Après quelques années dans l’enseignement, Pascal Lavagna, originaire de Monaco, réalise un virage à 180 degrés pour rejoindre le célèbre Casino de Monte-Carlo. Il nous raconte son évolution au sein du groupe monégasque, de ses débuts en tant que Croupier jusqu’à son poste actuel de Directeur Financier. Il revient aussi sur son passage à SKEMA Business School, école de commerce de renom qui lui donne les clés pour la suite de sa carrière.
À SKEMA, j’ai appris à mettre en application toutes ces notions dans la vie professionnelle
Quel a été votre parcours académique et professionnel ?
J'ai d’abord travaillé en tant que Professeur de Monégasque en école primaire et au collège à Monaco. Puis, en 2003, j'ai intégré la Société des Bains de Mer, au sein des Caisses du Casino de Monte-Carlo dans un premier temps, puis comme Croupier pendant presque dix ans. C’est alors que j’ai constaté que suite à la crise de 2008, la Société rencontrait des difficultés, et qu’elle était déficitaire chaque année. J’ai donc souhaité apporter ma contribution, car en tant que monégasque, cette entreprise fait partie de notre patrimoine, et je trouvais très important de le préserver et de le pérenniser.
J’avais beaucoup d’idées pour aider l’entreprise à se redresser, mais j’ai tout d’abord voulu obtenir une certaine légitimité, en réalisant une formation diplômante exigeante et de qualité en parallèle. Je m’étais inspiré d’une initiative de Mme Puons, la Directrice des Ressources Humaines de la SBM à cette époque.
J'ai donc d’abord obtenu une Licence en sciences de gestion à l’Université de Montpellier. Puis, sur les conseils du Président de notre Société, M. Jean-Luc Biamonti, j’ai décidé de poursuivre par un Master en finance. J’avais eu de très bons échos de SKEMA Business School de la part du Directeur Financier de la SBM, M. Yves De Toytot (PGE 1982) et de certains amis qui en étaient diplômés. C’est ainsi que j’ai pu intégrer le Master Audit & Finance du Programme Grande École de SKEMA Business School, sur le campus de Sophia Antipolis. Nous avions des horaires adaptés, ce qui me permettait de continuer à travailler au casino en parallèle.
Ma précédente formation à Montpellier était très technique, et m’a permis d’acquérir des bases solides. À SKEMA, j’ai appris à mettre en application toutes ces notions dans la vie professionnelle. J’ai aussi beaucoup aimé la pédagogie de l’école, qui met l’accent sur le travail en équipe, l’ouverture sur le monde, l’humilité, la cohésion entre étudiants…
Aujourd'hui, je suis d’ailleurs toujours en contact avec des camarades de promo et je participe régulièrement aux événements organisés dans ma région. Je fais également partie du jury d’admission pour les concours d’entrée à SKEMA Business School. C’est quelque chose qui me plaît beaucoup, et j’y participe toujours avec grand plaisir.
J’ai beaucoup travaillé sur la gestion du risque
Quelles actions avez-vous menées au sein du casino après votre formation ?
En parallèle de mes études, j’ai été détaché dans d’autres services de l’entreprise : le Marketing Jeux puis le Contrôle de Gestion du groupe SBM. J’avais déjà une connaissance du terrain après 12 années au sein de l’entreprise, et ces nouvelles expériences m'ont permis de construire une vision plus globale de la société.
Quand j’ai été nommé à la Direction Financière des Casinos, l'objectif était d’abord de remettre les jeux à l’équilibre.
Jusqu’alors, notre offre était très focalisée sur une clientèle principalement européenne et notamment italienne, et le Directeur Général des Jeux, M. Pascal Camia a souhaité que l’on s’adresse davantage à une clientèle mondiale. Nous avons donc créé une offre commerciale spécifique pour le marché asiatique, adaptée aux attentes et coutumes de ces joueurs. Ce programme nous a permis d’augmenter significativement notre chiffre d’affaires et d’améliorer notre rentabilité. Nous avons ensuite réalisé la même opération pour le continent américain.
J’ai aussi beaucoup travaillé sur la gestion du risque, une approche adoptée par très peu de casinos, mais que nous avons décidé de mettre en place à Monte-Carlo. Cela nous permet de prendre des décisions plus réfléchies.
Une autre grande initiative que nous menons actuellement avec un autre diplômé de SKEMA, Thomas Catanese (STEM 2017) est la mise en place de formations. Le personnel possède déjà une très bonne formation de terrain, à laquelle nous souhaitons apporter davantage de connaissances stratégiques, marketing et surtout mathématiques qui gouvernent tous les jeux dans un Casino !
