Sur les grands boulevards phnompenois la police fait la loi et remplace les feux automatiques. Elle en profite également pour user de son pouvoir en donnant des amendes aux automobilistes imprudents ou irrespectueux de règles. Depuis un balcon de la capitale on peut observer l’évolution des pratiques de l’autorité policière.
Pendant mon temps libre, j'aimais observer depuis mon balcon le jeu des policiers qui, depuis leur cachette sous un arbre en retrait de la rue, sautaient à la dernière seconde pour arrêter une moto ou une voiture qui roulait en sens inverse dans la rue dont ils avaient en quelque sorte la concession.
Parfois, cela se passait bien, le conducteur coupable acceptant comme inévitable de se soumettre à l'autorité policière qui l'emmenait vers une petite table pour payer l'amende demandée. Mais de temps en temps, on frôlait l'accident lorsqu'un motocycliste, surpris par l'assaut brutal du policier, manquait de perdre l'équilibre. Il arrivait aussi que cela tourne au drame, le conducteur faisant demi-tour dans la précipitation, à toute vitesse, au risque de renverser un piéton malchanceux se trouvant au mauvais endroit, au mauvais moment.
Tout en comptabilisant automatiquement le nombre de "prises" de cette équipe de policiers dont le seul souci du respect du code de la route se limitait chaque jour à grossir leur tableau de bord et leur beau butin, je fulminais contre ce comportement indigne. "Comment espérer l'indispensable amélioration de la sécurité routière si les agents chargés de faire respecter le code de la route ne suscitent chez les automobilistes que de la désapprobation sinon l’indignation face à cette corruption d'un fonctionnaire en uniforme ? ", ne cessais-je de penser, fulminant silencieusement chaque jour, depuis mon poste d'observation au balcon.
Au-delà d'une farce tragi-comique, je voyais dans ce jeu du chat et de la souris éternellement répété une métaphore de l'absence d'un véritable État de droit autorisant implicitement le fonctionnaire à se servir au lieu de servir.
Et je me disais : le jour où, de mon balcon, je ne verrai plus que ces fonctionnaires de police sauter et saisir quelqu'un ayant commis un délit comme la pauvreté qui frappe les gens ordinaires, alors, peut-être, un vent nouveau soufflera dans l'administration des affaires publiques.
Et croyez-le ou non, c'est ce qui s'est passé.
Bon, ne nous emballons pas ! Mais au moins, depuis lundi 4 septembre, le "piège" qui était en place depuis des années sous mon balcon a été enlevé ! Les policiers sont toujours en service, mais ils semblent désormais être là en position d'observation.
Cela s'est produit à la suite d'un ordre donné il y a une semaine par le chef de la police de Phnom Penh aux agents de la police de la circulation du district, selon lequel les policiers devaient cesser de se cacher et de sauter sur les motocyclistes et les automobilistes sans méfiance pour leur infliger des amendes en cas d'infraction au code de la route. Ils ne pouvaient pas continuer car "cette activité est très mal vue et elle porte atteinte à l'honneur et à la dignité des forces de police" a déclaré ce général de division.
Il était temps que cela soit dit. Et surtout que cela ait un effet.
On peut espérer que cette dignité retrouvée permettra aux agents de la circulation d'être crédibles et respectés dans l'exercice de leurs fonctions, et que les amendes qu'ils infligeront désormais en toute transparence auront un effet punitif sur les chauffards, mais surtout un effet éducatif et préventif sans lequel l'insécurité routière perdurera.
Certains pensent sans doute que les vieilles habitudes ne tarderont pas à revenir. Leur prudence est fondée sur l'expérience.
Aux nouvelles autorités de leur donner tort.
Quant à moi, depuis mon balcon, je reste en stand-by.
Avec l'aimable autorisation de Cambodianess, qui a permis de traduire cet article et ainsi de le rendre accessible au lectorat francophone.