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Le monde perd près de 4 millions d’hectares de forêts primaires en 2023

Il reste six ans avant la date d'échéance fixée par 145 pays - dont la France - pour mettre fin à la déforestation. Alors que le 22 avril célèbre la journée mondiale de la Terre, quel est l’état actuel des forêts du monde ? Quelles sont les causes de la déforestation ? Les tendances de ce phénomène écologique semblent préoccupantes.

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Zone forestière préservée dans le district de Realidade. © Nilmar Lage / Greenpeace
Écrit par Elena Rouet-Sanchez
Publié le 21 avril 2024, mis à jour le 29 avril 2024

 

 

Le Brésil et la Colombie, premières victimes du fléau de l’exploitation de la forêt amazonienne 

 

Entre janvier et juin 2022, des images satellites de l’Institut national de recherches spatiales INPE ont fait état de 3.988 km² de forêt amazonienne déforestés. La forêt amazonienne, la plus grande forêt pluviale du monde, représente un impact important pour la biodiversité mondiale, ainsi que sur l’atténuation du changement climatique. À cette époque, Jair Bolsonaro est au pouvoir : le dirigeant d’extrême droite est très critiqué pour sa gestion de l’Amazonie. 

 

Le retour de Luiz Inácio Lula da Silva, en 2023, relance la lutte contre l’exploitation de la forêt amazonienne, l’un des principaux objectifs de son gouvernement. Le 2 janvier 2024, l’actuel président brésilien a notamment reconnu de nouveaux territoires autochtones et annulé de nombreuses mesures anti-environnementales, telles que l’exploitation minière sur les terres autochtones et les zones protégées : « Lorsque l’on parle de déforestation, on oublie souvent les droits sociaux engendrés, explique Eric Monval, chargé de campagne des forêts Greenpeace. Il est important de rappeler que des centaines de millions de personnes dépendent de ces forêts au quotidien, et participent à leur préservation. ». En 2023, le biome amazonien connaît cependant une importante réduction de 39 %.  

 

Otages de la guérilla et paix en Colombie : un récit historique de Julie Peyrard
 

Chez son pays voisin, en Colombie, les forêts primaires se réduisent comme une peau de chagrin depuis 2016. Et pour cause : l’armée rebelle des FARC (Forces Armées Révolutionnaires de Colombie), un groupe armé illégal et violent, a pendant longtemps été soumise à des limites strictes d’exploitation forestière. Mais en 2016, un accord de paix historique est signé entre la Colombie et les rebelles, rendant ainsi accessible de grandes zones forestières dans lesquelles les groupes peuvent librement y exercer leur exploitation.

Comme le Brésil, l’élection du président Gustavo Petro Urrego en août 2022 est plutôt favorable. Les priorités de son gouvernement prévoient notamment une négociation avec les groupes armés sur la protection des forêts. 

 

Qu’est qu’une forêt primaire ?
Une forêt est considérée comme primaire si elle n’a subi ni exploitation, ni défrichement par l’homme. Si elle a été affectée dans le passé, elle peut à nouveau être qualifiée de primaire après un laps de temps suffisant pour permettre à la forêt de se rétablir à son initial. 

Qu’est-ce qu’une forêt primaire tropicale ?
Il s’agit des forêts les plus importantes et aussi les plus anciennes du monde. Elles captent mieux le carbone, d’où l’importance de les préserver. 


 

déforestation
Conséquences des pluies torrentielles à São Sebastião, Brésil
© Diego Baravelli / Greenpeace


Incendies, sécheresse, climat… la couverture forestière mondiale diminue

 

Si le Brésil et la Colombie ont connu des baisses respectives entre 2022 et 2023, de 36 % et 49 % de la perte de forêts primaires, leur taux de perte de forêt primaires tropicales en 2023 reste constant par rapport aux dernières années : « La déforestation est un phénomène qui varie d’un pays à l’autre, mais la moyenne reste à un niveau trop élevé et stable, ce qui est assez inquiétant, poursuit Éric Monval. En Afrique par exemple, la déforestation est liée à des besoins vitaux ; ce qui n’est pas le cas de l’Indonésie ou du Brésil, qui sont exportateurs et qui cultivent sur des terres déforestées. Il y a vraiment une problématique sur le modèle économique. ». 

 

Des « progrès » qui interviennent également alors que l'Amazonie est confrontée à sa plus grave sécheresse à ce jour. À l’image de la ville de Manaus, capitale de l’Amazonie brésilienne, ravagée par des incendies souvent d’origine illégale, depuis octobre 2023. Depuis lors, d’épais nuages gris planent au-dessus de la ville, rendant l’air irrespirable.
En février 2024, l'État de Roraima - qui jouit habituellement d’un climat humide favorisant le développement des forêts tropicales - a dû aussi faire face à un nombre record d’incendies. 
 

les incendies détruisent les forêts du monde


En dehors des tropiques, la sécheresse prolongée est également un facteur considérable sur la perte des forêts mondiales. Un changement climatique soudain, entraînant des températures anormalement élevées, crée un combustible sec et extrêmement inflammable. Un phénomène dont le Canada a été victime en 2023, avec ses nombreux incendies dévastateurs.  Les pays comme la Bolivie, le Laos et le Nicaragua perdent aussi leurs forêts primaires. En Bolivie, la perte de forêt primaire a augmenté de 27 % ; le Laos 47 % (un taux de perte cinq fois plus rapide que celle du Brésil proportionnellement à sa superficie) ; et 60.000 hectares pour le Nicaragua, selon les chiffres de World Resources Institute.

Ainsi, la perte de couverture forestière mondiale observée par des satellites a augmenté de 24%, passant de 22,8 millions d’hectares en 2022 à 28,3 millions d’hectares en 2023

 

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Sécheresse en Amazonie - Ailes d'urgence à Tefé au Brésil
© Marizilda Cruppe / Greenpeace pour la photo GP0STXYU2

 

« La déforestation est un phénomène politique »

 

En 2023, le monde a perdu 3,7 millions d’hectares de forêts primaires. L’engagement des 145 chefs d'États et de gouvernement de mettre fin à la déforestation d’ici 2030, tenu à l’occasion de la COP26 en 2021, semble encore bien éloigné. Si la déforestation ne touche pas directement l’Europe, le continent a pourtant bel et bien un rôle à jouer. « Les objectifs sur les forêts sont fixés très régulièrement, ce qui prouvent que ce sujet n’arrive encore pas à être saisi, souligne Eric Monval. Les puissances économiques semblent se dédouaner de leurs responsabilités en débloquant des financements, mais ce n’est pas suffisant. Annuellement, 80 % de la déforestation est liée à l’agriculture. Il faut agir sur le commerce international et changer notre mode de consommation, et cela passe notamment pas la réduction de notre consommation de viande, facteur premier de la déforestation. ». 

La législation européenne tend à s’améliorer. Le 9 juin 2023, le Parlement Européen vote une loi visant à interdire la commercialisation en Europe de produits issus de la déforestation, qu’elle soit légale ou illégale, pour les grandes et petites entreprises. Une loi prometteuse que Greenpeace espère voir se développer dans les autres continents, notamment aux États-Unis. Les premiers contrôles de la loi européenne sont prévus pour le 1er janvier 2025.

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