Face à l’afflux de cas d’infection au coronavirus, des hôpitaux de campagne se montent un peu partout en Thaïlande, où plusieurs centaines de patients sont placés en quarantaine sous contrôle strict.
Le nombre de cas positifs au Sars-Cov-2 ne cesse de grimper depuis le début du mois d’avril. L’ensemble de la Thaïlande compte désormais 11.916 cas positifs actifs, dont 2.033 à Chiang Mai. Pour faire face à l’afflux de patients, de nombreux hôpitaux de campagne ont été ouverts un peu partout dans le pays.
En effet, selon le protocole thaïlandais, tous les cas positifs doivent être hospitalisés et éventuellement soignés pour ceux ayant développé le Covid-19 -le nombre exact des malades du Covid-19 n’est pas divulgué par les autorités qui donnent un seul chiffre englobant les cas d'infection au coronavirus et les malades Covid.
“Ces hôpitaux de campagne sont mis en place par précaution et par souci d’anticipation”, explique le Dr Gérard Lalande, médecin français basé à Bangkok, directeur de la société CEO Health et auteur d’un livre sur les problèmes de santé spécifiques à l’Asie. “En Thaïlande, être testé positif est suffisant pour être admis. Mais si les hôpitaux sont saturés de personnes asymptomatiques, il y a un risque qu’ils ne puissent prendre en charge dans de bonnes conditions les cas plus graves ou simplement traiter d’autres pathologies”, ajoute le docteur.
Face à l’augmentation du nombre de cas et aux inquiétudes liées au retour de Thaïlandais après les congés de Songkran, Bangkok prévoit 25.000 lits dans les hôpitaux de campagne et hôpitels tandis que 37 universités réparties sur l’ensemble de la Thaïlande ont commencé à installer des hôpitaux de campagne sur leur campus.
La province de Chiang Mai a ouvert le 5 avril un premier hôpital de campagne au Centre international des expositions et des congrès de Chiang Mai. Initialement prévu pour accueillir 280 patients, sa capacité s’élève aujourd’hui à 2.000 lits. Le hall des sports de l’Université de Maejo dispose depuis le 14 avril de 400 lits tandis que l’Université de Chiang Mai peut héberger 300 patients.
Une quarantaine où des centaines de personnes se rassemblent
Des dizaines de lits alignés dans de grands halls, des infirmières en combinaison complète avec visière et gants, des caméras de surveillance, vues de l’extérieur, les images des hôpitaux de campagne font penser à des camps de fortunes sous haute surveillance. “Il est clair qu’en termes de confort, nous sommes plutôt à un niveau très très moyen”, commente Nohn Intaran joint au téléphone par Lepetitjournal.com.
Musicien de jazz indépendant, Nohn séjourne au Centre international des expositions et des congrès de Chiang Mai depuis le 9 avril après avoir vraisemblabement contracté le virus le 2 avril dans un bar de Chiang Mai. “Je suis musicien, je joue dans différents bars et clubs, quand j’ai appris qu’il y avait des cas positifs, je me suis rendu dans un centre de dépistage. Ma petite-amie et d’autres amis musiciens sont ici aussi en ce moment. En fait, au lieu d’être isolé chez soi, nous sommes des centaines à nous rassembler pour la quarantaine”, commente le jeune homme qui fêtera ses 30 ans à l’hôpital de campagne.
Sur place, les patients sont soumis à deux contrôles de santé quotidiens, le matin et en fin de journée. Les infirmières vérifient la température, la tension, l’état de la gorge, des yeux, etc. Après six jours, Nohn Intaran s’estime pour ainsi dire guéri, il sent juste encore une petite irritation au niveau de la gorge. Si les patients sont suivis au jour le jour, ils ne se font pas pour autant prescrire automatiquement un traitement, mais ils peuvent néanmoins consulter un docteur sur place qui évaluera au cas par cas les besoins des patients, ainsi que la nécessité ou non de les transférer dans un hôpital.
“Les hôpitaux de campagne sont pour les personnes qui ont quelques symptômes sans pour autant être dramatiques, il s'agit d'un service de soins ambulatoires et non de soins intensifs”, précise le Dr Lalande.
Au niveau logistique, les patients se voient offrir trois repas par jour - avec des quantités qui diminuent avec l’arrivée de nouvelles personnes - , ils peuvent également se faire livrer de la nourriture via les applications de livraisons deux fois par jour à des heures définies, la famille ou les amis peuvent venir déposer du matériel et des accessoires tel que des oreillers ou des couvertures, des vêtements ou de la nourriture. Les patients ont aussi la possibilité de se promener dans le hall central du Centre de Convention.
“J’ai emmené mon ordinateur, je passe mon temps à lire, à travailler ma musique, à surfer sur Internet et à échanger avec ma famille et mes amis pendant que je suis ici. Dans l’ensemble, je ne vais pas me plaindre, ce n’est pas si mal même si c’est un peu stressant et que par moment c’est un peu difficile de tenir le coup moralement”, relate Nohn.
Des médecins de l’hôpital psychiatrique de Suan Prung se rendent tous les jours au Centre de Convention pour aider et soutenir les patients qui souffrent de dépression ou d’anxiété du fait d’être placés en quarantaine dans des conditions sommaires, mais aussi de la proximité constante avec les autres patients et de l’éloignement de la famille ainsi que l’angoisse de voir le virus évoluer en forme grave.
En quarantaine jusqu’au 23 avril, Nohn pense déjà à sa sortie et aux conséquences que le virus aura sur sa vie professionnelle avec d’une part l’impossibilité de jouer dans les bars et clubs à cause de la fermeture de ceux-ci au moins jusqu'au 30 avril et donc la perte de la moitié de ses revenus. D’autre part, il anticipe certaines réactions : “je produis de la musique dans mon studio pour des publicités ou des albums, le mois qui suivra ma sortie je vais travailler uniquement en ligne. Je sens une réticence, une peur de la part des gens à se retrouver trop vite en contact avec moi”.
Les lieux de vie nocturnes sont particulièrement pointés du doigt comme étant à l’origine de la nouvelle poussée épidémique. À Chiang Mai, une dizaine de musiciens sont actuellement en quarantaine. Sur les réseaux sociaux ou dans les commentaires des autorités, ils ont parfois l’impression d’être stigmatisé, qu’on leur fait porter la responsabilité de la propagation de l’épidémie alors qu’ils ne faisaient que leur travail, jouer de la musique.
“Il faut arrêter de blâmer les adolescents et les jeunes, ils n’ont rien fait d’illégal. C’est clair que tout le monde doit être prudent et respecter les mesures sanitaires, mais c’est facile de pointer uniquement la vie nocturne. Ce n’est pas un secret que certaines personnes aimeraient voir ces lieux fermer leurs portes”, dénonce l’un d’entre eux sous couvert de l’anonymat.