Édition internationale

CINE- Un ange passe chez François Ozon

François Ozon aime surprendre. C'est le roi de la bifurcation inattendue et du changement radical de genre. Avec Ricky, il marie réalisme social et fable fantastique et signe un film déroutant.
Sortie aujourd'hui en Pologne.
Alexandra Lamy et Sergi Lopez au c?ur d'un séisme intime (photo Le pacte)

Depuis ses débuts, François Ozon passe d'un style à l'autre et joue avec les genres. Du grand Cluedo-Barbies musical de 8 femmes au très chabrolien Swimming pool;de la sobriété tragique du Temps qui reste au déluge chantilly d'Angel, il rebondit d'un univers à l'autre avec une aisance souvent impressionnante.
Ricky pousse le principe dans ses retranchements et juxtapose des éléments à priori très éloignés. S'il est un endroit où personne n'attendait l'élégant Ozon, c'est à l'usine ou dans le deux pièces étroit d'une banlieue ouvrière.
Ricky s'ancre pourtant dans le réalisme le plus direct.
Il s'ouvre sur un plan fixe de son héroïne face à un travailleur social que ne renieraient pas Ken Loach ou les frères Dardenne.

Ombilical
Katie travaille sur une chaîne où elle manipule des produits dangereux. Elle élève seule sa fille, dans une cité terne aux cages d'escalier lépreuses. Elle rencontre Paco, qui s'installe chez elle et avec qui elle a un nouvel enfant, Ricky. Or, après quelques mois, le bébé développe de curieux symptômes. L'irrationnel fait alors une irruption inattendue dans le quotidien et vient perturber le fonctionnement familial.
De cette intrusion magique, Ozon ne tire aucun enchantement. La différence de Ricky questionne. Les étapes de son évolution, son traitement frontal, radicalement premier degré, suscite un malaise certain.
Pour les personnages, le séisme est intime. Chaque membre de la famille cherche et doute un temps de sa place. Ni don, ni malédiction, l'anormalité de l'enfant est donnée comme un fait aussi inéluctable que l'étroitesse d'une vie de contraintes. Le merveilleux et le monstrueux se confondent avec, au centre, le lien maternel en ébullition. Il est le point de fixation d'un projet au final très resserré, parfois d'autant plus étouffant qu'il a les yeux tournés vers le ciel.  
La mère est interprétée par Alexandra Lamy, une actrice connue jusque là pour ses rôles de fantaisie télévisée. Sa prestation dans un registre beaucoup plus sombre et intérieur constitue l'épicentre de ce film gonflé et déroutant.
Même un peu interdit devant ses audaces et ses motivations, on ne peut que remercier François Ozon d'oser.

Jean Marc Jacob (www.lepetitjournal.com - Varsovie ) vendredi 27 novembre 2009
première publication mercredi 18 février 2009

Ricky, François Ozon (1h30) avec Alexandra Lamy, Sergi Lopez ...

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