Après des études à SKEMA Business School, Patrice Courtaban débute une longue carrière internationale dans le domaine de la télévision. Aujourd’hui expatrié à Los Angeles, il est à la tête de TV5 Monde États-Unis. Il revient sur son parcours académique et sur ses 17 années de carrière au sein de la célèbre chaîne francophone.
Lepetitjournal.com : Pourriez-vous revenir sur votre parcours académique et sur votre choix d’intégrer SKEMA Business School ?
Patrice Courtaban : Après une classe préparatoire, j'ai intégré le master en management de SKEMA Business School sur le campus de Sophia Antipolis. En dernière année, j’ai poursuivi le cursus au Royaume-Uni, à l'Université de Westminster. Cela m'a permis de valider un double diplôme avec Skema, et d’effectuer une première expérience professionnelle à Londres, dans le domaine de la télévision.
À l'époque, SKEMA n’avait pas encore développé le réseau international qui existe aujourd'hui, mais je trouvais que son implantation au sein de la technopole de Sophia Antipolis était une opportunité très intéressante et stimulante. Je me souviens aussi avoir eu un très bon premier contact lors des entretiens avec l’école et au fil des rencontres avec les élèves.
Ces raisons m’ont donc motivé à intégrer SKEMA, et j’ai en effet découvert au fil de mes études que l’école avait énormément de choses à offrir.
Nous avons eu la chance de bénéficier d’un enseignement de très haut niveau
Qu’est-ce qui vous a le plus marqué pendant votre formation ?
Nous avons eu la chance de bénéficier d’un enseignement de très haut niveau, avec des professeurs du monde entier, ce qui nous permettait de profiter d’une vraie ouverture sur l’international.
Avant d’entrer à SKEMA, je n’envisageais pas particulièrement de me lancer dans une carrière à l’étranger. Mais au fil des rencontres et des échanges avec les professeurs et les étudiants du monde entier, j’ai découvert toutes les opportunités qui existaient et j’ai développé un véritable intérêt pour l'international.
L'école est aussi très dynamique sur le plan associatif, et j’étais moi-même impliqué dans une association audiovisuelle. J’ai appris énormément de cette vie associative sur le plan professionnel et humain.
La formation que j’ai suivie à SKEMA était finalement très adaptée au monde de l'entreprise, et continue à l'être d'autant plus aujourd'hui. Je pense que Skema est sans aucun doute une véritable plateforme de lancement, qui m’a indéniablement offert une grande ouverture sur le monde.
Face à la crise sanitaire, cette mission est d’autant plus importante
Vous êtes actuellement membre du Board de SKEMA US Foundation. En quoi cela consiste-t-il et qu’est-ce que cette mission vous apporte ?
Il y a quelques années, SKEMA a décidé de créer une fondation américaine pour soutenir le développement du campus de Raleigh aux États-Unis. L’école m’a alors proposé de rejoindre le Board de cette fondation. Notre objectif principal est de trouver des financements pour proposer des bourses aux étudiants et développer les nombreux projets du campus.
Face à la crise sanitaire, cette mission est d’autant plus importante. Pour venir en aide aux étudiants qui rencontrent des difficultés dans le contexte actuel, SKEMA a d’ailleurs lancé une grande campagne de fundraising, que nous relayons ici pour récolter des fonds supplémentaires, en mobilisant notamment des alumni de SKEMA.
Faire partie de ce Board était pour moi une très belle occasion de renouer avec l’école et avec d’autres alumni. J’apprécie beaucoup de pouvoir donner de mon temps et de mettre mon expérience au service des projets ambitieux de la fondation.
Pouvez-vous revenir sur votre parcours professionnel et sur vos débuts à TV5 Monde ?
Après mon double diplôme à Londres, j'ai réalisé une première expérience professionnelle dans la capitale britannique, au sein d’une chaîne de télévision spécialisée dans les informations financières. C’était une première approche dans le secteur des médias, et c’est là que j'ai réellement commencé à apprendre le métier.
À la suite de cette expérience d’un an, j’ai effectué un CSNE (service obligatoire qui a précédé le VIE) à Stockholm, en Suède. Là-bas, j’ai continué à travailler dans les médias, pour une société qui représentait TV5 Monde dans les pays nordiques. Cette expérience très riche m’a permis d’apprendre une nouvelle langue, et de découvrir une culture fascinante. Cela m’a aussi mis en lien avec TV5 Monde.
Après deux ans en Suède, je suis rentré en France, à Paris, où j’ai pris la responsabilité de TV5 Monde sur la partie Europe de l'Est, Europe centrale et pays nordiques. C'est là que j'ai réellement intégré le siège de TV5 Monde.
Je me suis ensuite vu proposer le poste de COO (Chief Operating Officer) pour la chaîne TV5 Monde États-Unis, à Los Angeles. À l’époque, la chaîne n’était pas du tout présente sur le territoire américain, et les États-Unis étaient le dernier gros marché à conquérir. En effet, il faut savoir que les USA représentent le premier marché de la télévision payante dans le monde en termes de chiffres d'affaires. C'était un challenge de taille et une belle aventure qui s’est révélée être une vraie success story au fil des années.
