Une passion pour l'Inde, un attrait pour le tourisme et une âme d'entrepreneur, il n'en fallait pas plus pour que Coraline et Clara montent Bed and Chaï à New-Delhi, un Bed and Breakfast version indienne
"Nos contrats d'expatriés se terminaient avec notre entreprise et nous voulions rester en Inde. Nous connaissions bien le secteur du tourisme pour avoir été nous même des touristes. Or, il manquait des hôtels moyenne gamme à New Delhi. Alors on s'est lancé." En juillet 2012, Clara Kanner et Coraline Joveneaux ouvraient, après six mois de travaux, Bed and Chaï une guest house à New-Delhi.
Bed and Chaï, c'est l'équivalent d'une auberge de jeunesse améliorée et d'une chambre d'hôtes. En plus d'un hôtel traditionnel avec la nuit et le petit-déjeuner, de vrais services sont apportés aux hôtes. "On rencontre les clients dès le matin. On réserve souvent leurs billets et on les renseigne sur ce qu'ils peuvent voir à Delhi." Le nom Bed and Chaï provient d'un brainstorming avec leurs amis. "C'est une de nos amies expat qui l'a trouvé. Il a à la fois un côté international avec la référence au Bed and breakfast et une touche indienne avec Chaï, le thé indien par excellence."
Deux dortoirs et huit chambres sont répartis dans les deux établissements dont elles disposent. "Les dortoirs accueillent plutôt des baroudeurs, jeunes avec un petit budget et les chambres à 50 ? la nuit sont faites pour des catégories plus aisées qui ont besoin d'être davantage encadrées." Toutes les nationalités se retrouvent dans l'établissement, il y a toutefois une majorité de Français. "Il y a aussi quelques Indiens qui apprécient la French Touch".
L'un des hôtels est en partenariat avec une ONG qui aide des personnes tétraplégiques à s'intégrer au monde professionnel et à devenir autonomes. Ils logent au rez-de-chaussée de l'hôtel qui est au premier étage. "Les clients qui souhaitent loger dans celui-ci ont envie de rencontrer ces personnes. En contrepartie on reverse des fonds à cette ONG."
Un duo gagnant
Alors que Clara, 29 ans, s'occupe de la communication et des relations publiques, Coraline, 32 ans, gère l'administratif mais aussi toutes les activités manuelles. "Coraline a des idées très créatives, s'occupe de la décoration et aussi des réparations." Le duo a réussi son pari. Avec 80% d'occupation, elles sont très vite rentrées dans leur frais. "Monter cette entreprise en France aurait été plus compliqué. Il aurait fallu faire des prêts pour payer les loyers. Nous n'aurions pas trois employés." Les deux femmes d'affaires ne comptent pas s'arrêter là, elles saisissent toutes les opportunités qui s'offrent à elles. Ainsi, elles travaillent actuellement sur le projet d'un troisième hôtel, cette fois réservé aux voyages d'affaires à Gurgaon, dans une ville proche de Dehli où les entreprises s'implantent.
Rien ne prédestinait les deux Lilloises à vivre du tourisme. Elles se sont rencontrées en Inde grâce à des amis communs. Clara travaillait pour Veolia environnement après avoir fait une école de commerce. Coraline, ingénieur, était elle directrice de filiale pour une entreprise de contrôle qualité.
"En Inde, il faut s'attendre à tout"
Elles connaissent bien l'Inde. Elles y ont déjà vécu quatre années. Qu'est ce qui leur plaît autant ? "La désorganisation, répond Clara. Ici on vit au jour le jour, on ne s'ennuie jamais. Il y a beaucoup d'improvisation et de débrouillardise". Mais elle l'avoue, à la tête d'une entreprise cette improvisation peut s'avérer compliqué. "Il faut énormément s'adapter. On a eu de la chance d'y avoir vécu plusieurs années avant de monter le projet donc on connaît bien le système et on sait comment travaillent les Indiens". Il ne faudrait pas se méprendre en croyant que l'entreprenariat en Inde est un long fleuve tranquille. Depuis plusieurs mois, elles attendent une licence, la faute à un engrenage administratif.
"Le programme d'une journée est très différent selon les catastrophes du jour." Le problème récurrent est celui de l'eau en Inde. Fournie par la ville pendant la nuit, l'eau est pompée et acheminée dans les tanks. "Il arrive que l'eau ne soit pas fournie, que le tank ait pété dans la nuit, qu'il n'y ait plus de courant. Il faut toujours avoir un plan B."
Même si elle avait toujours rêvé de créer son entreprise, Clara ne s'imaginait pas que ce serait en Inde. "Je me rappelle très bien de mon premier jour ici. Je venais pour mon stage. Quand je suis arrivée à l'aéroport, ce fut un choc thermique, un énorme dépaysement. Rien qu'en sortant de l'avion on sent l'odeur de l'Inde. La première nuit j'ai très mal dormi, me demandant comment j'allais tenir six mois. Finalement en quelques semaines je me suis habituée. On réapprend tout, à faire les courses différemment, à manger différemment, et à payer différemment, une vraie découverte."
Bénédicte Buisson (www.lepetitjournal.com) Jeudi 12 juin 2014
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