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Christophe Mugnier-Pollet nous fait découvrir le monde de l'éolien

Christophe Mugnier-Pollet de Vestas Wind Systems Christophe Mugnier-Pollet de Vestas Wind Systems
Écrit par Joëlle Borgida
Publié le 12 avril 2021, mis à jour le 23 septembre 2021

Nous avons rencontré Christophe Mugnier-Pollet, VP Global Supply Chain chez Vestas qui évoque avec nous le secteur de l’éolien.

 

Quel a été votre parcours ?

J’ai commencé à travailler en 1998 chez Schneider Electric où je suis resté 17 ans dont une dizaine d’années en France puis 7 ans en Asie : 4 ans à Hong Kong et 3 à Singapour.

J’occupais des fonctions de production, de logistique dans le domaine de la supply chain. A mon retour d’expatriation, le groupe suisse ABB m’a proposé un poste toujours dans les mêmes métiers et je suis resté 5 ans à Genève.

J’ai rejoint Vestas en août 2019. J’ai commencé avec un poste de transformation : définir et déployer la stratégie autours des fonctions de supply chain et, juste avant le début de l’épidémie de Covid, j’ai également repris une partie des opérations. Cela n’a pas été une année évidente au niveau opérationnel car il y a eu beaucoup de contraintes dans les usines ou dans le transport mais finalement l’intégration s’est faite d’autant plus rapidement, il fallait comprendre et agir vite !

 

Pouvez-vous nous expliquer quelles sont les activités de Vestas ?

Vestas Wind Systems A/S est le 1er producteur mondial de systèmes de génération d’énergie éolienne et compte 29 000 employés.  Elle est cotée à la bourse de Copenhague et est un des fleurons de l’industrie danoise.

Nous fabriquons, vendons et installons des éoliennes (86% du CA) et nous nous occupons aussi de leur maintenance (14% du CA).

Nous avons eu 50% de croissance sur les deux dernières années. Vestas a réalisé un chiffre d’affaires de 14.8 milliards d’euros en 2020, soit une augmentation de 22% par rapport à l’année précédente, et ce, malgré la pandémie.

Nos principaux marchés en 2020 ont été  : les Etats-Unis où, malgré la présidence Trump, l’investissement dans les énergies renouvelables a continué, l’Europe : en Europe du Nord, l’industrie est née au Danemark mais en Europe du Sud aussi avec l’Espagne et l’Italie et en Chine, au Brésil et en Australie.

Vestas vendait à ses débuts du matériel agricole et a commencé à faire des petites éoliennes : vous pouvez encore voir d’anciens modèles toujours en activité dans la campagne danoise; les livraisons se faisaient avec de petits camions pour vous donner une idée de la taille. Il y a 20 ans des voisins se regroupaient pour acheter une éolienne et c’est comme cela que ce marché s’est développé. La tendance est à des installations de plus en plus grandes car elles sont plus rentables et nous avons plutôt affaire désormais à des parcs d’éoliennes financés par de gros investisseurs comme des fournisseurs d’électricité.

 

Peut-on parler de management à la danoise ?

Pour l’instant, j’aurais encore du mal à dire si ce que je perçois est plus lié à l’entreprise ou au pays mais je ne vois pas de différence fondamentale avec mes expériences précédentes à part peut-être le fait que les décisions se prennent rapidement.

Vestas est encore une peu comme une PME qui aurait grandi vite mais qui a conservé en même temps un esprit d’entreprendre.

On décide vite

Chez Vestas, l’environnement est très international surtout sur le site de Copenhague mais mes collègues essentiellement danois ont l’habitude de travailler avec tous les pays du monde.

Les étrangers viennent travailler chez Vestas car ils sont sensibles à son activité dans les énergies vertes, aux problématiques environnementales alors que les Danois y travaillent car c’est une des plus importantes entreprises danoises.

 

De quoi est composée une éolienne ?

- d’une tour en acier,

- d’une nacelle qui comprend une boite de vitesse, un générateur et un convertisseur, tout ce qui va en fait convertir le mouvement rotatif en électricité,

- et de pales fabriquées à partir de matériaux composites : fibres de verre, de carbone pour allier résistance et légèreté.

Toutes ces parties sont fabriquées en usine puis assemblées sur site car elles sont très volumineuses. Pour certains projets qui dureront plusieurs années, une usine sera créée dans le pays comme c’est le cas pour un contrat que nous avons à Taïwan actuellement.

