Vivre à Dublin est pratiquement toujours synonyme de vivre en colocation, du moins dans les premiers temps. Le concept de studio étant pratiquement inexistant, le partage d'une maison ou d'un appartement est devenu naturel et évident pour les Dublinois. Mais vivre en colocation, qui plus est avec des personnes que l'on ne connait pas forcément, n'est pas une mince affaire. Expérience inoubliable, pour le meilleur ou pour le pire, nous avons recueilli des témoignages de Français qui vivent en colocation.
Choisir sa colocation : à 2 ou à 20 ?
A Dublin, tous les choix sont possibles : de la colocation à 2,3 ou 4 avec ses amis français, ou à 20 avec des parfaits inconnus de toutes les nationalités, il y en a pour tous les goûts, mais surtout pour tous les budgets !
Caroline, à Dublin depuis septembre 2013, est passée par 3 colocations : ‘' Dans ma première colocation il y avait 18 personnes ! 4 Allemands, un Japonais, 4 Français, 4 Irlandais, un Danois, un Indien, 3 Brésiliens. Dans ma deuxième colocation nous n'étions que quatre ou cinq, 3 Français et deux Finlandais. Et maintenant, je suis dans une colocation de 20 personnes ! Il y a tellement de monde que je ne connais pas encore, que je ne peux pas être exacte sur les toutes les nationalités, mais majoritairement Espagnols, Brésiliens, Grecs, Irlandais, Anglais, Pakistanais, Indiens, et une autre Française.''
Lise: ‘'Je conseillerais à tout le monde de vraiment bien choisir : après le problème c'est qu'ici, tu ne peux pas, tu prends ce que tu trouves !''
Sébastien, à Dublin depuis 3 ans, et après trois colocations, a choisi de vivre désormais avec un ami français. ‘'A mon âge, 33 ans, je ne prends pas le risque d'habiter avec un ‘'party animal'' (fêtard) ou quelqu'un avec qui je ne me sens pas à l'aise. Mon colocataire est aussi ‘'mon business partner'', alors l'entente est fusionnelle !''
Marvin, lui, a choisi l'option Eazy Dublin, un organisme qui organise, entre autres, des colocations: ''6 personnes vivaient avec moi au maximum, et en 6 mois j'ai vu passer pas mal de colocataires: Canadien, Allemand, Américain, Brésilien, Uruguayen, Italien, Portugais et Français. Comme je suis passé par un organisme, je n'avais pas le choix des colocataires, mais l'organisme faisait en sorte de mettre différentes nationalités dans une même colocation.''
Après bien-sûr, il y a la question existentielle: doit-on faire une colocation avec d'autres français, pour privilégier le côté pratique et confortable, ou doit-on plonger dans l'inconnu et refuser d'habiter avec des Français ?
Alexandre, à Dublin depuis septembre 2014 explique : ‘'Nous sommes 4 dans l'appartement, deux par chambre : un Allemand, un Danois, un Mexicain et moi. Je ne souhaitais pas me retrouver avec un Français, car je n'allais pas me forcer à parler Anglais et le but de ce séjour linguistique est de repartir avec de bonnes bases en anglais. C'est pour cela que j'ai choisi de n'être qu'avec des étrangers.''
Martial: ‘'Personnellement je ne voulais pas de Français mais j'ai pris ce qui était disponible et j'ai eu de la chance, car j'étais avec deux Brésiliennes et un Mexicain.''
Caroline: ‘'Les nationalités de mes colocs m'étaient égales, hommes, femmes, hétéro/homosexuels, étudiants/professionnels, je ne suis vraiment pas compliquée tant que la règle du respect de l'autre est appliquée. Lorsque je suis arrivée à Dublin au tout départ, je penchais vers "pas de Français", mais je n'ai jamais repoussé quelqu'un, ou été désagréable parce qu'il/elle était français(e), et cela m'a appris que c'est tout de même chouette d'avoir des gens qui parlent sa langue et qui partagent la même culture de temps à autre.''
Cohabiter avec des étrangers
Être en colocation, cela veut dire premièrement cohabiter avec d'autres personnes, partager sa cuisine, potentiellement sa salle de bain, et même peut-être sa chambre. Cela veut dire croiser ces gens le matin au réveil, le soir au coucher, en allant aux toilettes, à la douche, en mangeant. Alors faut-il sacrifier toute velléité d'hygiène ou de vie privée ?
