Nancy Bonamy a été expatriée toute sa vie … ou presque. Cette Suissesse, née à Kinshasa (RDC), a vécu dans treize pays différents*, au gré de sa carrière, de celle de son mari et de leurs envies communes. Après avoir travaillé 10 ans pour le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), elle est devenue coach en transition professionnelle depuis 8 ans. Elle vit aujourd’hui au Cameroun, mais sa route est loin d’être achevée.
Nancy est tombée jeune dans la marmite de l’expatriation
Nancy est née à Kinshasa, de parents tous deux expatriés en République démocratique du Congo (RDC) à l’époque. « Quand j’étais toute petite, je disais que je voulais devenir professeure et travailler en RDC, ou en Afrique ». Ce fut chose faite - à 21 ans et son diplôme d’institutrice en poche, elle part travailler à Madagascar. « Je m’y plaisais bien, j’y ai habité trois ans, mais je ne pensais pas du tout à ce moment que j’allais faire 28 ans d’expatriation et même changer de métier ensuite ! ».
Après cette expérience à Madagascar, Nancy travaille quelques années à Bordeaux en France comme manager de musiciens professionnels, avant d’avoir de nouveau la bougeotte. Elle se lance alors dans une carrière dans l’humanitaire, au CICR. « J’ai postulé à ces offres en particulier car elles me permettaient de repartir à l’étranger. »
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La communication en expatriation, des lettres à WhatsApp
« J’ai déjà eu la chance, au départ, que mes parents aient compris mon projet, ils ne m’en ont pas dissuadée, bien au contraire, ils m’ont encouragée à vivre cette aventure » raconte Nancy. « Nous nous envoyions des lettres et des colis, et nous nous appelions une fois dans l’année - car je n’avais pas assez d’argent pour le faire plus souvent ! ». Depuis, les téléphones et Internet ont changé la donne. « Mes parents ont fini par se mettre à WhatsApp et Skype ». Les relations ne sont pas les mêmes à distance, « surtout avec les enfants », car la famille s’est agrandie de deux enfants au cours de leur expatriation. Mais comme Nancy l’explique, elle et sa famille rentrent pour les vacances une fois par an et ils « squattent » chez les grands-parents. S’ensuivent alors trois semaines très intenses : « je pense qu’on a une intensité du moment que d’autres ne vivront jamais, je me sens chanceuse à cet égard. »
Lorsque les enfants arrivent, les complications commencent
Il est plus facile de gérer son expatriation lorsqu’on est seul(e), voire même en couple. Quand naissent les enfants, de nouveaux questionnements apparaissent. « Vis-à-vis de mes parents, il est sûr que j’ai réfléchi à ces sujets. Ils ne voient pas leurs petits-enfants grandir au jour-le-jour, ils ratent des moments. » Comme l’explique Nancy, les enjeux émotionnels sont décuplés lorsque des enfants sont impliqués. Comment le gérer ? Par l’adaptation. « Au début, lorsque les enfants sont petits, c’est difficile de les mettre devant un ordinateur avec skype, ils ne savent pas quoi raconter … Mais en grandissant ça se passe mieux. »
Déménager régulièrement les enfants de pays : voilà aussi un challenge. Dans la famille de Nancy, ça s’est relativement bien passé. Les grosses difficultés n’ont pas toujours été là où on les attendait. « Pour un de mes enfants, il a été beaucoup plus difficile de passer de New York à Washington que des Etats-Unis à la Jordanie puis au Cameroun. » L’adolescence venue, Nancy note toutefois un désir de ses enfants de s’ancrer, de garder les mêmes amis, de se créer un socle social. C’est pourquoi d’ailleurs, un retour en Suisse est prévu pour les prochaines années.
Le temps et la vie rattrapent parfois les projets
Les enfants grandissent … et les parents vieillissent. Après les questionnements sur la petite enfance, viennent aussi ceux de la vieillesse des parents. Même si ceux de Nancy se portent bien, le temps s’écoule inlassablement et les conséquences se réfléchissent, en expatriation aussi. « On se dit : qui va s’occuper d’eux ? Je ne peux pas le faire. Ceci dit, chacun gère sa culpabilité comme il le peut, c’est très personnel. ». Vis-à-vis des amis aussi, la distance peut être un sujet. Mais là encore, Nancy a trouvé ses repères : « j’ai encore des amis d’enfance très proches, mais j’ai besoin d’être en contact avec la communauté internationale de toute façon. »
Entre cette problématique et le fort désir de ses enfants d’avoir un cadre de vie social plus stable, un retour en Suisse est prévu pour les prochaines années. Laisser derrière l’expatriation pour autant ? « Même si nous rentrons en Suisse pour les études des enfants, je ne me vois pas devenir sédentaire pour le reste de ma vie. Mon mari et moi envisageons de repartir en expatriation une fois que les enfants seront sortis du cocon. »
Expatriée de partout, citoyenne de …?
À la question épineuse de l'appartenance citoyenne, Nancy hésite. Elle qui n’a presque jamais vécu en Suisse s’en sent toutefois citoyenne, même si « il me manque une certaine culture géographie et politique, je suis parfois décalée mais je me sens concernée. » Finalement, à y réfléchir : « je me sens internationale ». Pour ses enfants, la réponse est plus fluide : « ils sont vraiment des enfants de la troisième culture ». Cette expression se réfère aux enfants qui ont grandi dans un autre pays que le leur et celui de leurs parents, et ce à multiples reprises dans le cas de la famille de Nancy.
Le parcours de Nancy est un bel hommage à l’expatriation. Si elle n’est pas convaincue que l’expatriation passe de mère/père en fils/filles, son histoire personnelle démontre une ouverture d’esprit indéniable grâce à ses expériences à l’étranger, à commencer par celle de 7 ans en RDC de ses parents. Sur un post Linkedin à l'occasion de leur venue à Yaoundé (Cameroun), elle écrit : « Pas étonnant qu’avec des parents comme les miens, j’aime ma vie d’expatriée et que j'ai eu la chance de vivre toutes mes expériences de vie ! Merci à eux ! »
* Nancy a vécu en RDC, Allemagne, Suisse en tant qu’enfant… puis en tant qu’adulte : Madagascar, France, Jérusalem, Tchétchénie, Congo-Brazzaville, Soudan, Irak, Etats-Unis, Jordanie, Cameroun