Nous ciblons donc en priorité une audience francophile
Comment la chaîne a-t-elle évolué aux États-Unis ces dernières années ?
Au départ, nous avons donc démarré avec cette chaîne unique, TV5 Monde États-Unis, spécialement créée pour le territoire américain. Et aujourd'hui, nous proposons 7 services de télévision thématiques dans le pays. Nous avons donc énormément étoffé notre offre.
Je précise d’ailleurs que la majorité de nos abonnés sur le territoire sont avant tout des Américains, car il y a en effet un grand intérêt pour la culture internationale. Nous ciblons donc en priorité une audience francophile, et tous nos programmes sont sous-titrés en anglais.
Aujourd’hui, notre offre regroupe, en plus de la chaîne principale TV5MONDE États-Unis : une chaîne entièrement pour les enfants (TiVi5MONDE), une chaîne d’art de vivre (TV5MONDE Style) ; la chaîne TV5MONDE Info ; et la chaîne TV5MONDE Voyage, qui regroupe à elle seule 400 000 téléspectateurs par mois.
Nous avons aussi mis en place deux services à la demande : un service de cinéma français et un service de documentaires (TV5MONDE Docs). Nous proposons aujourd’hui l’offre thématique la plus importante de la chaîne. Seul groupe de télévision francophone présent sur le territoire américain, nous sommes de plus en plus reconnus dans le secteur.
TV5 Monde États-Unis a d’ailleurs récemment fait partie des nominés d’une grande cérémonie de remise de prix, qui récompense l'excellence des chaînes de télévision sur le territoire américain. C’était pour nous un vrai succès d’accéder à cette reconnaissance, et d'être sélectionnés aux côtés d’autres grandes chaînes américaines, telles que Discovery Channel.
D’autre part, je suis actuellement membre du Board de NATPE, une organisation qui représente l'ensemble des acteurs de la télévision aux États-Unis (studios, producteurs indépendants, diffuseurs...) et qui regroupe les plus grands dirigeants de l’industrie du pays.
Les États-Unis sont aujourd’hui le premier marché en termes de recettes pour la chaîne
Que représente le marché américain pour TV5 Monde aujourd’hui ?
Pour bien comprendre, il faut savoir que TV5 Monde regroupe aujourd’hui un réseau de 10 chaînes de télévision dans le monde entier. Chaque chaîne possède sa propre programmation pour le territoire qu'elle dessert.
La spécificité du marché américain, c'est que nous y avons lancé une chaîne payante. Les téléspectateurs américains doivent donc souscrire un abonnement supplémentaire à leur offre de base pour recevoir TV5 Monde États-Unis.
Par conséquent, notre programmation est très axée premium, avec du cinéma récent, du sport, des séries, un certain nombre de productions locales et aucune publicité. Grâce à cette offre, les États-Unis sont aujourd’hui le premier marché en termes de recettes pour la chaîne.
Il faut aussi rappeler que l’industrie connaît actuellement une transformation radicale face au streaming. Aujourd’hui, les acteurs traditionnels cherchent à reprendre la main sur ce marché qui a démarré avec des plateformes comme Netflix ou Amazon.
De très grandes sociétés médias lancent donc de plus en plus de services de streaming et misent tout sur ce nouveau modèle économique en D2C (Direct to Consumer). C’est le cas de Disney +, Paramount, HBO Max, Peacock.tv…
Toutefois, s’il est indéniable que le streaming est en pleine croissance, les États-Unis restent le premier marché au monde en termes de Pay TV traditionnelle, avec un chiffre d’affaires de 90 milliards de dollars en 2019. À titre de comparaison, le deuxième plus grand marché de télévision payante est la Chine, qui génère près de 10 milliards de dollars de recettes. Donc même s’il est certain que le marché est en déclin, il reste encore très important et les États-Unis sont vraiment le moteur de cette tendance.
Auriez-vous des conseils à donner aux jeunes diplômés qui souhaiteraient construire une carrière internationale ?
Je pense que lorsque l’on passe par une école comme SKEMA Business School, on a beaucoup d’objectifs et une grande ambition professionnelle. Mais je crois qu’il est essentiel de rester ouvert aux opportunités qui se présentent, et de se rappeler qu’un parcours n’est pas figé à la sortie de l’école. Au contraire, il se dessine au fil des années, et c’est ça qui est formidable.
Je pense aussi que l’adaptabilité est une qualité essentielle à développer. Notre monde change en effet très rapidement, et les façons de travailler évoluent en permanence comme nous le constatons aujourd’hui. L'adaptabilité est, d’après moi, la première qualité qu'un manager ou un dirigeant doit avoir dans le monde d'aujourd'hui.
Interview réalisée par Soraya Benaziza