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Philippe Lan (Cindex) - « La mobilité doit être une collaboration »

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Philippe Lan, président du Cindex
Écrit par Damien Bouhours
Publié le 1 décembre 2020, mis à jour le 1 décembre 2020

Le Cindex (Centre Inter-entreprises de l’Expatriation), qui vient de fêter ses 40 ans, est une association interprofessionnelle qui réfléchit et met en place avec ses membres les stratégies et politiques de mobilité internationale. Son président Philippe Lan et sa directrice Hirut Kenfe évoquent avec nous les conséquences de la crise sanitaire sur l’expatriation professionnelle.

 

Le Cindex a fêté ses 40 ans. Comment a-t-il vu le jour ?

Le Cindex est une association professionnelle loi 1901, créée par neuf membres fondateurs dans les années 1980. Son objectif est de renforcer/faire évoluer les organisations et politiques de mobilité internationale de ses membres via des échanges, des benchmarks et un partage des bonnes pratiques autour de l’expatriation.

La vocation du Cindex est de promouvoir une approche transversale entre les différentes fonctions de l’entreprise pour que la mobilité internationale soit l’objet d’une réelle collaboration. Le Cindex permet de mutualiser des ressources intellectuelles pour faire face notamment à des situations de crise. Nos travaux sont organisés principalement autour de quatre commissions : ressources humaines, santé, sûreté et fiscalité.

Nous avons actuellement 56 membres actifs, qui sont des grands groupes français et européens et représentent entre 50.000 et 60.000 salariés en mobilité internationale. En comptant leurs familles, nous avons donc un impact sur 150.000 à 200.000 personnes. Le Cindex permet également d’organiser des échanges avec des organismes publics ou privés français qui interviennent ou supportent le processus d’expatriation. Nous comptons ainsi trois membres associés : le ministère des Affaires étrangères, l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) ou la Caisse des Français de l’étranger (CFE). Par ailleurs, nous avons également deux membres partenaires. Le statut de membre partenaire permet d’accueillir des sociétés dont le siège social est basé hors France, en Europe ou hors Europe.

 

Le télétravail est devenu un standard pendant cette crise

Alors que nous sommes en pleine crise sanitaire, comment s’organise la mobilité internationale des entreprises membres ?

Cette crise est inédite et a été une source immédiate d’interrogations sur nos modèles de collaboration à l’étranger. Quelques entreprises ont pris des décisions de rapatriement mais elles ont été peu nombreuses. La décision a été prise quand il y avait questionnements sur la prise en charge sanitaire dans le pays d’affectation pour les collaborateurs. Certaines entreprises ont été amenées à privilégier l’expatriation en célibataire géographique. La plupart des salariés ont souhaité rester dans leur pays d’affectation pour ne pas bouleverser leur mode de vie mais également car des incertitudes persistaient sur les possibilités de retour.

Que les collaborateurs soient rentrés ou restés, ils ont suivi les préconisations des administrations, relayées par les entreprises. Le télétravail est devenu un standard pendant cette crise. Plusieurs mesures d’aménagement ont été mises en place notamment concernant les vacances annuelles dans le pays d’origine, soit avec une possibilité de report ou de déplacement dans la région. Les personnes rapatriées ont bénéficié de la mise en place d’un logement temporaire et d’une aide à l’installation à domicile et d’organisation du travail à distance.

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Hirut Kenfe, directrice du Cindex

Les entreprises doivent dresser des ambitions nouvelles de collaboration

Pensez-vous que cette crise aura un impact pérenne en terme de modèle de collaboration à l’étranger ?

La crise de la Covid a permis un éclairage sur les questionnements que nos entreprises doivent avoir sur toutes ces questions de modèles de collaboration. Notre intention au Cindex est de nourrir des tables rondes sur les enseignements de cette crise auprès de nos membres.

La crise montre que l’on peut travailler différemment, voire même de manière plus efficace à distance. Le télétravail ne peut cependant pas être le mode de collaboration privilégié pour certains secteurs comme dans l’industriel, dont les entreprises ont préféré des modes de présence en rotation sur site. Le télétravail a donc été une réponse rapide à la gestion de cette crise et possible grâce aux développements technologiques et outils mis à disposition. Les entreprises sont cependant toujours dans l’expectative par rapport à un modèle plus pérenne d’après crise.

L’expérience-employé est également un sujet majeur car les employés sont les premiers clients de l’entreprise. Les entreprises doivent dresser des ambitions nouvelles de collaboration pour les nouvelles générations de collaborateurs, notamment la génération Y, mais doivent aussi le faire pour les collaborateurs actuels. L’essor de la digitalisation peut poser la question des missions virtuelles mais elle implique toute une série de problématiques opérationnelles. Il y a également un vide juridique autour de ce modèle qui pose plusieurs question en termes de compliance (en matière d’immigration, de fiscalité, de sécurité sociale, etc.) L’expatriation virtuelle mettra des années avant d’être envisagée de manière pérenne sur un plan technique mais aussi culturel et managérial.

 

La digitalisation va permettre de nouvelles pratiques de collaboration

Vous publiez tous les trois ans une étude sur l’évolution des packages de rémunération consentis aux expatriés. Quelles tendances avez-vous pu observer ?

Il y a une évolution des modèles de mobilité depuis une dizaine d’années. Le modèle classique de l’expatrié qui bénéficie d’un package de rémunération et avantages très généreux, tend à être moins majoritaire. Nous constatons aujourd’hui qu’il y a une segmentation des politiques de mobilité plus importante pour permettre notamment une valorisation des jeunes talents. Les packages d’expatriation sont alors davantage focalisés sur des bénéfices essentiels comme la couverture santé, le logement ou la retraite.

Nous vivons également un paradoxe. La digitalisation va permettre de nouvelles pratiques de collaboration pour les entreprises mais également aux collaborateurs d’imaginer leur carrière autrement. Nous allons vers une mondialisation encore plus accrue du marché du travail. En même temps, nous sommes dans une guerre pour le leadership économique mondial entre deux blocs et de laquelle découle une tendance de régionalisation avec d’un côté la Chine et de l’autre les Etats-Unis.

 

Nous sommes très fiers de la convention conjoint

On parle souvent des difficultés liées au statut de conjoint-suiveur. Quels engagements prennent vos membres pour les accompagner, en général et en particulier lors de cette période mouvementée ?

Beaucoup d’entreprises fournissent des dispositifs de préparation à l’expatriation pour les employés et leur famille. Elles accompagnent par ailleurs le conjoint partenaire dans la recherche et l’évaluation du bassin d’emploi dans lequel il va se confronter dans son pays d’affectation.

Nous avons une spécificité dont nous sommes très fiers au Cindex : la convention conjoint. Cette convention a été mise en place en 2001 et a été signée par 34 de nos membres. Il s’agit d’un dispositif inédit : lorsqu’un salarié est expatrié par une société signataire, son conjoint, sous réserve qu’il soit également employé par un membre signataire, peut alors bénéficier d’un congé sabbatique de 5 ans maximum. Cela lui permet de sécuriser son contrat de travail pendant toute la durée de l’expatriation et de régler la question de l’emploi dans le pays d’origine. Ce dispositif est d’autant plus important avec la question des doubles carrières qui se pose de plus en plus aux entreprises dans le cadre d’une expatriation.

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