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La pluie précoce réduit le smog mais le problème des brûlis persiste

Carte Nasa des incendies en Thailande au 29 avrilCarte Nasa des incendies en Thailande au 29 avril
Capture d'écran - Au 29 avril, le nombre de foyers d'incendies en Thaïlande était pour ainsi dire inexistant selon les images satellite de la Nasa
Écrit par Catherine Vanesse
Publié le 3 mai 2021, mis à jour le 3 mai 2021

Les pluies abondantes du mois d’avril ont permis d’améliorer la qualité de l’air, une bonne nouvelle qui ne signe pas pour autant la fin de la saison des fumées

Tous les ans, entre janvier et avril, les niveaux de concentration de particules fines PM2.5 atteignent des taux dangereux pour la santé dans le nord de la Thaïlande au cours de ce que l’on appelle dans la région la “saison des fumées”. 

Chaque année, durant la saison sèche, de novembre à février, puis la saison chaude, de mars à mai, les agriculteurs du nord de la Thaïlande brûlent leurs champs pour préparer la terre pour la prochaine récolte et aussi pour se débarrasser des déchets biologiques tels que les feuilles dans les forêts ou les plants de maïs, ce qui produit de grande quantités de particules fines dans l'air. À cette pollution saisonnière s’ajoutent les émissions régulières de monoxyde de carbone des véhicules ou des usines environnantes.

Cette année, le nord de la Thaïlande a connu une série d'orages particulièrement précoces, dès le début du mois d’avril, qui ont littéralement nettoyé l'atmosphère et éteint les feux de forêt. Le résultat est que l'indice de qualité de l’air (AQI) affiche de nouveau des niveaux sains pour la santé, pour le plus grand plaisir des habitants. Pour autant, peut-on déjà se réjouir? La réponse semble plus complexe. 

60% de foyers d’incendie en moins

“En 2021, le nombre de foyers d’incendie a diminué de plus de 60% par rapport à l’an dernier”, se réjouit Chatchawan Thongdeelert, président du Chiang Mai Breathe Council, une plateforme citoyenne qui a pour objectif de réduire la pollution dans les zones rurales et urbaines en rassemblant différents groupes d’activistes environnementaux, des académiciens et des ONG.

“Ce résultat est la conjonction de plusieurs facteurs avec d’une part une meilleure collaboration entre les communautés et l’administration locale et d’autre part une association entre les différents secteurs gouvernementaux, civils et les milieux des affaires. Et bien entendu, il faut ajouter d’importantes précipitations”, ajoute Chatchawan Thongdeelert. 

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En octobre 2020, les autorités provinciales de Chiang Mai avaient approuvé une proposition émise par le Chiang Mai Breathe Council consistant à opter pour une gestion des brûlis plutôt que d’imposer une interdiction stricte qui n'est pas suivie. 

Grâce à cette nouvelle approche, les autorités disaient espérer voir une diminution de 25% du nombre de points chauds - de son côté, Chatchawan Thongdeelert visait une réduction de 50%. 

Selon l'Agence thaïlandaise  de développement de la géo-informatique et des technologies spatiales (GISTDA), la province de Chiang Mai a enregistré 7.762 foyers d’incendie entre le 1er janvier et le 25 avril contre 21.181 à la même période en 2020.

Pluies salvatrices, mais aucune preuve de solution

Pour autant, les chiffres de cette année sont à prendre avec des pincettes et ne démontrent pas vraiment le succès du système de gestion de feux, comme l’explique le consul honoraire britannique Ben Svasti : “Cette année est particulièrement différente à cause de l’arrivée précoce de la pluie! Il y a beaucoup de fermiers qui attendaient de recevoir l’autorisation de pouvoir brûler, ils attendent depuis des semaines ou des mois et là, ce sont les pluies qui les en empêchent. Il y a donc un risque qu’à la prochaine période un peu sèche, ils brûlent leurs déchets agricoles en mai ou juin, d’autant plus que l’interdiction de brûler s’arrête au 30 avril”. 

champ de maïs à Chiang Mai
De nombreux fermiers attendent depuis des semaines d'avoir l'autorisation de brûler leur déchet agricole. Malheureusement l'arrivée précoce de la pluie les en ont empêché. Certains espèrent avoir quelques jours de beau temps en mai ou juin pour brûler afin de pouvoir préparer la récolte. (Photo Catherine Vanesse)

Présent dans le comité de discussion sur les problèmes de pollution présidée par le gouverneur de Chiang Mai Charoenrit Sanguansat, Ben Svasti pense également que l’impossibilité de brûler pour ces fermiers risque d’avoir des effets négatifs l’année prochaine et qu’un certain nombre d’entre eux pourraient ne plus adhérer à ce principe de gestion des brûlis. 

“Il n’y a encore été pris aucune décisions pour savoir si ce modèle de gestion sera reconduit l’année prochaine. Par contre, nous constatons que n’avons pas vécu en 2021 de pics de particules fines PM2.5, ceux-ci n'ont pas atteint des taux de 300 ou plus selon l’indice AQI”, constate Chatchawan Thongdeelert. 

Selon le site gouvernemental Air4Thai, les mois de janvier 2020 et 2021 ont enregistré des niveaux de particules fines similaires avec une moyenne de 115 selon l’indice AQI. Par contre, au mois de février dernier, l'AQI moyen était seulement de 110 contre 147 en 2020. Le mois de mars était à 164 tout comme en 2020, et le mois d’avril à 110 contre 153 l’année dernière. 

"La santé est un luxe qui passe après"

“Cette année, nous avons été sauvés grâce à la météo, mais je ne dirais pas pour autant que c’est un succès. La saison des fumées reviendra l’année prochaine, car nous n’avons toujours pas de solution durable. Pour cela, il faudrait une réelle implication du gouvernement central (Bangkok). Nous avons besoin d’une véritable réforme agricole encadrée par la législation au niveau national, les initiatives provinciales ne sont pas suffisantes”, précise Ben Svasti, résident à Chiang Mai depuis plus de 30 ans. 

Pour le consul honoraire anglo-thaïlandais, la solution à long terme est à chercher dans le niveau de vie des villageois et des paysans. Un constat qui rejoint celui de Michael Schaefer, président de la fondation Warm Heart qui promeut le biochar pour lutter contre la pollution. Selon les deux hommes, les paysans ont tout à fait conscience des conséquences sur leur santé des feux agricoles. Mais pour eux, la santé est un luxe qui passe après le besoin de manger.

“Nous ne pouvons pas dire aux fermiers d’arrêter de brûler quand ils n’ont pas d’autres options. C’est une vision très citadine de dire qu’il faut les éduquer et leur dire pourquoi ne pas brûler quand la plupart de ces fermiers gagnent à peine 60 bahts par jour et qu’il leur faut préparer les champs pour planter la prochaine récolte”, commente Michael Schaefer. 

Et l’Américain de conclure : “La saison des brûlis semble terminée dans les villes, c’est un phénomène annuel qui dure trois mois et qui fait souvent la Une des médias, le sujet dont tout le monde parle et qui sera oublié pendant les 9 prochains mois alors qu’en fait, les feux ne s’arrêtent jamais. Dans les campagnes et les zones reculées, les paysans brûlent les déchets agricoles tout au long de l’année, mais c’est moins visible”. 

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