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Nature & Parure de Hans Silvester: "Les Suri créent de l’art à la hauteur de Picasso"

Nature et ParureNature et Parure
Écrit par Sophie Sager
Publié le 6 avril 2023, mis à jour le 6 avril 2023

A l’occasion de la sortie de son livre “Nature et Parure” le 7 avril 2023, lepetitjoural.com a échangé avec Hans Silvester, photographe et écologiste allemand. Depuis 2002, il va dans la vallée de l’Omo en Ethiopie, à la rencontre du peuple des Suri. Leur originalité : les peintures corporelles.

 

Contact avec les Suri

 

​​Comment êtes-vous arrivé en contact avec les Suri ? 

Je me suis rendu dans la vallée de l’Omo en 2002, car on y avait trouvé Lucy. J’avais envie de faire un reportage sur toutes les trouvailles autour de sa découverte. Pour moi, c’était un choc: trois millions d’années, c’est énorme. Je voulais produire quelque chose sur le berceau de l’humanité. 

 

Le monde était devenu trop étriqué pour de telles extravagances.

Je suis arrivé dans cette région et y ai vu les habitants et les différentes tribus, entre autres les Suri. Tout de suite j’ai compris qu’il y avait quelque chose d’extraordinaire avec eux: la peinture corporelle. J’y suis souvent retourné pour en faire un reportage. J’ai tout de suite senti que c’était un élément tellement fragile et que cet art ne pourrait pas continuer d’exister sans préservation particulière. Le monde était devenu trop étriqué pour de telles extravagances.

 

 

Le peuple des Suri se peint le corps.

 

Qu'est-ce qui fait leur singularité ? 

J’ai été impressionné et passionné par le talent de ce peuple. Ils n’ont jamais rien vu de notre art, n’ont jamais lu de livre. Or, ils créent de l’art à la hauteur de Picasso ou en tous cas de musées et galeries modernes. C’est étonnant: ils n’ont pas d’exemple, c’est réellement de la création. Aussi, il n’y a jamais de répétitions, à chaque fois c’est une nouvelle création. C’est une force fabuleuse. Surtout, ce n’est jamais lié à un évènement. Certains peuples se peignent pour des occasions, alors que les Suri recherchent la beauté. 

 

Les Suri sont la seule tribu dans la vallée de l’Omo qui n'a pas de cheveux, ils ont le crâne rasé, c’est vrai pour les enfants, femmes, hommes… Ils sont donc obligés de se protéger la tête du soleil, très puissant dans cette région. 
 

Est-ce que la culture des Suri est aujourd'hui menacée par l'occidentalisation ? 

Bien sûr. Le capitalisme mondial ne supporte pas qu’il y ait encore des personnes qui ne boivent pas de Coca Cola ou qui n’ont pas de téléphones. Tout cela est désormais parvenu chez eux. Ils ont pratiquement tous un téléphone. Il n’y a pas d’électricité mais ils ont un modèle très peu cher avec un chargement solaire. Cela fonctionne très bien.

 

Ils seraient menacés dans leur originalité.

Notre monde est très puissant. Par exemple, dans beaucoup d’endroits, on ramasse des vêtements usés pour les envoyer en Afrique. Beaucoup arrivent dans la vallée de l’Omo. Ils peuvent les acheter au marché pour quelques centimes. Cela pourrait les menacer car ils pourraient perdre la culture de se peindre. Ils seraient menacés dans leur originalité.

 

En 2002, lorsque j’y suis allé pour la première fois, ils n’avaient pas encore la connaissance de l’argent. Tout se faisait au troc. Maintenant ils peuvent vendre leurs vaches à des très bons prix parce qu’elles sont exportées en Arabie Saoudite. L’arrivée de l’argent change tout. 

 

 

Les Suri en Ethiopie.

 

 

Les peuples de la vallée de l'Omo, sont en symbiose avec la nature, sont-ils donc les premières victimes du réchauffement climatique ? 

Oui c’est évident. Cela me fait beaucoup de mal. Eux, qui ne sont vraiment pas responsables de la pollution en sont les premières victimes. Cette idée est vraiment horrible. D’autant plus qu’ils n’ont pas de marge. Chez nous, s’il y a une augmentation de température de 5 degrés, nous pourrions nous adapter. Chez eux, 5 degrés de plus et on dépasserait les 50 degrés. Or à ces températures, les arbres peuvent disparaître et il ne serait plus possible d’y développer l’agriculture. 

 

Les enfants sont heureux avec le peu qu’ils ont.

Que peut-on apprendre, selon vous, des Suri ?

Le fait qu’on peut vivre avec tellement peu de choses. Les enfants sont heureux avec le peu qu’ils ont. Quand je quitte la vallée de l’Omo et que je retourne dans les villes, c'est déprimant d’y voir les enfants. Car en ville, contrairement à la vallée, ils se retrouvent dans de mauvaises conditions de vie.