Défi Madiba: l’aventure sportive & solidaire au Cap de Théo Curin et d’Ismaël Khelifa

Comment est né le projet Défi Madiba ?

Théo Curin : Ismaël et moi nous sommes rencontrés pour la première fois à l’aéroport avant le départ pour la Martinique, pour tourner un épisode d’Échappées Belles. Nous étions côte à côte dans l’avion, et pendant près de 8 heures de vol, nous n’avons fait que parler ensemble. Une fois arrivé à destination, j’avais déjà l’impression que nous étions amis ! On a passé 10 jours de tournage où il était à mes côtés pour m’accompagner dans ce nouveau métier d’animateur. Cette expérience m’a également fait prendre de ce qu’est réellement le voyage, car ça a toujours été quelque chose de frustrant pour moi. Je suis souvent allé à l’étranger, mais uniquement pour des compétitions, et je ne voyais que des piscines, aéroports et et chambres d’hôtel ! C’était un de mes premiers voyages où j’avais le temps d’aller à la rencontre de personnes, de visiter des monuments, et des lieux. De retour en France, on s’est dit que ce serait top de faire un défi ou une aventure ensemble. On a mis toute une équipe autour de la table et de là est née cette belle expédition en Afrique du Sud : le Défi Madiba.

 

Ismaël Khelifa : Théo et moi nous nous sommes demandés comment on pouvait entremêler nos deux univers. Nous voulions que je l’emmène dans un monde solidaire et engagé, et que j’aille dans son univers de sportif à haut niveau. Notre choix s’est porté sur le Cap en Afrique du Sud où se situe l’île de Nelson Mandela (surnommé Madiba), et le township de Langa, lieu que je connais bien pour y avoir tourné un épisode d’Échappées Belles. C’est là que j’ai rencontré Siviwe, fondateur d’une association venant en aide aux  jeunes des ghettos par la danse et des activités culturelles. J’ai été bouleversé par ces personnes, et je me suis promis d’y retourner un jour. J’en ai parlé à Théo, et l’idée l’a immédiatement séduit.

 

J’ai confiance en Théo et je compte sur lui pour être la locomotive

 

Comment vous y préparez-vous physiquement ? Appréhendez-vous certaines difficultés ?

T.C : Nous aurons un certain nombre de difficultés à surmonter, notamment le nombre de kilomètres que nous allons devoir réaliser en mer autour de Robben Island dans des conditions difficiles (30 km à la nage dans une eau à 12°C). Il y a beaucoup de choses qui me font peur, mais ce qui est rassurant et motivant c’est le fait que nous soyons deux. La dernière course que j’ai faite est une course de 57 km, tout seul, en Argentine. Ça été vraiment très dur. Je pense que je ne serais pas reparti seul dans un nouveau défi, mais là faire ce défi avec Ismaël, ça m’a séduit tout de suite.

 

I.K : Pour nous préparer, nous avons régulièrement des stages de vélo et de natation. On en a fait un récemment à Annecy avec 2 entraînements quotidiens. C’était dur ! (rires) Mais il y a aussi en parallèle tout un entraînement personnel que nous devons faire chacun de notre côté, qui passe par du renforcement musculaire,mais également beaucoup de natation et du vélo. Évidemment, Théo et moi ne partons pas de la même ligne de départ, car c’est un athlète de haut niveau et moi un novice. Mais c’est aussi un des messages de ce défi. À deux, nous allons y arriver. J’ai confiance en Théo et je compte sur lui pour être la locomotive. Hormis cela, j’ai d’autres appréhensions, notamment concernant le Township. Au-delà du sport, nous allons bouleverser la vie des gens. Je me demande comment Théo va vivre cet accueil, cette confrontation avec une partie du monde qui est réel et qui fait changer à titre personnel.

 

 

Vous arriverez au Township de Langa pour mener, à votre initiative, la construction d’un espace sportif et culturel pour les enfants de ce quartier défavorisé. Pourquoi bâtir cet espace dans ce quartier en particulier ?

I.K : Nous voulons le bâtir pour répondre aux besoins des locaux. D’abord parce que ce lieu permettra aux enfants de se réunir dans un endroit bienveillant et sécurisé, où ils pourront faire du sport, travailler, et échanger. Le lieu permettra de faire venir les enfants et de veiller sur eux, avec un côté ludique qui leur sera bénéfique toute leur vie.

 

Le premier grand objectif est de boucler financements pour la réalisation de ce défi sportif

 

Aujourd’hui vous avez une grande notoriété. Est-ce que cela vous aide à porter vos messages de solidarité envers les plus défavorisés ?

T.C : Je ne sais pas si j’ai une grande notoriété. Mais la petite notoriété qu’Ismaël et moi avons, va nous permettre de porter notre message au plus haut. Le premier grand objectif est de boucler financements pour la réalisation de ce défi sportif et la réalisation de ce terrain sportif et culturel pour les enfants. Mais nous avons déjà trouvé quelques sponsors, même si nous n’avons pas encore bouclé le budget de notre expédition. Aujourd’hui il nous manque environ 75.000 euros.

