Toute la carrière de Cédric Ballarin s’est déroulée au sein du groupe Faurecia. Depuis 2016, il est Président de FNK, la JV de l’équipementier français avec le Japonais NHK Spring aux Etats-Unis. Devenu citoyen américain, président de la Chambre de Commerce franco américaine du Michigan, Cédric Ballarin se considère comme un « traducteur » entre sa culture d’entreprise et son pays d’accueil.
EN PARTENARIAT AVEC SKEMA ALUMNI
Une volonté de travailler dans l’industrie
Depuis 25 ans, la carrière de Cédric Ballarin se conjugue à l’international, une expérience qu’il juge très positive. « C’est quelque chose que je n’avais ni soupçonné ni anticipé. J’ai beaucoup voyagé étant jeune, j’avais un intérêt pour l’histoire et la culture… Des fondations qui m’ont sûrement permis de sortir de mes habitudes, de mon moule, pour embrasser d’autres façons de faire qui m’ont beaucoup appris. »
Jeune diplômé de SKEMA, Cédric Ballarin met le cap sur la Grande-Bretagne pour effectuer un VSN (équivalent du VIE actuel) en entreprise au sein de Sommer-Allibert, un équipementier automobile fabricant - entre autres - des composants plastique pour des intérieurs automobiles dont les planches de bord, portes etc. Un choix qui ne doit rien au hasard : « Étudiant, je voulais travailler dans un milieu industriel. Comparé par exemple à la grande distribution ou aux services, l’industrie propose une approche multi dimensionnelle dans la façon de gérer une relation commerciale avec le client. Au-delà du seul critère du prix (et dans ce cas le rapport de force est totalement en faveur de l’acheteur), cela laisse peu de place aux initiatives, à la création de propositions commerciales avec du relief… Dans le monde industriel existent d’autres leviers, comme la qualité ou le timing. Cela rend la négociation complexe, très riche. Dans l’automobile, les volumes et la magnitude des CA engagés multiplient les possibilités ».
Deux métiers liés
En Grande-Bretagne, le jeune homme rejoint le département commercial et exerce également les fonctions de program manager : « cela consiste à articuler avec les autres départements de la société les différentes étapes qui mènent du développement pur des produits (dessin, prototypage, développement des composants) à la mise en production. On est en relation directe à la fois avec le client et nos départements internes. Généralement, le projet s’étale sur 2 ou 3 ans. »
Le commercial et l’organisation d’un projet dans le domaine industriel resteront les dominantes de son profil : « J’ai appris deux métiers dans ces 4 années, et ils ont forgé toute ma carrière. Ils sont très fortement liés l’un à l’autre ».
Cédric Ballarin part ensuite aux Etats-Unis pour développer un projet industriel pour le compte de Ford. Après quelques mois en Belgique, il est de retour aux Etats-Unis à la fin de l’année 2000, définitivement. Il vit depuis dans le Michigan, et toujours pour la même société, intégrée à ce moment-là au groupe Faurecia. « En 2002, j’ai changé de division. De la composante plastique/moulage, je suis arrivé dans la division ‘sièges’. J’ai repris un gros programme pour Chrysler ; la totalité de la production et du développement des sièges pour 3 véhicules différents, avec des chiffres d’affaire annuels de l’ordre de plusieurs centaines de millions de dollars ».
Le traumatisme de la crise de 2008
Les années 2008-2009 sont marquées par la grande crise de l’automobile américaine, très dure dans la région de Détroit. « C’était un gouffre. On n’a pas idée en France de ce qu’il s’est passé, cela vous glacerait le sang. Je partais travailler le matin, et voyais qu’il n’y avait plus personne sur les routes, car il n’y avait plus de travail ; les usines fermaient, il y avait quotidiennement des banqueroutes. C’était un cataclysme. Chez Faurecia, on a changé entièrement de modèle, on s’est focalisé sur la restructuration de nos coûts et la flexibilisation de nos moyens de production pour assurer la survie de l’entreprise ».
Cédric est impressionné par la résilience des Américains : « En bon français, je me suis dit que les gens allaient descendre protester dans la rue, que la société allait craquer. A ma grande surprise, il ne s’est rien passé. Pourquoi ? Les Américains, au fond d’eux même sont résistants. Ils ont confiance en eux, dans le système économique et politique, et pensent qu’ils peuvent s’en sortir par eux même en ne comptant que sur leurs propres forces. J’ai ressenti à ce moment-là la force de cette nation en réponse à la crise. » Depuis 2010, la croissance est soutenue, lente mais continue. « En 2017 et 2018, la situation était très bonne pour l’automobile, avec des inquiétudes pour 2019.»
