Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

Grain de Sail : vent debout pour un fret maritime décarboné

grain de sailgrain de sail
Écrit par Natacha Marbot
Publié le 6 avril 2023, mis à jour le 5 juin 2023

Grain de Sail est la promesse d’un café et d’un chocolat bio, dont les matières premières sont importées en voilier, à la seule force du vent. Entreprise bretonne aventurière, Grain de Sail incarne une nouvelle vision de l’entreprise (réellement) responsable. Rencontre avec Stefan Gallard, directeur marketing de l’entreprise. 

 

72% des importations françaises sont transportées par voie maritime et même s’il s’agit de la solution la moins onéreuse de transport de marchandises, c’est sans compter les externalités négatives de la pollution engendrée. “Le coût écologique du transport n’est pas du tout pris en compte, pire, il est même subventionné !” 40% du transport mondial sert à transporter … de l’énergie pour le faire fonctionner (pétrole, fuel, gaz). 

Des éoliennes aux voiliers, l’idée de deux frères 

Au début des années 2010, les frères Jacques et Olivier Barreau, tous deux issus du commerce de l’énergie renouvelable, se sont intéressés au transport maritime décarboné : “Ils travaillaient dans l’éolien offshore donc finalement ils sont restés dans la même dynamique : capter le vent pour des approches plus vertueuses et durables du transport.” Le vent et donc le voilier leur est vite apparu comme la meilleure solution, “qui ne nécessitait pas de technologie très poussée et compliquée, comme l’hydrogène.

 

Olivier et Jacques Barreau
Olivier et Jacques Barreau

 

L’idée était ainsi née. Un cargo voilier, à inventer. “Les frères ont essayé de voir s'il était possible de récupérer des bateaux déjà existants, ils ont même pensé aux anciennes frégates ! Mais aucun n'était adapté”. Le bateau est alors réfléchi et conçu durant deux ans, sans cependant être construit pour le moment, faute de moyens. “Pour financer le navire, il fallait avoir déjà des contrats pour le remplir, afin d’aller voir des investisseurs et leur expliquer l’intérêt du projet.” 

Un problème se pose immédiatement : le coût du transport. Pour rentabiliser un moyen de transport, il faut pouvoir déplacer le plus possible sur un même trajet. Or, “le transport vélique implique que les bateaux soient plus petits.” Comment alors convaincre des clients ? Même si des marques sont séduites par la démarche, cela ne suffit pas dans un premier temps. 

 

Voilier de Grain de Sail à New York

D’une entreprise terrestre au transport maritime 

Alors Grain de Sail découpe son plan en étapes. “La première pièce du puzzle, le voilier, devient en fait la dernière.” L’entreprise lance d’abord un commerce “terrestre”, pour financer la future construction du bateau. En réfléchissant à ce qu’un voilier pourrait transporter d’un bord de l’Atlantique à l’autre, et qui pourrait être transformé et valorisé une fois arrivé, l’attention de Grain de Sail se porte naturellement sur le café et le cacao. “On achemine du café vert qu’on torréfie et dont on fait un café noble.” La torréfaction ouvre à Morlaix en 2012. “Ce business modèle sur mesure permet au consommateur de ne pas sentir le prix du transport sur le produit final.” 

En 2015, la fabrication du chocolat est lancée et pour l’instant, Grain de Sail “fonctionne sur un projet” car elle n’a pas encore de voilier-cargo. “On dit au consommateur : en achetant notre produit, voici ce que vous aidez à réaliser, c’était quelque part un pari !” En attendant, le cacao et le café, tous deux biologiques et de filière éthiques, sont transportés par fret maritime conventionnel. 

 

Stefan Gallard et la chocolaterie à Morlaix
Stefan Gallard et la chocolaterie à Morlaix

“Il n’est pas question de superprofits ni de dividendes

La tablette de chocolat se vend à environ 3€. “Sur ces 3€, on compte 12 centimes de coût de transport”. Pour cela, Grain de Sail décide de faire du volume, et de vendre dans les grandes surfaces “même si cela nous est parfois reproché”. D'autres mesures permettent de réduire les coûts : “L’écart de salaire du plus haut au plus bas est de 1 à 3, et le plus bas reste à 18% au-dessus du SMIC. Il n’est pas question de superprofits ni de dividendes.” 

En 2020 enfin, arrive le premier voilier-cargo. “Ce premier voilier, assez petit, est un investissement de 2 millions d’euros et le deuxième, actuellement en construction, nous coûte 10 millions.” Avec les deux voiliers, Grain de Sail espère pouvoir transporter la totalité des matières premières nécessaires et à terme, faire du fret. En tout, ce seront 1500 tonnes de marchandises transportées par an par voilier, contre 100 aujourd’hui. 

 

chocolat grain de sail

Le café et le chocolat font le tour du monde sans émettre (presque) de carbone

Le voilier suit le chemin historique de la transatlantique : il part de Saint Malo chargé de vin, débarque à New York, puis rejoint la République dominicaine pour rentrer en France avec le cacao et le café. “Pour remplir les cales du voilier, il faut des produits premium, qui ne souffriront pas du surcoût lié au transport. On se dirige donc vers du champagne, des spiritueux, du vin bio-dynamique du Languedoc …

Les tablettes Grain de Sail se trouvent aujourd’hui dans la plupart des grandes surfaces françaises. Vendre à l’étranger ? “Nous ne faisons pas venir du chocolat en voilier pour qu’il fasse ensuite 10.000 km en camion, ça serait contre productif. Alors nous avons décidé de limiter la distribution à 700 km de l’usine.” Prochainement, Grain de Sail ouvrira une usine à Dunkerque. “On pourra alors réfléchir à vendre au Bénélux, dans une partie de l’Allemagne, voire au Danemark et au Royaume-Uni.” 

 

Pensez aussi à découvrir nos autres éditions

© lepetitjournal.com 2024