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Fanny fait un tour du monde avec ses enfants : « On ne peut se reposer sur personne »

Fanny a un rêve et une famille. Elle a combiné les deux en réalisant un tour du monde avec ses enfants. Originaire d’Alsace, elle décolle de Francfort le 3 janvier 2024, avec Emma, 9 ans, et Arthur, 7 ans. Le voyage devait durer un an. Mais, les imprévus de la route en ont décidé autrement : « Les enfants sont rentrés début août, et moi le 20 septembre », raconte-t-elle.

Mont TeurafaatiuMont Teurafaatiu
Mont Teurafaatiu, Maupiti, Polynésie © Fanny Faessler
Écrit par Mélanie Pierre
Publié le 28 mai 2025, mis à jour le 6 juin 2025

 

Embarquée dans le tourbillon de la vie, une carrière, un mariage, des enfants, une entreprise, un divorce, puis le calme presque brutal, Fanny se dit en 2022 « qu'est-ce que je fais maintenant ? Je me sens inutile, je m'embête, il faut que je trouve un nouvel objectif ». En décembre 2022, la décision est prise : elle part faire un tour du monde avec ses enfants. Il lui reste un an pour constituer le budget nécessaire car elle a une contrainte en tête : « Les enfants ne sont pas trop petits, et je voulais le faire avant que ma fille entre au collège. Donc les dates étaient un peu justes… C’était maintenant ou jamais ». Elle choisit « maintenant ».


 

Un tour du monde avec ses enfants, l’aventure qui se confronte au quotidien

Le budget est bouclé, les billets tour du monde en poche, l’itinéraire tracé : c’est le grand départ pour la famille alsacienne. Un voyage qui les mène à Katmandou, Bangkok, Manille, Bali, Nouvelle-Zélande, Polynésie française, San Francisco, Lima et à Bogota. Pour Fanny, mère célibataire de deux enfants, « avoir tous les billets d’avion déjà réservés, c’était un poids en moins sur les épaules, parce qu’il y en avait déjà suffisamment d’autres ». En moyenne, ils passent environ un mois dans chaque nouvelle destination. 

Mais comment se préparer à ce nouveau rythme de vie ? Fanny avoue avoir pensé que le quotidien en voyage ne serait pas si différent de celui qu’elle vivait déjà. « Comme je m’occupe quasiment seule des enfants, je me suis dit que ce serait la même chose, mais en plus léger. Sans les horaires à respecter, ni les contraintes de l’école ou des activités… Je pensais que ce serait bien plus cool », confie-t-elle. Avant de nuancer aussitôt : « En réalité, c’était tout l’inverse »

 

 

Emma et Arthur
Emma et Arthur © Fanny Faessler

 

Pour Fanny, le principal défi a été l’organisation. En dehors des billets d’avion réservés, rien n’était planifié. « Je ne savais absolument pas ce que nous allions faire une fois sur place », précise-t-elle. Seule la première nuit à chaque étape était réservée, le reste se décidait au jour le jour. Cette improvisation permanente s’est révélée plus lourde que prévu. La mère de famille raconte : « Nous lavions souvent le linge à la main, et parfois nous trouvions une laverie pour qu’il sente bon. Ce sont des petits détails auxquels on ne pense pas quand on est dans le confort de sa maison. Rien que savoir où dormir, que faire, comment aller d’un point A à un point B… tout ça représente une énorme charge mentale ». Et avec deux enfants à charge, la logistique prend une tout autre dimension. « Avec des enfants, il faut manger matin, midi et soir. Et puis accessoirement, il y a aussi l’école », rappelle-t-elle.