Je leur explique donc le fonctionnement, les raisonnements réalisés, la façon dont l’information est traitée, les indicateurs clés à connaître… Tout cela de manière ludique car étant un ancien Croupier, nous parlons le même langage. Cela nous permet de commettre moins d’erreurs.
Nous sommes parvenus à redresser l'activité de manière assez spectaculaire
Quels ont été les résultats de ces différentes actions ?
Toutes ces actions ont contribué au développement du chiffre d’affaires tout en maîtrisant nos coûts. À l’échelle du Groupe, nous sommes parvenus à redresser l'activité de manière assez spectaculaire : la Société est ainsi passée de -30 millions à +20 millions de résultat opérationnel en l’espace de 5 ans. Cela nous permet également de renforcer notre crédibilité face à l'ensemble des acteurs du monde des jeux et de refaire du Casino de Monte-Carlo une référence mondiale.
Quelle est la particularité du business model des casinos ?
Il n'y a en fait qu'une seule spécificité dans le monde des casinos : il existe une différence entre le chiffre d'affaires réalisé, et le chiffre d'affaires qu'on aurait dû réaliser. La variable, c'est le facteur chance. Contrairement à ce que l’on peut penser, le « hasard n’existe pas car la chance est calculable ». Et mon rôle, c’est de calculer cette chance.
En fonction de la façon de jouer des clients, nous sommes capables de calculer un risque, une volatilité. Et l’on va essayer de compenser cela par ce qu'on appelle de la contrepartie, c'est-à-dire avec d'autres joueurs de même niveau. En effet, si l’on n’a qu'un seul joueur VIP, on s'expose à une grande volatilité. On essaie donc d’avoir plusieurs joueurs aguerris, et, de manière générale, d’avoir beaucoup de volume de jeu, c’est-à-dire beaucoup de mises, car cela a tendance à niveler la volatilité. De mauvais calculs en amont peuvent donc vraiment mettre en péril l’activité d’un casino.
Je dois beaucoup à cette école qui m’a permis d’évoluer professionnellement
Votre formation à SKEMA Business School vous a-t-elle préparé à la réalité du monde de l’entreprise ?
L’un des gros atouts de l’école était d’offrir une formation ancrée dans la réalité. L’enseignement était très pratique et concret, avec beaucoup d’études de cas et de mises en situation. Aujourd’hui, 80 % de ce que je fais dans mon travail au quotidien, je le faisais aussi pendant mon cursus à SKEMA Business School. Cette formation m’a également appris à manager avec une vision transversale, à composer avec différentes personnalités, à reconnaître et à développer les compétences de chacun… Aujourd’hui, mon département comprend une trentaine de personnes réparties dans 4 services différents et je suis fier de voir que les équipes sont totalement autonomes au quotidien. Je dois beaucoup à cette école qui m’a permis d’évoluer professionnellement et d'occuper des fonctions dans lesquelles je peux avoir une vraie influence sur l'avenir de la société.
Il faut savoir faire preuve de ténacité
Quels conseils de carrière donneriez-vous aux jeunes diplômé.es de SKEMA Business School ?
Le premier conseil, qui est aligné à la philosophie de l’école, c'est de rester très humble, quel que soit son niveau hiérarchique. Par exemple, il ne faut pas hésiter à admettre lorsqu’on n’a pas la réponse à un problème. Cela aide beaucoup à créer un lien de confiance, que ce soit auprès de ses collègues de travail, de ses supérieurs, ou de ses équipes. Selon moi, c’est aussi très important de donner du sens à son travail, et de comprendre l’intérêt de ce que l’on fait au quotidien.
Je pense aussi qu’il faut savoir faire preuve de ténacité, croire en ses idées et ne pas abandonner au premier obstacle ou à la moindre complication. Je me souviens d’ailleurs d’une expérience qui démontre très bien ça : quand j’ai pris mes fonctions au contrôle de gestion du groupe, j’ai remarqué que nous avions des dépenses assez importantes liées à la destruction du matériel, et notamment des cartes de jeu. Je trouvais ça étrange que certains casinos vendent leurs cartes usagées, alors que nous, nous payions pour les détruire ! Il m’a alors été indiqué qu’il nous était interdit de revendre les cartes. J’ai voulu vérifier cette information par moi-même auprès du Directeur Juridique et de la Police des Jeux, qui m’ont expliqué que c’était en fait possible, à partir du moment où l’on distinguait les cartes usagées des cartes en service. C’est ce que nous avons fait, et aujourd’hui, les cartes de jeu figurent parmi les articles les plus vendus du Casino de Monte-Carlo ! C’est donc essentiel de ne pas s’arrêter à des a priori, de vérifier les informations auprès du bon interlocuteur, de se poser les bonnes questions et de ne pas abdiquer rapidement.