La galerie Tasmai, dont l’artiste peintre Kirti Chandak est la directrice, ne cesse de nous raconter des histoires. Cette fois, elle s’est alliée avec sa consœur Malavika Mandal Andrew, “designeuse” de textiles pour développer une idée née durant le confinement dû au Covid. Toutes deux ont inventé un moyen de s’évader pendant cette période d’isolement et le résultat a été exposé à la galerie Tasmai à Pondichéry en décembre 2021. La collaboration entre les deux artistes s’est poursuivie et est désormais exposée sous forme d’une biennale. Cette année, 35 artistes présentent des œuvres réalisées en commun dans la galerie mais aussi en ligne.
Les 35 artistes qui se sont prêtés à cette collaboration sont majoritairement indiens mais pas seulement. Un peintre japonais et des artistes canadiens, iraniens, américains, portugais ont aussi participé pour créer des œuvres communes.
Le processus de collaboration mis en place par Kirti Chandak et Malavika Mandal Andrew durant le Covid
Malavika Mandal Andrew a créé des groupes de trois peintres qui ont eu pour mission de collaborer pour trois œuvres collectives.
Au départ, chaque peintre commence une création picturale sur le format d’une feuille A4 environ, qu’il envoie au deuxième peintre du groupe pour que celui-ci la complète et la transmette au troisième qui fait de même.
Ainsi, pendant cette interminable période pendant laquelle les gens ne pouvaient pas bouger, les œuvres ont circulé par la poste, se sont croisées, ont pris l’avion et, pour certaines, traversé des continents, jusqu’à atterrir à la galerie Tasmai.
Cette année, chaque groupe de trois artistes présente six œuvres : trois œuvres individuelles et trois œuvres de collaboration.
Kirti Chandak raconte ce travail collectif si particulier :
Il faut oser travailler sur l’espace d’un autre artiste, cela crée un mélange de styles et des transformations assez étonnantes et le résultat est très intéressant. Cela prend du temps d’oser et de trouver quoi faire, dans un espace où sont déjà inscrites les traces d’un autre artiste. Ce principe de collaboration peut aussi aider à penser à qui est l’autre et ainsi échapper à la tendance à l’individualisme qui imprègne notre société d’aujourd’hui.
Ceux qui ont eu l’occasion d’expérimenter cet exercice, sous forme d’ateliers d’écriture par exemple, savent comme il est délicat et sensible, d’attraper au vol cette fameuse trace inscrite par un autre et d’y conjuguer ou accoler son propre style sans dénaturer ce qui préexistait. Le résultat est quasiment toujours une surprise, comme quelque chose qui va encore plus loin.
La biennale Art▁▁Space de 2023 à Pondichéry
La biennale s’est ouverte de façon très remarquée par une autre forme de collaboration.
L’artiste Paramesh Jolad a effectué une performance dans l’espace public de la ville.
Il a posé sur sa tête un casque de chantier, sur lequel il a disposé la reproduction d'une charrue, puis il a disposé entre le casque et sa tête une série de sachets de peinture bleue, rouge et verte. Ensuite il a demandé à chacun de percer les sacs de couleurs et celles-ci se sont répandues sur son visage.
Ainsi coiffé et peint, il s’est rendu sur différents sites emblématiques de Pondichéry, où il a demandé aux personnes qu’il rencontrait à laquelle de ces couleurs elles pensaient appartenir : couleur de caste, de parti politique, de profession, ce qui a engagé de nombreuses interactions. Les passants l’ont interrogé sur ce qu’il faisait et pourquoi il portait ça et la police s’est inquiétée de ces rassemblements non prévus.
L’objectif de Paramesh Jolad en organisant ce type de performance dans l’espace public est d’amener les gens à réfléchir aux conditions de vie de ceux qui produisent les aliments que nous mangeons, cultivateurs et éleveurs, et à ce que chacun peut faire pour eux. Les difficultés des agriculteurs indiens, et en particulier de ceux de l’État du Maharashtra, sont de plus en plus importantes et le nombre de suicides augmente.
Paramesh Jolad reproduit cette performance et porte son message dans de nombreuses villes en Inde. À Pondichéry, les spectateurs ont réagi positivement et plusieurs l’ont félicité de son action.
L’exposition qui devait se terminer le 30 octobre est reconduite jusqu’au 10 novembre 2023.
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