Jimmy Woha Woha, qui aime se surnommer « l’Omar Sy d’Ukraine », a su se faire une place de choix dans le paysage cinématographique ukrainien, où il s’est expatrié depuis quatre ans, pour poursuivre sa carrière. Cet acteur de 34 ans nous livre un récit captivant de son ascension inattendue dans un pays qui l’a adopté, et où il est devenu une véritable icône.
Lorsque Jimmy Woha Woha franchit la porte du café où lepetitjournal.com l’attend pour une interview exclusive, il sourit : « Le serveur n’est pas des plus joviaux, il faut croire que la France ne m’a pas vraiment manqué », lança-t-il avec une pointe d’humour. Actuellement de passage à Paris pour quelques jours, Jimmy s’apprête bientôt à reprendre l’avion pour l’Ukraine, où il réside depuis près de quatre ans. Ce séjour en France est un court intermède pour ce jeune acteur âgé de 34 ans, dont la vie est désormais rythmée par la scène ukrainienne. L"Omar Sy ukrainien", comme il aime s’appeler sur les réseaux sociaux, est devenu une véritable référence cinématographique dans ce pays où il s’est expatrié un peu par hasard. Retour sur le parcours bien particulier de Jimmy Woha Woha.
@lepetitjournal.com Jimmy Woha-Woha est un acteur français qui a su se faire une place de choix dans le paysage cinématographique ukrainien, où il s’est expatrié depuis quatre ans, pour poursuivre sa carrière. 🎥 📝 @Jimmy Woha-Woha Retrouvez l’article sur notre édition internationale : lepetitjournal.com/expat-mag/culture/jimmy-woha-woha-ukraine-acteur #expatriation #expatriate #cinema #ukraine ♬ son original - Lepetitjournal.com
Qu’est-ce qui vous a motivé à devenir acteur dès votre jeune âge ?
Depuis tout petit, j’étais un enfant très hyperactif, ce qui posait un défi à ma mère qui m’a élevé seule après la séparation de mes parents, quelques années auparavant. Ma mère a tout essayé pour canaliser mon énergie : elle m’a inscrit à diverses activités sportives, mais cela ne suffisait pas. Puis, un jour, en 1997 ou 1998, ma voisine m’a parlé d’un casting pour un rôle dans Joséphine, ange gardien, alors que je n’avais que huit ans. À l’époque, tout se fait encore par papier, et c’est par téléphone fixe que nous avons pris contact pour passer l’audition. Bien que je n’ai pas été sélectionné, cette expérience de jouer un rôle devant une caméra m’a captivé.
C’est à ce moment-là que j’ai su que je voulais faire du théâtre. Mes parents m’ont soutenu en m’inscrivant dans une école de théâtre, puis dans une agence. Pendant quatre ans, malgré mes efforts, je n’ai décroché aucun rôle. En parallèle, j’ai aussi commencé le doublage, une activité que je continue encore aujourd'hui dès que l’occasion se présente. Mais ce n’est qu’à l’âge de quinze ans que s’est dévoilée à moi ma toute première opportunité : Regarde-moi, de Audrey Estrougo, sorti en 2007.
Comment as-tu décroché le rôle de François dans le film Crazy Wedding, sorti en 2018 ?
La sélection pour Crazy Wedding a commencé de manière inattendue. Pour l’anecdote, la directrice de casting m’a contacté sur Facebook, et je pensais d’abord que c’était un spam. Le message étant en anglais et parlait d’un rôle en Ukraine, un pays que je ne savais même pas placer sur une carte ! Je n’ai même pas pris le temps de lire le message en entier. Elle m’a ensuite envoyé le scénario traduit en français, ce qui m’a poussé à considérer sérieusement l’offre. Bien que je n’étais pas très motivé, ma copine de l’époque m’a encouragé à tenter ma chance. Après quelques excuses et un délai, j’ai finalement envoyé mon enregistrement. Mon énergie a plu, et j’ai été invité à rencontrer le réalisateur à Paris. Le projet s’est révélé ambitieux, avec un casting impressionnant et de grands enjeux.
Ce qui m’a définitivement attiré dans ce métier, c’est l’adrénaline et la magie du plateau. Cet univers m’a convaincu de rester dans cette voie, malgré les hauts et les bas.
Vous avez connu un grand succès avec Crazy Wedding en Ukraine, comment cette expérience internationale a-t-elle influencé votre carrière ?
Ce succès a été un tournant majeur dans ma carrière. Pour expliquer un peu le contexte, ce film est en fait une adaptation de la comédie française Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? . L’intrigue tourne autour d’une jeune Ukrainienne qui décide de se marier avec un Français. Ce que son père ignore, c’est que ce Français est d’origine africaine. Dans la culture ukrainienne, on s’attendait plutôt à un gendre blanc, peut-être blond aux yeux bleus. Lorsque mon personnage fait son apparition, le père est alors sous le choc. Par la suite, il met en place toute une série d’épreuves, soi-disant basée sur des traditions ukrainiennes, pour essayer de dissuader sa fille de ce mariage.
