Julie Chapon, co-fondatrice de Yuka et ancienne élève de l’EDHEC Business School, bouscule les rayons alimentaires et cosmétiques. Son application permet de scanner les produits pour connaître leur impact sur la santé. Adoubé en France, Yuka part aujourd’hui à la conquête de l’international.
Comment est né Yuka ?
Julie Chapon - Yuka est né en 2016, par un des trois co-fondateurs, Benoit. Papa de trois enfants, il s’est un jour interrogé sur ce qu’il leur donnait à manger. Il s’est intéressé à la composition des aliments, en regardant les étiquettes dans les supermarchés. Benoit s’est rendu compte que la composition alimentaire était opaque, et a donc créé un outil pour la décrypter.
L’idée part donc d’un besoin personnel, et de-là nous avons créé un outil où le consommateur peut scanner le produit pour voir sa composition alimentaire.
Après l’alimentaire, Yuka s’est intéressé aux produits cosmétiques. Pourquoi ce choix ?
Les cosmétiques ne faisaient pas partie du projet au lancement. Après avoir reçu de nombreux retours de la part des utilisateurs, nous nous sommes également orientés vers les produits de beauté et d’hygiène. Après une cinquantaine de retours, nous nous sommes dit qu’il y avait un véritable besoin, et nous y avons donc répondu en 2018.
Comment sont calculés les scores des produits ?
Les scores des deux types de produits sont très différents, et ne sont pas calculés de la même manière. Le premier score, sur les produits alimentaires, repose sur trois critères : la qualité nutritionnelle (60% de la note du produit), la présence d’additifs dans le produit (30%), et la dimension biologique (10%).
Pour les cosmétiques, nous regardons l’ensemble des ingrédients présents dans le produit, le nombre d’ingrédients à risque et leur niveau de risque, et en fonction de cela, nous avons un algorithme qui définit la note.
Ce sont les marques elles-mêmes qui nous contactent
Yuka montre la nocivité de certains produits. Comment les marques réagissent-elles ?
Les marques réagissent très bien, même si des notes sont basses. Très rapidement, l’industrie agro-alimentaire a réagi en essayant de s’adapter. Nous échangeons avec des marques de manière constructive, et elles revoient la composition de leurs produits les plus catastrophiques. Aujourd’hui, Yuka est en contact avec la plupart des marques. Il y a un an, nous avons fait une grande mesure d’impact, où des industriels nous ont donné des exemples de produits qu’ils ont reformulé grâce à Yuka.
Ce sont les marques elles-mêmes qui nous contactent. Certains industriels viennent nous voir avec l’envie de modifier leurs produits, en nous montrant la nouvelle composition. Yuka est régulièrement sollicité en amont, dans la phase de conception des nouvelles gammes de produits.
On encourage les utilisateurs à rajouter directement via l’application
Yuka est présent dans une dizaine de pays, dont l’Australie tout récemment. Comment appréhendez-vous un nouveau marché ?
Quand Yuka se lance sur un nouveau marché, il y a plusieurs facteurs clefs à prendre en compte. Premièrement, la langue, puisque nous devons traduire toute l’application. Par exemple, en Australie, nous n’avions pas besoin de traduire l’application en anglais puisqu’elle est déjà présente aux États-Unis et au Canada. Mais en septembre, nous allons nous lancer en Italie, et là, nous devons tout traduire.
Nous avons un autre enjeu phare dans tous les pays qui est la construction de la base de données des produits. Dans les pays dans lesquels on se lance, nous avons un taux de reconnaissance bien plus faible que celui en France (99%). On ne se lance pas dans un pays sans avoir au minimum un taux de reconnaissance de 75%.
En se lançant dans un autre pays, on regarde les spécificités qu’il va y avoir, notamment à l’affichage de la valeur nutritionnelle. En Europe, les valeurs sont obligatoirement indiquées pour 100 grammes de produit. Aux États-Unis ou en Australie, ça va être par portion. Yuka doit donc adapter tout le contenu de l’application pour pouvoir récupérer les données par portion et les recalculer.
Le collaboratif est très important quand on se lance, notamment dans la construction de la base de données. On encourage les utilisateurs à rajouter directement via l’application les informations des produits inconnus. Aujourd’hui, nous avons un million et demi de produits dans notre base grâce à nos utilisateurs : nous enregistrons près de 2 000 contributions par jour.
Le Guide de l’alimentation saine explique les fondamentaux de l’alimentation
Pouvez-vous nous parler du Guide de l’alimentation saine, dont la sortie est prévue le 14 octobre ?
L’idée du livre est née du blog, où nous écrivons des articles sur la nutrition. Le blog est un complément à l’application, pour sensibiliser nos utilisateurs aux différentes thématiques autour de la nutrition. Il compte aujourd’hui 2 millions de visiteurs uniques par mois. De-là est née l’idée d’écrire un livre, pour décliner le site internet. Le Guide de l’alimentation saine explique les fondamentaux de l’alimentation, reprend les quatre repas de la journée, et propose une quarantaine de recettes adaptées aux recommandations du Guide.
Quels sont les projets pour Yuka ?
Yuka a deux grands projets d’ici la fin d’année. Premièrement, le développement international de l’application. Nous nous lançons dans trois nouveaux pays d’ici fin décembre : Italie fin septembre, Allemagne en novembre, et Portugal en décembre.
Le deuxième grand enjeu est le lancement en France, en novembre, de l’analyse de l’impact environnemental des produits alimentaires. Aujourd’hui, nous analysons l’impact sur la santé, mais cela fait un an que nous travaillons sur une méthode d’analyse et de notation des produits alimentaires sur l’impact environnemental. Ce sera une note à part de type ABCDE. Dans la méthode d’analyse, nous prenons trois critères en compte : l’amont agricole (culture et élevage), le process de transformation, le transport, et l’emballage.