 

 

Apprendre et grandir au fil du voyage

Arthur et Emma ont commencé l’année scolaire de septembre à décembre, en CE1 et CM1.  Pour la plus grande, l’aventure l’a immédiatement conquise, mais pour Arthur, le projet a été plus délicat à intégrer. « Il ne voulait pas partir, quitter ses copains et papi-mamie. Il ne voulait pas quitter son cocon », explique Fanny. C’est au cours du voyage qu’elle prend conscience du haut potentiel émotionnel de son fils. « Ça a été très difficile avec lui, parce que tous ces comportements sont liés à ce trouble. Ces enfants ont besoin de stabilité et de routine, ce qui est justement tout le contraire du mode de vie en voyage », précise-t-elle. Fanny a assuré leur scolarité pendant le voyage, avec l’objectif qu’ils reprennent leur classe supérieure au retour. « Au début, c’était drôle, mais c’est vite devenu une contrainte », raconte-t-elle. Elle leur faisait travailler français et maths environ une à deux heures par jour, malgré leur peu d’enthousiasme. « Je devais un peu menacer, sinon ils ne voulaient pas ». À leur retour, ils ont repris normalement leur classe supérieure, sans retard ni difficulté.

 

 

Lever de soleil à Port Barton, Philippines
Lever de soleil à Port Barton, Philippines © Fanny Faessler

 

Alors que l’objectif initial était de resserrer les liens, « cela devenait vraiment trop difficile pour tous les trois », explique Fanny. Elle avoue avoir imaginé le voyage comme une expérience totalement différente. « Nous étions tout le temps ensemble, sans interruption, sans les moments d’activités ou d’école, pendant sept mois ». Ce voyage reste un très bon souvenir, mais il a aussi révélé « des réalités auxquelles elle ne pensait pas » et une vie qui « ne répondait pas aux attentes » initiales. Il lui a fallu du temps pour l’accepter et pour s’adapter à cette nouvelle vie.

 


 

 

Un coup de cœur pour le Laos et des rencontres qui marquent

Pendant le voyage, les rencontres n’ont pas manqué pour la famille de Fanny. Notamment grâce aux nombreux groupes Facebook (les Français au Laos, les Français de Bangkok…), il a été facile de rencontrer des personnes. « Nous avons rencontré beaucoup de familles, de couples ou de voyageurs solos. Mais jamais de parents solos avec des enfants ». Et pour tous les trois, le coup de cœur, c'est le Laos « pour les paysages, les locaux et tous les voyageurs que nous avons rencontrés »

 

 

Nam Xay View point, Vang Vieng, Laos
Nam Xay View point, Vang Vieng, Laos © Fanny Faessler

 

 

Une anecdote ? À l’arrivée à Katmandou, Fanny doute : « Je me suis dit : mais qu’est-ce que je fais là ? C’était une vraie fourmilière ». Traverser une avenue bondée devient un défi. Un Népalais lui prend la main et lui montre qu’il ne faut pas réfléchir, il faut juste avancer. Une leçon qu’elle retiendra pour tout le voyage. Le Népal marque aussi les débuts solidaires du périple. Grâce à l’association Alsace-Népal, la famille distribue à une école locale des vêtements et des fournitures qu’ils avaient amenés dans une valise. Le tour du monde c’est aussi celui des rencontres improbables : des familles croisées au Laos, revues aux Philippines, ou encore à Bali. « Le monde paraît immense, mais il est en réalité tout petit », sourit Fanny. « Aujourd’hui encore, les enfants en parlent souvent. Ils n’ont pas les mêmes souvenirs que moi, mais ils se souviennent de tout, à leur manière. » C’est aussi au détour d’un échange avec une pédopsychiatre rencontrée en voyage qu’elle comprend enfin les besoins spécifiques de son fils.