Une éolienne a une durée de vie de 25 à 30 ans mais des études sont en cours pour que la turbine soit complètement recyclable. Ainsi l’acier de la tour pourrait être remplacé par du bois, nous venons  d’ailleurs d’investir dans Modvion, une startup qui fait des tours en bois. Nous faisons aussi des recherches pour améliorer la « recyclabilité » des pales faites de matériaux composites.

 

Quels sont vos principaux concurrents ?

Il y a Siemens Gamesa. L’allemand Siemens avait racheté une société danoise Bonus Energy basée dans le Jutland à Brande puis s’est associé à l’espagnol Gamesa.

Il y a l’américain General Electric.

Et les Chinois Goldwin et Envision qui sont surtout très présents pour l’instant sur leur marché intérieur ; ils ont encore du mal à exporter mais ils représentent un vrai risque sur le long terme.

Le marché chinois est important pour Vestas également même s’il est essentiellement capté par les fournisseurs locaux ; nous y sommes positionnés sur des projets avec certaines contraintes techniques.

 

Quelles sont les difficultés majeures que vous rencontrez actuellement ?

Je dirais d’abord qu’il y a une tension comme dans l’automobile concernant l’approvisionnement en composants électroniques et tout particulièrement sur les semi-conducteurs.

Mais le grand sujet actuel est le transport. La pandémie et ses restrictions ont limité la disponibilité des dockers et des chauffeurs de camion, entraînant des retards dans la manutention des marchandises. Il y des conteneurs qui ne peuvent pas être déchargés ou qui sont vides à un endroit et des marchandises qui sont en attente d’être chargés ailleurs. Nous faisons fabriquer en Inde ou en Chine des pièces que nous devons expédier ensuite. Cette désorganisation n’est pas sans conséquence sur les coûts du transport qui augmentent beaucoup.

 

Eolien onshore versus offshore ?

Vestas a commencé par l’éolien onshore (sur terre) puis a développé l’offshore (en mer) qui permet de capter des vents forts et réguliers. il y a aussi moins de nuisances visuelle et sonore et les problématiques du transport sont moins importantes.

Une pale peut mesurer jusque 110 mètres donc imaginez transporter sur route un tel gabarit !

 

Voici d'ailleurs un vidéo tournée à Copenhague qui vous permettra de réaliser l'ampleur du transport d’une pale d'éolienne : 

 

 

Vestas a récemment dévoilé sa dernière turbine géante, la V236-15,0 MW, d’une capacité de 15 mégawatts qui permettra d’alimenter en électricité 20.000 foyers. Vestas va ainsi pouvoir concurrencer ses rivaux dans l’éolien offshore.

Les éoliennes sont posées sur les fonds marins. L’éolien offshore s’est  naturellement implanté d’abord en Mer du Nord où il y a du vent et où la mer est peu profonde. On connait d’autres endroits dans le monde qui présentent des conditions similaires. Se développe également depuis plus récemment l’éolien flottant qui pourrait ouvrir de nouveaux marchés sur des océans plus profonds mais il présente encore quelques défis techniques.

Vestas a racheté en décembre dernier les parts de sa joint venture au japonais Mitsubishi Heavy Industries (MHI) et donc Vestas a désormais la main sur 100% de ses activités offshore.

 

Récemment Vestas a investi dans Copenhagen Infrastructure Partners (CIP), pouvez-vous nous en parler ?

CIP est un grand gestionnaire de fonds dédié aux nouvelles infrastructures d’énergie renouvelable. Vestas y a pris une participation minoritaire de 25%.

Grâce à cet investissement, Vestas vise à étendre davantage sa présence dans le développement de projets d'énergies renouvelables et à investir dans des domaines de la chaîne de valeur des énergies renouvelables qui dépassent ses activités existantes, son métier car le marché évolue et un autre monde s’ouvre. Certes, il y aura encore des évolutions technologiques, les éoliennes sont de plus en plus grandes mais le développement se fera au-delà !

Avec l’éolien offshore, nous allons convertir l’énergie produite en hydrogène, celui-ci servira à alimenter des véhicules par exemple ou à remplacer le charbon dans la fabrication de l’acier. L’électricité est difficilement transportable et stockable, nous envisageons donc le développement d’autres activités avec le solaire, l’hydrogène et ce partenariat avec CIP fait partie de cette stratégie.

 

Vidéo de Vestas présentant sa dernière turbine V236-15,0 MW : 

 

 

 

Un grand merci à Christophe d'avoir pris le temps de répondre à nos questions. 

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