L’étranger, un booster de carrière
L’ascension de Cédric Ballarin au sein du groupe est continue. En 2013, il est nommé vice-président des comptes GM et Chrysler. En 2015, retour aux programmes, avec la responsabilité de l’ensemble des programmes pour Faurecia seating en Amérique du nord. En 2016, il est nommé vice-président pour le compte Nissan (le plus gros compte en Amérique du Nord pour Faurecia seating, 550 millions de dollars de chiffre d’affaire annuel) et président de FNK. « FNK une Joint-venture avec un partenaire japonais, NHK, également fournisseur de composants de sièges. Nous sommes l’un des premiers fournisseurs de Nissan en Amérique du nord avec plusieurs usines dédiées à ce constructeur. Un véhicule de Nissan sur deux en Amérique du nord est équipé soit de nos sièges soit de nos composants. Ce poste est très intéressant de par sa magnitude. Lorsque l’on vend un siège, on fabrique des éléments et on achète des composants à d’autres fournisseurs (parfois mandatés), par exemple l’air bag. La part de valeur ajoutée que nous contrôlons est beaucoup plus importante que la moyenne. Nous avons assez peu de pièces mandatées, ce qui donne une grande profondeur dans la maitrise de la supply chain. »
Cédric Ballarin est persuadé qu’être un Français à l’étranger a favorisé son ascension professionnelle. « Cela nous permet d’être des traducteurs de la culture d’entreprise. Ce positionnement nous rend attractifs. La progression de carrière plus rapide. On a une plus grande visibilité. Mais cela a aussi un prix, c’est parfois intimidant et difficile d’être loin de sa famille et des amis. »
Des différences culturelles à maîtriser
Devenu citoyen américain en 2004 , Cédric garde un attachement fort à la France, à sa culture, tout en remettant en cause ses habitudes : « Vivre à l’étranger nous fait réfléchir de manière différente, on apprend à lire les autres de manière beaucoup plus fine. Dans la communication informelle, il peut y avoir des rituels très différents des nôtres. Les non-dits, très importants dans une relation commerciale, sont très différents d’un pays à un autre. »
Certaines différences culturelles apparaissent dès le plus jeune âge. « Le système éducatif américain fonctionne sur l’hypothèse que l’individu est bon au départ. La notation commence à 100 et ensuite on a des points de demerit. En France, il faut démontrer sa valeur en gagnant des points. En conséquence, chez nous, on a peur de l’échec. Aux USA, la reconnaissance est assumée dès le départ, les individus ont une grande confiance en eux. La compétitivité au travers du sport notamment est très développée. En entreprise, il faut animer les collaborateurs en tenant compte de cette compétitivité, encourager les personnes à se dépasser pour pouvoir gagner, au nom d’eux même et de la société. La carotte, c’est de gagner. »
La Chambre de commerce franco-américaine du Michigan, une passerelle entre les deux pays
Depuis plus de 10 ans, Cédric Ballarin s’est investi dans la Chambre de commerce, association privée à but non lucratif, indépendante et apolitique. Il en est aujourd’hui le président. La Chambre sert de portail aux entreprises qui veulent investir de l’autre côté de l’Atlantique, et permet le partage d’informations utiles dans le domaine des affaires. C’est aussi un excellent moyen de faire du réseautage, une notion très développée dans le monde anglo-saxon. « La société américaine est très individualiste mais les Américains ne le sont pas. Ils créent autour d’eux des réseaux d’entraide pour les assister au cas où quelque chose tourne mal, en l’absence de service public efficace. Avoir un network permet d’obtenir de l’information mais cela peut servir si l’on cherche des partenaires, des fournisseurs, du travail… »
La Chambre est aussi, pour Cédric Ballarin, « un moyen de lier mon éducation, ma culture françaises à un pays où j’ai choisi de vivre et d’élever ma famille. C’est un pont entre les deux. »
Une intégration réussie
Marié à une Américaine, père de deux enfants, Cédric n’envisage pas de rentrer en France. « Nous sommes très attachés au bien vivre américain. En vivant aux USA, on gagne en ‘confort and convenience’. Confort de vivre, espace, confort matériel, un plus grand pouvoir d’achat… Par ailleurs, tout est simple, pratique aux Etats-Unis. C’est agréable. On perd en revanche en « charme ». L’architecture, l’art, tout ce qui fait l’unicité de la culture française, les restaurants au coin de la rue, l’histoire… tout cela me manque parfois. »
Mais Cédric Ballarin a trouvé sa place dans ce pays forgé par l’immigration. « Ce qui me marque dans la culture américaine, c’est que c’est un pays très ouvert aux opportunités professionnelles des uns et des autres, indifféremment de la nationalité. Je ne pense pas qu’un Américain aurait les mêmes opportunités en France. Tous mes interlocuteurs me considèrent comme un Américain avec un peu plus d’ADN français qu’eux-mêmes par rapport à leurs racines irlandaises, italiennes ou autres. Ils ne m’ont jamais regardé comme un Français. Seuls mes mérites comptent. C’est rafraichissant, non ? » sourit-il.
Embrasser la révolution sociale
Touché par la « positive attitude » caractéristique des Américains, Cédric n’a pas peur des changements : « Les jeunes arrivent sur le marché du travail alors que nous vivons une révolution sociale. Le mode d’interaction entre les personnes est en train de changer, du fait de la pénétration des médias sociaux dans la vie de tous les jours. Je voudrais leur dire qu’il faut qu’ils embrassent cette révolution, s’immerger dedans sans en avoir peur, aller de l’avant et surtout continuer à apprendre. Le bénéfice du savoir devient de plus en plus court. Il faut donc apprendre à apprendre afin de réaliser le meilleur de soi-même dans ce monde en changement. Il y a aura quelques risques mais aussi beaucoup d’opportunités ».