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Mieux se perdre pour mieux se retrouver ?

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Écrit par Nicolas Serres-Cousiné
Publié le 23 janvier 2020, mis à jour le 23 janvier 2020

Natacha, 31 ans, Parisienne, cadre dans la finance, aime New York depuis qu’elle est enfant. Son père, sportif accompli, y était allé courir le marathon dans les années 90. Elle se souvient l’avoir vu partir des étoiles dans les yeux et revenir des souvenirs plein le coeur. Dès qu’elle avait aperçu la médaille dorée que chaque participant reçoit autour du cou de son papa, elle s’était jurée qu’un jour, elle aussi, irait là-bas. Son rêve devient réalité lorsque la banque pour laquelle elle travaille accepte enfin sa demande de mutation.

 

Le coup de foudre est immédiat. Natacha est si heureuse d’arpenter les rues de Manhattan, de vivre à cent à l'heure et de se faire des nouveaux amis qui comme elle, viennent se bercer d’une liberté qui n’existe nulle part ailleurs. Hélas, malgré le plaisir que sa nouvelle vie lui procure, sa lune de miel s’achève prématurément. Son job, qui ne l’avait jamais vraiment passionné à Paris, lui paraît encore plus ennuyeux ici. Ne sachant quoi faire pour se remettre d’aplomb, elle se persuade que ce soudain dégoût pour son travail n’est que passager, « ça doit être à cause du décalage horaire (!), des différences culturelles entre les deux pays ou de l’éloignement soudain avec ma famille ». Ces fausses excuses sont de courte durée. Natacha réalise vite que le milieu de la finance ne la jamais fait vibrer. « Adieu la banque, ma vocation est ailleurs ! », s’exclame t-elle, aventurière tel son papa. Cette découverte la transporte de joie jusqu’à ce que la question, « oui, mais que faire à la place ? », la ramène à la triste réalité, « mon Dieu, je n’en ai aucune idée,  je suis perdue, help ! ».

 

Loin de la France, de ses habitudes et de ses repères, Natacha, tout comme la majorité des expatriés qui me contactent, s'est retrouvée face à soi-même, à ses envies de toujours et aux peurs d’échouer qui s'y rattachent. Ces rêves de vivre une vie qui lui ressemble vraiment et qu’elle avait mis de côté lorsqu’elle était à Paris ont réapparu comme par enchantement. Et la hantent depuis jour et nuit. La voilà incapable de trouver la solution qui la fera avancer, l’intensité et l’énergie créative de New York amplifiant son sentiment d’impuissance, « les autres arrivent bien à vivre de leurs rêves, pourquoi pas moi ? ». Désemparée, elle s’est décidée à chercher une aide extérieure, dans son cas, un life coach qui la libérera de ce fardeau trop lourd à porter en solo. Mon rôle est de l’accompagner vers l’épanouissement qu’elle souhaite en lui apprenant à penser autrement. « À l’étranger, nous sommes tous des nouveau-nés. Rêve, Natacha. Ose et laisse-toi aller, c’est le moment ou jamais ».

 

« En France, ceux qui m’aiment et me connaissent par coeur ont beau essayer de m’aider, ils ne comprennent rien à mon désarroi. Ils me disent, « ta vie est incroyable, de quoi te plains-tu ? » La culpabilité d’avoir une envie ou une ambition à l'opposé de ce que mes parents avaient imaginé pour moi est difficile à gérer. Je me sens seule ». Natacha se perd dans ses lamentations et dans un discours maintes fois répété avec ses proches. Je la coupe sur-le-champ, c'est à son coach qu'elle s'adresse. Il est temps qu'elle assume sa quête d'une vie différente. Je passe à l'action en lui demandant quelle est sa passion.

 

« Je n’en ai aucune, c'est ça mon problème ». Sa réponse la terrifie autant par sa soudaineté que par son honnêteté. C’est un fait, Natacha n’a jamais su ce qu’elle aimait. Ne sachant se décider sur quoi que ce soit, elle a suivi pas à pas les conseils de papa, de maman, de ses frères et de ses bonnes copines, « j’ai pris l’habitude de briller dans un univers qui n’est pas le mien. En chemin, je me suis oubliée, tournée vers les autres à chaque instant, loin de moi et de mes désirs ». J’ai du mal à l’imaginer sans passion alors je lui repose la même question. Encore et encore. Elle se bat avec ses démons. Le temps passe. Elle tourne autour du pot, respire un grand coup puis se jette à l’eau, « c’est ridicule car je ne pourrais jamais en vivre, mais le truc qui me rend dingue depuis toujours est l’Art Contemporain ».

 

Soulagée, Natacha s’exclame, « et maintenant j'en fais quoi, Mr le coach ? ». Je lui souris puis lui explique que je ne suis ni un conseiller ni un gourou. Elle est au volant de son histoire, je ne suis que le copilote. Ma principale mission est d’écouter ce qu’elle ne dit pas et de lui poser des questions simples (qui font parfois mal) dans le but d’éclaircir son horizon. Ce travail de sape la confrontera à sa propre image et à ses propres mensonges et l’aidera ainsi à résoudre son dilemme.

 

Séance après séance, je la questionne sur sa passion pour l’Art Contemporain. Je ne laisse rien passer. Ni sa fausse modestie qui m’agace autant qu’elle m’attendrit (elle connaît son sujet sur le bout des doigts), ni la peur qui la cloue sur place. La peur de quoi, Natacha ? « La peur de quitter un milieu professionnel qui me paye bien. La peur de décevoir mes parents. La peur d’échouer. Et même la peur de réussir ». Au fil de nos discussions, elle saisit qu’au lieu de combattre cette peur, elle doit l’apprivoiser et donc l’accepter. Cet exercice lui semble très compliqué. À son grand étonnement, elle dompte vite ce qui lui nouait les tripes depuis si longtemps. « Fini de vivre la vie des autres, il est grand temps de vivre la mienne ». Les vannes ouvertes, elle n’a plus qu’à laisser couler son imagination. Guidée par son coach, Natacha s’autorise enfin à rêver.

 

Le chemin a été long et parfois chaotique. Aller à la découverte d’un rêve réaliste tient plus du numéro d’équilibriste que d’une partie de pétanque. Elle est sortie de certaines de nos séances prête à casser la baraque, bourrée d’idées incroyablement intelligentes, pour se retrouver une heure plus tard à douter d’elle comme cela ne lui était jamais arrivée auparavant, « quelle idiote suis-je pour croire que j’ai ma place dans le milieu de l'Art ? » Petit à petit, elle a accepté qu’elle était sa passion sans pour autant se mettre une pression d'enfer. En un mot, elle a fait la paix avec la Natacha qu’elle avait mise au placard par crainte de ne pas suivre la norme. En lui tendant un miroir, celui de la vérité, New York a changé sa vie, « Veni, Vedi Vici ». Elle est aujourd’hui la propriétaire heureuse et épanouie d'un site web de ventes aux enchères d'art contemporain.

 

Nicolas Serres Cousiné, le life coach des expats français à travers le monde 

 

En savoir plus:

Le site de Nicolas Serres Cousiné  http://www.nicolasserres-cousine.com

 

Avertissement: Les chroniques de Nicolas Serres-Cousiné sur lepetitjournal.com s’inspirent de sa pratique professionnelle. Chaque chronique est un mélange romancé de plusieurs témoignages sur le même thème. Ils ont été modifiés de manière à préserver l’anonymat de leurs auteurs.

 

 

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