment dans l'accès à l'emploi et au logement. Comptez-vous poursuivre le projet ?
L'idée générale du texte de loi était de généraliser le testing pour révéler les biais structurels de discrimination dans le but de les corriger et créer un système de mesure. La volonté était aussi de créer un cadre juridique pour donner une véritable valeur au testing. Sans cela, aujourd'hui, les discriminations sont difficiles à évaluer. En raison de la dissolution, le projet n’est plus à l’étude aujourd’hui mais j'adhère complètement à cette proposition de loi contre les discriminations dans l'accès à l'emploi et au logement.
« Je m'inscrirai dans la ligne initiée par Marc Ferracci, à laquelle j'adhère. »
Si elle revient dans l'hémicycle, je la soutiendrai avec force. Je pense qu’il est extrêmement important pour les Français et pour le marché du travail de pouvoir lutter contre les discriminations dans l’accès à l’emploi ou au logement et de le faire de manière proactive. Bien entendu que je le soutiendrai si un tel texte revenait à l'Assemblée.
Qu’est-ce-que le testing ?
Le testing, aussi appelé « test de situation » ou « test de discrimination », est une méthode adoptée en Grande-Bretagne qui consiste à faire constater par huissier des discriminations de tous types. Elle a pour but de comparer l’attitude d’un tiers à l’égard de deux personnes de même profil avec un niveau d’études équivalents, des expériences professionnelles similaires et les mêmes aptitudes relationnelles mais avec une variable différente comme l’origine ethnique, un handicap, la religion, l’âge, le sexe ou l’orientation sexuelle.
Concernant les résidences de repli, Marc Ferracci souhaitait accorder plus d'avantages pour les Français de l'étranger. Quel est votre sentiment sur le sujet ?
Il est extrêmement important pour tous les Français à l'étranger de pouvoir rentrer en France et d'avoir un soutien, surtout pour celles et ceux qui habitent dans des zones à risque mais aussi pour les Français qui partent cinq ou dix ans et reviennent vivre en France. Il faut pouvoir les soutenir avec les résidences de repli qui sont encore à créer puisque le concept est inscrit dans la loi mais il reste à lui donner des droits. Mais nous sommes dans un climat budgétaire contraint et ils seront compliqués à obtenir. Mais cela ne veut pas dire qu'il faut lâcher l'affaire. Il faut absolument se battre.
Quels sont les projets que vous aimeriez mener qui n'étaient pas forcément sur la feuille de route de Marc Ferracci ?
Il y a plusieurs sujets essentiels - qui étaient également au centre des préoccupations de Marc Ferracci en tant que député - tels que l'accessibilité aux services consulaires. J’estime que la dématérialisation de tels services est une priorité essentielle. Nous l'avons vu avec la dématérialisation des procurations, nous devons continuer à pousser en ce sens pour permettre aux Français de l'étranger d’en bénéficier en premier lieu. Si nous voulons résoudre les problèmes structurels d'abstention dans nos circonscriptions et impliquer de nouveau les Français de l’étranger, il est primordial de rendre leurs liens avec l’administration française et les services publics plus simples et plus fluides. Je sais qu'il y a eu une expérimentation sur la dématérialisation des demandes de renouvellement des passeports, nous devons donc analyser comment ces procédures peuvent être désormais étendues.
« Je pense qu'on peut ouvrir notre droit de réfléchir et d'essayer de challenger un petit peu le statu quo »
Y a-t-il d'autres sujets qui vous tiennent à cœur en France ou à l'étranger ?
Il y a le texte - interrompu par la dissolution - qui concerne la fin de vie, essentiel pour moi. En tant que Française de Suisse, je constate les différences avec le système suisse dans lequel le débat est apaisé depuis longtemps, le suicide assisté y étant autorisé depuis 1942. Défendre le droit de chacun de choisir les termes selon lesquels il souhaite partir et faire bénéficier le débat parlementaire de l'expérience suisse me tient beaucoup particulièrement à cœur
En tant que binationale, j'ai grandi, j'ai étudié et je travaille en Suisse et je pense que les députés des Français de l'étranger sont une richesse pour pouvoir comparer les méthodes de pays différents.
“L’éducation est aussi un sujet qui me tient à cœur”
Il s’agit de notre rôle en tant que député des Français établis hors de France de sanctuariser les lignes budgétaires qui touchent directement ou indirectement nos compatriotes à l’étranger. L'enseignement français à l'étranger est essentiel sur tellement de variables. Autant pour l'accès à un enseignement de qualité pour les enfants de la communauté française, mais également pour le rayonnement et l’influence de la France, pour la pérennité du réseau qui bénéficie à tous les Français qui habitent à l'étranger. Il est essentiel de maintenir les financements et de travailler aussi sur le développement de nouveaux types de collaborations bien que nous soyons dans un climat budgétaire très contraint.
Vous êtes députée des Français de l'étranger et binationale, naturalisée depuis votre majorité. Quels sont les principaux défis que rencontrent les ressortissants binationaux aujourd'hui selon vous ?
Comme beaucoup de nos compatriotes à l’étranger, je détiens plusieurs passeports et je considère cela comme une richesse. Deux nationalités, il s’agit de deux cultures, deux identités qui se conjuguent et qui permettent d’avoir un regard extérieur parfois critique et constructif sur un certain nombre d’enjeux. Il peut néanmoins y avoir des défis d’ordre juridiques ou administratifs : par exemple, certaines obligations militaires ou fiscales peuvent entrer en conflit entre les deux pays. Il s’agit de défendre nos concitoyens pour qu’ils ne soient pas pénalisés dans certains cas, notamment à travers une meilleure coopération internationale.
Par ailleurs, nous avons pu voir pendant la campagne des législatives que certains auraient voulu s’en prendre aux binationaux pour leur interdire l’accès à un certain nombre de professions. Ces mesures populistes sont parfaitement scandaleuses et contestables tant sur le plan moral que juridique. Il s’agit de points de vigilance auxquels je serai particulièrement attentive.
Avez-vous déjà pu échanger avec des résidents français en Suisse ou au Liechtenstein ?
J’attends d'être officiellement en poste - le mardi 22 octobre 2024 - pour pouvoir adresser un message aux Français de Suisse et du Liechtenstein pour leur dire qu’il y aura une continuité avec le mandat de Marc Ferracci et que ma porte leur est ouverte. Je compte être extrêmement présente auprès d'eux et pour pouvoir être à l'écoute des besoins de tous nos concitoyens qui habitent en Suisse et au Liechtenstein.
Avez-vous un message à faire passer à nos lecteurs lepetitjournal.com ?
Les Français de l’étranger peuvent compter sur mon engagement total. Je me prépare au poste de député depuis 2022. J’ai de l’expérience, notamment en tant que collaboratrice parlementaire. Je connais le fonctionnement de « la maison » et je suis prête à défendre les sujets. Je serai à disposition de tous les Français qui habitent en Suisse et au Liechtenstein qui ont des bonnes idées, des demandes ou des difficultés. Quels que soient les sujets, ma porte est ouverte.