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Voyager en temps de confinement : « J’ai décidé de tenter ma chance »

Un stewart dans un avion en période de Covid-19Un stewart dans un avion en période de Covid-19
Écrit par Caroline Chambon
Publié le 25 avril 2021, mis à jour le 26 avril 2021

La France est confinée, et pourtant, avions, voitures et trains circulent et sont loin d’être vides. Difficile de croire que ces voyageurs ont tous un motif impérieux. Rencontre avec quelques-uns des petits malins qui ont trouvé la combine pour voyager.

 

Le 2 avril, le gouvernement français publiait un décret limitant les déplacements à un rayon de dix kilomètres autour du domicile. Dans la foulée, le Syndicat des entreprises du tour-operating (SETO) et les Entreprises du voyage (EDV) questionnaient le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères sur la possibilité de voyager à l’étranger. Etant donné que les frontières intra-européennes étaient restées ouvertes, ils pensaient avoir trouvé une faille dans le décret. S’il était possible de se déplacer dans un rayon de dix kilomètres, alors les personnes vivant à moins de dix kilomètres d’un aéroport pouvaient voyager dans l’Union européenne, et ce malgré le confinement. La réponse du ministère a été négative. « Depuis le 3 avril, la sortie du territoire vers un pays de l’espace européen doit être justifiée par un motif impérieux », peut-on lire sur le site du gouvernement.

Cependant, malgré les restrictions dont les raisons sont évidentes, les trains de la SNCF continuent de se remplir et les avions de décoller, loin d’être vides. Il va sans dire que tous les voyageurs n’ont pas de motifs impérieux. lepetitjournal.com a recueilli les témoignages de certains d’entre eux.

 

La « chance » de vivre dans une zone frontalière

Il y a tout d’abord les « chanceux », ceux qui habitent à côté d’un pays dont les restrictions sont moindres. C’est le cas de Justine* et de ses parents, qui vivent aux alentours de Lyon. « Mes parents ont pu partir aux Maldives via la Suisse. Ils habitent à moins de 30 kilomètres de la frontière, donc ils ont théoriquement le droit de passer sans PCR », relate-elle. Si elle a opté pour une destination moins exotique, Justine a également pu circuler sans problèmes. « Pour ma part, j’ai fait plusieurs fois Lyon-Genève et Lyon-Lausanne sans aucun contrôle. Il n’y a pas de restrictions aux frontières suisses. », conclut-elle.

 

Un voyageur dans un aéroport

J’ai décidé de tenter ma chance à l’aéroport même sans motif impérieux

 

Tenter sa chance, quitte à se faire arrêter aux frontières

Tenter le tout pour le tout… c’est ce que certains ont choisi de faire. « Je suis parti trois semaines au Portugal sans problème. J’y suis encore. J’ai décidé de tenter ma chance à l’aéroport même sans motif impérieux », raconte Antoine, étudiant, actuellement en stage à distance. « J’ai prévu un test PCR et je n’ai eu aucun souci à Roissy. En arrivant au Portugal, j’ai simplement dû montrer le PCR », ajoute-t-il. L’audace semble donc payer, de temps à autres.

Alice a opté pour une technique similaire. « J’ai simplement fait mon test. En arrivant à Madrid, j’ai présenté mon PCR, mais je n’ai pas eu plus de contrôle que cela. », explique-t-elle.

 

Lorsque je suis allée en Grèce et en Italie, je ne remplissais tout simplement pas les formulaires dans l’avion

 

User de sa créativité pour trouver des combines

Parmi les témoignages recueillis, certains rivalisent d’ingéniosité. Marine est celle qui a le palmarès le plus impressionnant. « Je voyage depuis juin 2020. Je suis fixée officiellement en Afrique depuis quelques mois, mais j’y suis arrivée en septembre. Depuis tout ce temps, j’ai voyagé en Italie, en Grèce, en Tunisie, en Côte d’Ivoire et en Martinique. Tout cela, sans avoir réellement de motif. J’ai échappé plus ou moins bien aux contrôles, même si je sais que ce n’est pas très bien… », assume-t-elle. Comment a-t-elle réussi à éviter tant de fois les contrôles ? « Lorsque je suis allée en Grèce et en Italie, je ne remplissais tout simplement pas les formulaires dans l’avion. Ou alors, je le remplissais mais sans mes véritables coordonnées… Si possible, je ne le donnais pas aux hôtesses. Je faisais semblant de dormir, ou je disais l’avoir déjà rendu. Du coup, à la sortie, je n’étais jamais listée sur les contrôles : pas de documents, pas de tests ni de quarantaine. », explique-t-elle. Ces voyages datent d’il y a quelques mois déjà. « Bien sûr, ça, c’était avant qu’ils exigent les tests avant le départ. », s’empresse-t-elle d’ajouter. « Depuis, je fais mes tests comme exigé et mon motif est simple : je dis toujours que je rentre chez moi, quelle que soit ma destination. »