 

 

École dans laquelle on a distribué des fournitures avec l'association Alsace Népal , Panauti, Népal
École de distribution des fournitures avec l'association Alsace-Népal , Panauti, Népal © Fanny Faessler


 

Vue de la chaîne des Anapurna à Pokhara, Népal
Vue de la chaîne des Anapurna à Pokhara, Népal © Fanny Faessler

 

 

 

Le défi du retour à la vie normale

Le retour en France est un véritable défi. Pour Fanny, ce moment a été un mélange d’émotions fortes et de réajustements. Ses enfants sont rentrés en juillet 2024 avec leurs grands-parents qui les avaient rejoints en Polynésie française, « ils ont retrouvé tout le monde et se sont remis vite dans la vie. Pour eux, c'était juste une parenthèse », raconte-t-elle. Pourtant, elle, a choisi de prolonger son voyage en Amérique du Sud pendant encore cinq semaines, car « visiter cette région du monde me tenait vraiment à cœur » et elle ne voulait pas perdre les billets déjà achetés.

 

 

Macchu Pichu, Pérou
Macchu Pichu, Pérou

 

 

Pour ses enfants, la réadaptation a été rapide, même si son fils a eu plus de difficultés au début : « Il a eu du mal à se concentrer à l'école, à rester assis sur une chaise, c'était difficile ». Malgré tout, dans la vie quotidienne, il n'y a pas eu de souci. Quant à Fanny, après sept mois à 24 heures sur 24 avec eux, elle confie : « J'étais contente de rentrer parce que cela faisait cinq semaines que j'étais seule ». Mais la reprise n’a pas été sans embûches : « J'avais mis mon logement en location saisonnière, j’ai dû attendre pour le récupérer. J'étais toujours avec mon sac à dos ». Elle a dû s’appuyer sur sa famille, ses amis, et son compagnon pour se réinstaller.

Heureuse d’avoir vécu cette expérience, Fanny dit avoir un regard nouveau sur la vie. Sa relation avec la consommation est modifiée : « J’adore les vêtements, mais maintenant, je ne fais plus de shopping comme avant. Si je n’en ai pas besoin, je ne vais pas en acheter. J’ai su vivre sept mois avec un gros sac à dos ».

 

 

Site Inca Ollantaytambo, Pérou 
Site Inca Ollantaytambo, Pérou © Fanny Faessler

 

 

 

 

Les conseils de Fanny pour oser l’aventure avec ses enfants

Faire ce tour du monde s’est en réalité révélé plus inquiétant pour l’entourage de Fanny et de ses enfants, que la famille elle-même. « Le fait que je parte seule avec mes enfants a suscité des craintes. Ils avaient peur que nous soyons agressés », rapporte-t-elle. Mais, pendant les neuf mois du voyage, Fanny ne s’est jamais sentie en danger et n’a rencontré aucun problème à ce sujet. 

« Avec du recul, c'est une super expérience. Je souhaite à tout le monde de pouvoir le faire. Si c'est un rêve, il faut se donner les moyens de le faire. Mais il faut partir un minimum organisé, ce que je n’étais pas du tout. Être seul avec des enfants représente beaucoup de charges. On ne peut se reposer sur personne. Sans tout planifier non plus pour laisser place à l'imprévu et aux rencontres que l’on peut faire. C'est ça qui crée le voyage, les rencontres, et puis les lieux par hasard. Aujourd’hui, mon rôle de travel planner est de pouvoir offrir aux personnes la possibilité de le faire. À l'époque, si j'avais su que c'était aussi difficile, je pense que je ne l'aurais jamais fait. Mais si quelqu’un - un travel planner par exemple - m’avait proposé son aide à l’époque - ne serait-ce qu’un itinéraire global ou même pour un seul pays - cela m’aurait rassurée. Je pense que cela aide à sauter le pas ».

 

Temple bleu, ChanG Rai, Thailande 
Temple bleu, ChanG Rai, Thailande © Fanny Faessler

 

Un an après, Fanny ne ressent pas de nostalgie, mais nuance : « C’était une belle parenthèse. J’avais besoin de faire ce voyage pour me découvrir moi et mes enfants ». Parfois, faire le tour du monde permet aussi de mieux faire le tour de soi.


 

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