Le film est devenu le plus grand succès au box-office ukrainien. Cette réussite a eu un impact considérable sur l’industrie cinématographique locale. Avant cela, environ 90 % des films projetés en Ukraine étaient des productions étrangères. Mais le succès de Crazy Wedding a prouvé qu’il était possible de créer des films locaux qui résonnent avec le public ukrainien.
Ce succès fulgurant a rapidement conduit à la réalisation de deux suites, qui, bien que moins lucratives, ont tout de même généré des profits grâce à un important sponsoring. En seulement trois ans, nous avons tourné une trilogie complète, ce qui est impressionnant quand on sait que la suite de Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? a pris sept ans à voir le jour.
Les producteurs ont ensuite décidé d’adapter l’univers du film en série télévisée, intitulée Crazy Neighbours, en format de 26 épisodes de 26 minutes. Cette série, inspirée du concept de Nos chers voisins en France, raconte les péripéties de différents voisins. Nous venons d’ailleurs de terminer le tournage de la troisième saison.
Comment est la vie en Ukraine dans le contexte actuel ?
En ce qui me concerne, la guerre n’est pas une source d’inquiétude majeure, car je sais que je ne serais pas envoyé au front. Je vis à Kiev, où la situation est pour le moment relativement stable. À l’exception de l’incident du 8 juillet 2024 avec les 40 missiles, mais malgré tout, la vie se poursuit assez normalement. Les sirènes d’alerte anti aérienne sont une présence constante, mais cela n’affecte pas significativement le quartier où je réside.
La ville reste fonctionnelle : les supermarchés sont bien approvisionnés, les établissements comme les cinémas ou les bowlings restent ouverts. Les cafés ferment à 22 h, tandis que les boîtes de nuit, bien que fermées à 23 h en raison du couvre-feu, commencent leurs activités dès 16 h ! C’est un peu particulier de voir des gens déjà un peu éméchés dès 17 h, mais je m’y habitue.
Vous avez également une carrière de réalisateur et de producteur, quels sont vos projets et objectifs ?
En 2012, après avoir obtenu mon bac, j’étais déjà bien lancé en tant qu’acteur. Mais ma mère m’a toujours rappelé qu’il était important de diversifier mes compétences, car je ne pourrais peut-être pas être acteur toute ma vie. J’ai donc suivi son conseil et préparé un BTS audiovisuel en gestion de production à l’EICAR. Après deux années de formation, j’ai commencé à travailler comme assistant de production pour ARTE. C’est à ce moment-là que Luc Besson a ouvert l’École de la Cité pour former des réalisateurs, et ma mère m’a encouragé à tenter le concours. Bien que réticent au départ, j’ai fini par m’inscrire, et j’ai été admis. Je suis sorti diplômé en 2014, ce qui m’a permis de me lancer dans la réalisation.
Peu de temps après, j’ai créé ma propre société à la Cité du Cinéma, où j’ai loué des bureaux. Avec mon associé, nous avons réalisé des vidéos pour des clients prestigieux comme Makeup Forever, Longchamp, Sephora ou Jimmy Choo. À seulement 24 ans, c’était une aventure incroyable qui nous a aussi permis de voyager à travers le monde.
Cependant, avec l’évolution des technologies et l’essor des réseaux sociaux, le besoin audiovisuel a changé. Aujourd’hui, n’importe qui avec un Iphone peut créer du contenu et vivre de cela, ce qui a radicalement transformé notre industrie. Ma société de production, qui a fonctionné pendant 8 ans, est donc en cours de fermeture, car le marché a évolué au point où il devient difficile de rester compétitif face à ces nouveaux créateurs de contenu.
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Vous vous définissez sur TikTok comme « un Omar Sy en Ukraine », pouvez-vous nous en dire plus ?
Je vis des aventures incroyables, et j’ai beaucoup d’histoires à raconter. Par exemple, on m’a demandé de représenter le cinéma ukrainien à l’étranger, lors de nombreux festivals. J’ai eu l’honneur de le faire au Monténégro, en Lituanie et même au Festival de Cannes. C’est assez surprenant quand on y pense, car je n’ai même pas la double nationalité ; je suis français, et pourtant, je suis devenu une icône du cinéma ukrainien grâce à Crazy Wedding.
La comparaison avec Omar Sy vient de là. Tout comme Omar Sy est une figure emblématique du cinéma français à l’international, je suis devenu une sorte de référence en Ukraine. Là-bas, tout le monde connaît Omar Sy, notamment grâce à des films comme Intouchables, qui a rencontré un grand succès. Alors, en plaisantant, je me définis comme "l’Omar Sy en Ukraine", car notre parcours a des similitudes.
Un conseil à donner pour les jeunes acteurs qui souhaitent lancer leur carrière à l’international ?
Il m’est difficile de donner un conseil précis, car dans mon cas, tout s’est un peu fait par hasard. Je n’avais même pas vraiment l’envie au départ, donc je ne peux pas prétendre avoir suivi une stratégie claire en disant "restez concentrés" ou "persévérez".
Cependant, s’il y a un conseil à retenir, ce serait de maîtriser les langues. C’est quelque chose que je n’ai pas vraiment fait moi-même, mais je réalise à quel point c’est essentiel. Lorsque l’on maîtrise une langue, on peut s’ouvrir à tellement d'opportunités, que ce soit dans le domaine artistique ou ailleurs.