Caroline: ‘'Dans ma première colocation à 18, je ne partageais pas ma chambre mais je partageais la salle de bain et la cuisine. Mais c'était étonnamment très propre (niveau de propreté, 7/10) ! Dans la colocation à 5, c'était niquel la plupart du temps (niveau de propreté 9/10), mais je partageais ma chambre avec une autre Française donc je n'avais pas vraiment de vie privée. Dans ma nouvelle colocation, à 20, je ne partage ni ma chambre ni ma salle-de-bain, car j'ai une ‘'ensuite''(ndlr : chambre avec salle de bain). J'ai même mon propre frigo dans ma chambre ! Heureusement, car je suis très déçue du niveau de propreté, je lui donne 5/10 maximum : je ne suis pas toujours satisfaite de faire la cuisine dans des locaux peu entretenus. A moins de faire le ménage soi-même, c'est rarement propre comme je le voudrais.''
Alexandre quant à lui, partage tout: 'Je partage ma chambre avec le Danois, ce qui peut s'avérer pénible car nous avons tous besoin d'intimité, mais je relativise en me disant que je ne resterai pas dans ma chambre à longueur de journée et en profiterai pour voir un peu du pays, rencontrer de nouvelles personnes lors de mes excursions en ville etc… Je partage aussi ma salle de bain et cela se passe très bien étant donné que nous avions fixé des règles d'hygiène, idem pour la cuisine. Je noterai la propreté de ma colocation à 8/10. Par contre tu n'as plus trop de vie privée, c'est ce qui me manque un peu de temps en temps, mais c'est un sacrifice nécessaire à la colocation.''
Marvin: ''Après un mois de colocation, nous avons eu une ''réunion'' entre colocs pour instaurer des règles, le problème c'est qu'avec un turnover incessant il est difficile de faire des réunions toutes les deux semaines pour chaque nouveau, et donc parfois la propreté des parties communes laissait à désirer.''
Sébastien, qui a fait le choix de vivre avec un ami, n'a besoin de faire aucun sacrifice : ‘'10/10 : aucun sacrifice au contraire, tout est toujours parfaitement propre, nous sommes rigoureux sur l'hygiène et le bien-être dans notre maison. De plus notre vie privée, professionnelle et amicale est complètement mélangée car nous sommes à la fois amis, ‘'business partner'' et colocataire. Nous comprenons complétement avoir certains moments le besoin d'être seuls, cela se fait naturellement.''
Les colocataires : des amis exceptionnels ou des inconnus qui partagent votre maison ?
Et enfin, la question la plus essentielle : est-ce que les fameux colocataires sont vos amis ? Car toutes les colocations ne ressemblent pas au film l'Auberge espagnole de Cédric Klapisch !
Alexandre: ‘'Je suis très satisfait de ma colocation car elle m'a permis de découvrir d'autres cultures avec des personnes étrangères, d'améliorer mon anglais et me faire de nouveaux amis, ce qui est important également. Je souhaite rester en contact avec eux et pourquoi ne pas faire un beau voyage au Mexique par exemple afin de rendre visite à l'un d'entre eux. Au début, nos rapports étaient basés sur le respect. Dès que quelque chose n'allait pas nous en parlions afin d'améliorer la situation tout en restant bien évidemment courtois et poli. Mais ils sont ensuite devenus amicaux car tous les samedis soir nous faisions des apéritifs à la maison avant de sortir tous ensemble ce qui nous a soudés. Nous sommes comme une petite famille en fait.''
Marvin: ''Ayant vu beaucoup de monde défiler en 6 mois, cela dépendait souvent du temps qu'ils restaient dans la maison, de nos horaires respectifs. J'ai donc eu par exemple de très bons rapports avec deux Allemands que je voyais souvent à la maison et qui sont restés 2 mois, comme j'ai pu avoir des rapports quasi inexistants avec d'autres que je ne voyais quasiment jamais (ils avaient des horaires différents, ou ne restaient jamais dans les parties communes de la maison).''
