La justice groenlandaise doit statuer jeudi sur le maintien en détention du militant écologiste américano-canadien Paul Watson, arrêté à Nuuk, la capitale du territoire autonome danois, et dont le Japon demande l'extradition.
"La demande d'extradition (...) est fondée sur des faits entièrement faux", a dit à l'AFP Julie Stage, une avocate de M. Watson.
La défense du militant de 73 ans, fondateur de Sea Shepherd et de la fondation qui porte son nom en faveur des océans, estime disproportionné son maintien en détention et demande sa remise en liberté.
S'il n'accède pas à cette demande, le tribunal de Nuuk peut ordonner la prolongation de la détention provisoire jusqu'à quatre semaines.
"Les conditions de son placement en détention provisoire ne sont pas remplies. Je ne pense pas qu'il y ait des raisons de le soupçonner des faits qui lui sont reprochés" au Japon, a fait valoir Mme Stage.
Paul Watson, qui vit en France depuis plus d'un an, a été appréhendé sur son navire, le John Paul DeJoria, alors qu'il venait d'accoster à Nuuk.
Le bateau venait se ravitailler en carburant en vue "d'intercepter" le nouveau navire-usine baleinier du Japon dans le Pacifique Nord, selon la Fondation du capitaine Paul Watson (CPWF).
L'arrestation s'est faite sur la base d'une notice rouge d'Interpol émise en 2012, lorsque le Japon l'a accusé d'être co-responsable de dommages et blessures à bord d'un navire baleinier nippon deux ans plus tôt dans le cadre d'une campagne menée par Sea Shepherd.
- Bombe puante -
Dès 2010, un Néo-Zélandais, Peter Bethune, avait été condamné dans cette affaire à deux ans de prison avec sursis.
Tout comme l'avait été M. Bethune, Paul Watson est accusé d'avoir blessé au visage un marin japonais en jetant une bombe puante - de l'acide butyrique - pour entraver le travail des baleiniers.
"Nous disposons d'une vidéo qui prouve que le membre d'équipage qui, selon les autorités japonaises, a été blessé, n'était même pas présent lorsque la bombe puante a été lancée" à bord, a affirmé l'avocate, qui a épluché les épisodes de la série documentaire "Justiciers des mers" sur les actions de Sea Shepherd.
Pour elle, le marin ne peut avoir été blessé qu'à cause du spray utilisé en direction des activistes par l'équipage, qui au moment du lancement de la boule puante avait quitté le pont.
Mme Stage présentera ces preuves lors de l'audience jeudi, même si le tribunal de Nuuk se prononcera à ce moment exclusivement sur le maintien ou non du militant en prison.
"L'audience du 15 août 2024 ne portera donc pas sur la question de l'extradition", a écrit la police dans un communiqué.
La décision sur l'extradition, qui incombe en dernier ressort au ministère danois de la Justice, doit être prise indépendamment à une date qui n'a pas été rendue publique.
Pour la défense, "ces vidéos montrent que le Japon invente des faits pour obtenir l'extradition et la condamnation" de Paul Watson, a souligné Mme Stage, dénonçant un nouveau gage de la faillibilité du système judiciaire nippon.
- "Présomption de culpabilité" -
Cette affaire "est une question de vengeance de la part du système juridique japonais et des autorités japonaises", a estimé un autre avocat de M. Watson, François Zimeray.
Ce spécialiste des droits humains affirme qu'au "Japon, il existe une présomption de culpabilité".
"Les procureurs sont fiers d'annoncer qu'ils ont un taux de condamnation de 99,6%", a-t-il déploré.
Les soutiens de Paul Watson veulent absolument éviter son extradition.
"S'il est extradé au Japon, il n'en ressortira pas vivant", a dit la présidente de Sea Shepherd France, Lamya Essemlali.
L'arrestation et la détention du militant écologiste ont donné lieu à une vaste mobilisation à travers le monde. Une pétition demandant sa libération rassemble jusqu'à présent plus de 62.000 signatures.
La présidence française a demandé aux autorités danoises de ne pas l'extrader.
L'audience doit avoir lieu à 10h00 GMT jeudi.