Si certains n’ont pas vu aussi grand que Marine, ils ont tout de même fait marcher leur imagination pour sortir des frontières françaises. Comme Anna, bien qu’elle se soit finalement rétractée. « Avec Sophia, nous avions prévu de partir en Italie deux semaines plus tard, et nous avions fait une attestation d’Erasmus, c’est-à-dire une lettre d’acceptation modifiée avec Photoshop. Nous n’y sommes finalement pas allées, mais je pense que ça aurait marché. », affirme-t-elle. Un véritable commerce de faux PCR, attestations et justificatifs de toutes sortes, s’est en effet mis en place.

 

Des passants dans les rues de Rome

 

Je vais fréquemment en Allemagne car mon copain y habite en ce moment

 

L’Allemagne permet aux couples vivant séparément de se retrouver

Sarah, elle, a appris à se faufiler entre les frontières de la légalité. « Je vais fréquemment en Allemagne car mon copain y habite en ce moment. », explique-t-elle. Elle vit en région parisienne. « En soi, nous respectons les règles, c’est juste que nous trouvons les failles dans les règlements qui nous arrangent pour se voir sans faire de quarantaine. », ajoute-t-elle. Etudiante à Lille, elle a réussi à s’y rendre, pour ensuite prendre le train jusqu’à Bruxelles. « J’avais étudié toutes les législations de la Belgique et de l’Allemagne. Il était possible de rentrer en Belgique si l’on était en transit. J’ai donc prix un train à Bruxelles pour l’Allemagne », raconte-t-elle. « Ça, c’était en mai dernier, lorsque les frontières étaient encore fermées. Il était possible de se rendre en Allemagne pour visiter son conjoint. Depuis, nous avons trouvé quelques failles », poursuit-elle.

« Aujourd’hui, pour aller en Allemagne il faut un test PCR de moins de 48 heures. Je prends le train, dans lequel il faut faire une déclaration d’entrée sur le territoire allemand. Lorsque je reste moins de 72 heures, je le déclare, ce qui me permet d’éviter la quarantaine. Il est possible de visiter son partenaire ne vivant pas sous le même toit sans quarantaine si l’on reste moins de 72 heures. Il faut faire une déclaration à la mairie en arrivant. », détaille-t-elle. Dans son cas, Sarah va réellement visiter son copain. « Je suppose qu’il est possible de faire semblant, car personne ne vient vérifier à l’adresse », avance la jeune fille. « Pour faire le trajet de l’Allemagne à la France, il faut un test PCR. Mais cela coûte 150 euros en Allemagne et l’amende en France est de 130 euros, donc je ne fais pas le test, ou alors je fais un test antigénique. Tout est écrit en allemand, les policiers ne comprennent en général pas et lisent simplement la mention « négatif ». J’ai déjà présenté le même test au retour qu’à l’aller. » L’étudiante ne fait pas réellement cas de la limite des dix kilomètres, faute de contrôles conséquents.

 

J’ai réussi à quitter l’Union européenne pour le Maroc le 3 mars grâce à un contrat de volontariat

 

Les voyages hors de l’Union européenne semblent plus encadrés

A moins de présenter un justificatif, comme Adrien, les voyages en-dehors des frontières européennes semblent être plus contrôlés. « J’ai réussi à quitter l’Union européenne pour le Maroc le 3 mars grâce à un contrat de volontariat », raconte Adrien.

Avoir un justificatif, un atout que Marine ne possédait pas. Après avoir voyagé dans plusieurs pays, le karma l’a, pourrait-on dire, rattrapée. « Il n’y a eu qu’en Tunisie où j’ai eu quelques aléas. J’ai finalement dit que je venais m’y installer et ils m’ont demandé de présenter mes comptes en banque… et m’ont finalement mise en quarantaine à mes frais. »

 

* Tous les prénoms ont été modifiés

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