Caroline : ‘'Je trouve que dans chaque colocation, il y a une ambiance différente. J'ai adoré ma première colocation à 18, car nous étions tous devenus très proches, sortions ensemble en grand groupe, il y avait toujours quelqu'un avec qui discuter dans la cuisine, quelqu'un dans le salon pour regarder un film, pour aller boire un verre ou faire un billard, c'était assez exceptionnel. On ne faisait pas de soirée à la maison, c'était interdit par le ‘'landlord'(ndlr : propriétaire)'. Ce fut bref, 6 mois, mais intense. La deuxième coloc était beaucoup plus tranquille, plus ‘'entre Français'', ça ne m'a pas déplu mais ça n'a pas été mon expérience la plus forte. Et là, à 20, le fait d'être quasiment la seule Française et quasiment la seule étudiante, presque tous mes autres colocs travaillent, je me sens parfois un peu mise à l'écart. Il y a beaucoup d'Espagnols dont le niveau d'anglais n'est pas exceptionnel, donc ils parlent entre eux et ne font pas forcément l'effort de m'inclure dans leurs conversations. J'y habite depuis 8 semaines et je commence tout juste à me faire à l'ambiance générale, à faire partie un peu du décor et discuter avec les autres mais nous nous croisons rarement (difficile à croire à 20, mais il y a rarement plus de 4/5 personnes dans la cuisine).''
Martial raconte : ‘'Mes rapports étaient mitigés : je m'entendais très bien avec le Mexicain avec qui je partageais ma chambre mais malheureusement pas du tout avec les deux Brésiliennes qui occupaient l'autre chambre. Par exemple, quasiment tous les matins nous avions droit à des mots accrochés sur le toaster ou le four ou la table pour nous reprocher quelque chose. Génial pour commencer sa journée ! Cela mettait une sale ambiance. Malgré cela celui avec qui je partageais ma chambre est devenu un véritable ami et je ne regrette pas du tout cette expérience.''
Lise: ‘'J'ai pu rencontrer des gens super par l'intermédiaire de mes colocs et aussi économiser beaucoup sur le loyer en ayant toujours une chambre pour moi. Mais disons qu'au début cela se passe toujours bien, et puis cela se dégrade : quand tu vis avec des étudiants ou des gens vraiment radins, (ceux que j'ai côtoyés étaient vraiment proches de leur sous, à quelques centimes près), c'est un cauchemar pour régler les dépenses communes ! Et en règle générale, je me suis rendue compte que la plupart des gens n'ont aucune mauvaise conscience et sont prêts à mettre l'autre en mauvaise position sans le moindre état d'âme. J'ai vraiment découvert l'individualisme et l'égoïsme des gens même si tu partages une maison pendant plusieurs mois, ma plus grosse déception.''
Alors, le bilan ?
Caroline: ‘'J'aime la colocation et je pense en refaire à l'avenir, mais je ne conseillerais pas celle dans laquelle je suis actuellement. Je préfère partager un logement et rencontrer des gens plutôt que de vivre dans un studio, seule. Cependant, avec le temps, mes attentes s'affinent et je vois vraiment ce que j'aime et ce que je n'aime pas dans une coloc. Je trouve qu'il est important d'avoir des moments de partage, par exemple le dîner, ou de passer une soirée ensemble de temps en temps, afin de connaître les gens avec qui l'on habite.''
Alexandre: ‘'faites une colocation avec des étrangers !''
Marvin: ''Si vous restez relativement longtemps, ne passez pas par un organisme, pour avoir une colocation plus stable''
Martial: ‘'si votre budget vous le permet, prenez une chambre individuelle !''
Si la réussite d'une colocation semble dépendre du facteur chance, il ne faut pas oublier que l'on est toujours le colocataire de l'autre… Ce qui nous semble évident, comme allant de soi, est très souvent bousculé par l'apprentissage de l'autre et de sa culture. Si le facteur chance est prépondérant lors des premières colocations (s'il y en a plusieurs), la connaissance de soi et de ses attentes se renforcent au fil du temps, et les recherches de colocations s'orientent alors selon de nouveaux critères (nationalité, âge, valeurs, etc.). Mais comme l'ont bien souligné la plupart des expatriés interrogés, à Dublin, la colocation est la norme, vous aurez rarement le choix. Alors selon vous, la colocation, une chance ou une contrainte ?
Audrey Lalli