 

Pour le Défi Madiba, je vais partir à l’étranger, rencontrer des populations que je ne croise pas au quotidien, et surtout les aider à mon échelle

 

Théo, vous faites de nombreux défis dans des pays différents. Est-ce important d’avoir une plateforme internationale ? 

T.C : Pour le moment, chaque défi que je me lance à des messages différents. Celui du lac Titicaca était un défi avec une pensée écologique, l’Argentine pour le handicap, et ici, l’idée est de tout mettre en œuvre pour aider les personnes qui vont nous accueillir à la fin de l’expédition. Pour le Défi Madiba, je vais partir à l’étranger, rencontrer des populations que je ne croise pas au quotidien, et surtout les aider à mon échelle. Et si cela peut avoir des répercutions au-delà de la France, tant mieux. Que j’aie une plateforme internationale ou pas, je vais faire tout ce que je peux pour les soutenir et leur donner le meilleur de moi-même. Je pense que c’est cela le vrai message. Qu’importe si la personne habite proche de chez nous ou non, si on peut aider quelqu’un à la hauteur de nos moyens, il faut le faire.

 

 

Est-ce que ces défis vous permettent de donner une autre image des athlètes handisport ? 

T.C : Évidemment, mais honnêtement, je ne vois pas cette aventure comme cela. En Argentine, l’objectif était de faire changer les esprits sur ce sujet en participant à une course organisée uniquement pour des nageurs valides. Mais je trouve que le Défi Madiba va plus loin. On s’en fiche de mon handicap ou des compétences d’Ismaël. On veut juste arriver au bout pour aider les enfants du Township. 

 

I.K : Notre défi transgresse les règles habituelles. Nous sommes juste deux hommes qui se mettent ensemble avec leurs forces et faiblesses. Je suis un monsieur tout le monde, mais ce n’est pas l’essentiel. Le vrai but : se dépasser ensemble pour les enfants. Et pour moi, c’est ça le vrai message. Il faut casser toutes les barrières et s’adresser à tout le monde.

 

Ils vont nous surprendre et nous faire évoluer, et en même temps nous allons leur apporter tous nos efforts pour leur permettre de vivre un peu mieux

 

Ismaël, vous êtes l’animateur d’Échappées Belles, et vous voyagez énormément. Est-ce que ce défi est l’occasion pour vous de découvrir le monde d’une autre manière ?

I.K : Je découvre le monde depuis mon plus jeune âge d’une manière très humaine et intellectuelle. Mais là, je découvre le dépassement de soi, le fait d'accepter de souffrir pour avancer. Souvent quand nous voyageons, nous sommes l’occidental qui arrive dans une partie du monde qui elle n’aura jamais les moyens de voyager pour venir nous voir. Donc là, nous allons apprendre de ces gens, mais qu’apprennent-ils de nous ? Le plus fabuleux dans ce défi est de pouvoir apporter quelque chose, tout en respectant ce qu’ils sont, d’égal à égal. Ils vont nous surprendre et nous faire évoluer, et en même temps nous allons leur apporter tous nos efforts pour leur permettre de vivre un peu mieux, sans pitié et sans condescendance.

 

Avez-vous déjà imaginé que vous participerez à une aventure de telle envergure ?

I.K : J’en rêvais. J’ai fait beaucoup d’expéditions et d’aventures avec ma tente sur le dos et mes chaussures de randonnée. Ce qui me fait rêver, c’est de voir les sportifs exulter à la fin, et c’est ça que je vais chercher à titre personnel. Aujourd’hui je comprends pourquoi ils exultent comme ça, car c’est tellement dur d’accéder à cette ligne d’arrivée, qu’on ne peut qu’exploser à la fin. J’en rêvais, et maintenant je vais le faire. 

 

 

Qu’est-ce que vous pensez vous apporter l’un et l’autre dans cette aventure ? 

I.K : Théo m’apporte sa lumière. C’est un garçon qui a une puissance intérieure très forte et qui irradie tout autour de lui. En passant du temps et en m’entraînant avec Théo, je me suis rendu compte que ça m’a renforcé. Il m’apporte aussi une écoute extraordinaire dans le sport, beaucoup de partage. Il a ça en lui. Lors de notre stage à Annecy, quand j’étais dans la galère dans l’eau, je le regardais avancer et ça me poussait à avancer. 

T.C : Ismaël apporte énormément de sagesse dans le binôme. J’ai pour habituer de foncer, d’avancer tête baissée. Il réfléchit beaucoup, et je pense que c’est la personne la plus douce que je connaisse. Plus tard, j’aimerais être comme lui. Il est tout ce dont je rêve. Il se lance dans un défi à 40 ans, il n’était pas du tout nageur, et là, il a les capacités pour se mettre dans des conditions délirantes. Cet homme incarne la sagesse avec du courage.